C’est une finale Voix nouvelles 2023 de haut niveau qui s’est tenue lundi soir à l’Opéra Comique. Les candidats, accompagnés par un orchestre philharmonique de Nice ayant fait preuve d’une grande adaptabilité (nous avons entendu de la musique française, italienne, russe, baroque, romantique) sous la houlette d’une Chloé Dufresne décidément très talentueuse (constamment attentive aux jeunes artistes et parvenant à conférer à chaque page, nécessairement interprétée en dehors de tout contexte, sa couleur propre) ont tous fait preuve d’une très belle préparation, la plupart d’entre eux s’étant même montrés, en dépit d’un stress bien légitime, plus assurés que lors des demi-finales.
Un mot tout d’abord des finalistes qui n’ont pas été primés – mais qui n’ont nullement démérité. Linsey Coppens possède une voix à l’émission franche et facile, mais il n’est pas sûr que la cavatine de Rosine soit la page la plus à même de faire valoir ses qualités, la maîtrise de la grammaire belcantiste n’étant pas encore parfaitement maîtrisée. Valentin Thill n’a pas choisi la facilité avec l’air de Rinuccio et surtout celui de Cellini, à l’écriture particulièrement tendue. Malheureusement en ce dimanche soir, le registre aigu du ténor est fragilisé (indisposition passagère ? trac ?), ce qui a nui à sa prestation, en dépit du beau timbre et des qualités qu’on lui connaît. Lila Dufy possède un timbre très personnel et une technique déjà aguerrie : elle aurait pu, selon nous, obtenir un prix…
Livia Louis-Joseph-Dogué (venue avec de nombreux supporters, dont son père qui a fait spécialement le voyage de la Martinique pour la circonstance !) remporte le prix du public grâce à une voix naturelle de grande qualité, portée par une technique qui demande encore à être peaufinée – mais c’est bien normal, il s’agit de la benjamine du concours : 20 ans tout juste !
Le sixième prix revient à Emy Gazeilles, soprano léger à la technique déjà bien maîtrisée, mais à qui il manque – surtout dans la cavatine de Giuletta – un rien d’abandon et un panel de nuances plus riche.
Cinquième prix : Lotte Verstaen nous avait fait forte impression lors des demi-finales. Sa ligne vocale nous paraît moins assurée cette fois-ci, avec une conclusion de l’air de La Pucelle d’Orléans (« Adieu, forêts… ») quelque peu bousculée. Mais le moins que l’on puisse dire est qu’il se passe quelque chose la jeune mezzo belge chante… Une artiste à suivre, assurément !
Quatrième prix : Héloïse Poulet remporte un formidable succès public. Il faut dire qu’elle a très intelligemment su se mettre en valeur en proposant deux airs appartenant à deux registres absolument opposés : la « Folie » de Platée et l’air du poison de Juliette. Elle fait preuve du même abattage scénique et vocal qu’en demi-finale ; il ne lui manque guère qu’un aigu plus rond et plus percutant pour convaincre tout à fait dans la difficile scène de Juliette.
Le troisième prix revient à une double Cendrillon (Massenet et Rossini) : Juliette Mey, au français très pur et à la technique impeccable, même s’il manque encore un peu de personnalité à cette chanteuse toute jeune (23 ans). Ce n’est qu’une affaire de temps, sans aucun doute !
Le deuxième prix échoit à Léo Vermot-Desroches dont nous entendons pour la troisième fois « la Légende de Kleinzach », après celle chantée au studio Bastille en novembre 2021 et celle proposée en demi-finale. C’est, selon nous, la plus aboutie et la mieux maîtrisée des trois, avec une diction parfaite, un lyrisme mesuré, des aigus très sûrs. L’air de L’Arlésienne est un brin moins idiomatique, mais reste convaincant et émouvant.
© Klara Beck
Enfin, Lauranne Oliva, jeune soprano de 23 ans, a selon nous dominé la compétition et remporte un premier prix hautement mérité. Même si elle caracole sans difficulté dans l’aigu et le suraigu (elle a chanté la sonnanbula et propose ici Mari de La Fille du régiment, la chanteuse n’a rien du soprano léger, pointu, métallique, étriqué : une belle assise dans le médium et le grave et une projection à la fois ample et naturelle en font un soprano lirico-leggero plutôt que pur leggero. La virtuosité est réelle mais jamais mécanique ni démonstrative, et le goût très pur, avec un « Caro nome » lunaire et éthéré de toute beauté. Une artiste qu’il nous tarde de réentendre !
2 commentaires
Merci à notre Rédacteur en chef pour ce fort intéressant compte-rendu.
Au vu des qualités décelées chez ces jeunes artistes, une maison d’opéra trouverait aussitôt matière à constituer sa troupe d’opéra à demeure (il resterait seulement à recruter un baryton et une basse). La troupe d’opéra : un mode de production idéal pour les chanteurs, les publics et les impératifs d’écoresponsabilité/économie en 2023 !
Bien d accord! Depuis le temps qu on attend la réponse création d une troupe!!!!