Dans une période quelque peu compliquée (difficultés financières, période de grèves pour les opéras en Italie…), le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino remporte un très beau succès avec la reprise d’une Bohème émouvante faisant salle comble !
À Florence, au Teatro del Maggio Musicale Fiorentino, est actuellement reprise une production de La Bohème de Giacomo Puccini qui fit ses débuts en 2017, dans un petit festival de fin d’été dédié au grand compositeur de Lucques. C’était un succès à l’époque, et c’est aujourd’hui un double succès, alors que le théâtre, après les dépenses folles d’Alexandre Pereira, risquait de ne pas avoir d’argent pour la saison 2023-2024. Heureusement, les spectacles de 2024 vont être présentés aujourd’hui, jeudi 23 novembre (des nouvelles seront annoncées sous peu dans Première Loge). En attendant, la petite saison trimestrielle commencée en septembre continue, avec quelques concerts et un seul opéra, une très agréable Bohème de Giacomo Puccini que le public a beaucoup apprécié, remplissant la salle à toutes les représentations jusqu’au 29 novembre, après l’émoi provoqué à la première du 14 novembre par une annonce : en raison de la grève d’un syndicat auquel appartiennent plusieurs musiciens, l’opéra serait mise en scène avec le piano pour seul accompagnement… Le théâtre, qui avait fait le plein, a perdu environ la moitié de ses spectateurs, mais ceux qui sont restés dans la salle sont tout même repartis satisfaits.
La distribution de la première représentation, entachée par l’une des nombreuses grèves provoquant l’annulation de plusieurs premières en Italie (où le contrat de travail des Fondations de l’Opéra Symphonique n’a jamais été renouvelé depuis vingt ans), était la même que l’on a pu entendre le dimanche 19, cette fois avec l’Orchestra del Maggio Musicale dirigée par Giacomo Sagripanti, fraîchement rentré de Paris, et qui faisait ses débuts sur le podium florentin ; il a réussi à trouver une bonne entente avec l’orchestre et à bien mettre en valeur les détails instrumentaux de la partition.
Assez homogène est la (jeune) distribution, d’où se détache Mariangela Sicilia, déjà experte dans le rôle de Mimì, interprété avec succès il y a cinq ans dans une fameuse Bohème dirigée par Michele Mariotti à Bologne, avec une mise en scène de Graham Vick. Elle dessine une Mimì à la fois intense et délicate, au point de rendre crédible la présentation qu’en fait Rodolfo à ses amis chez Momus («Perché son io il poeta, / essa la poesia» – « Parce que je suis le poète, / et elle est la poésie »). Habile à moduler a voix en exploitant son expressivité dans les « piano » et « pianissimo » empreints de sonorités douces, elle est une Mimì émouvante, ce qui n’a pas manqué de faire pleurer une bonne partie des spectateurs : après tout, l’entière partition de cet opéra est conçue de manière à déchirer le cœur de ceux qui y assistent ; l’orchestration seule suffirait à produire cet effet !
Galeano Salas (Rodolfo) a une voix bien projetée qui monte facilement vers les notes aiguës ; il lui suffirait d’affiner un peu plus son phrasé. Il est bien soutenu sur scène par l’excellent Marcello de Min Kim ; Elisa Balbo incarne Musetta avec assurance, même dans la scène de Momus où elle doit conclure sa valse lente « Quando men vo soletta » sur une balançoire qui s’élève du sol (heureusement sans se balancer !) ; le metteur en scène, par les attitudes qu’il lui fait prendre et le haut-de-forme qu’elle porte pendant une partie de sa romance, semble se souvenir de Nicole Kidman dans Moulin Rouge. La mise en scène de Bruno Ravella, maintenant reprise par Stefania Grazioli, avec les magnifiques costumes fin de siècle d’Angela Giulia Toso, a parfois quelque chose de cinématographique ; une mise en scène traditionnelle sans être banale ; les décors de Tiziano Santi vont à l’essentiel et suggèrent les environnements plutôt que de les reproduire, ce qui les rend multifonctionnelles : la même structure, avec l’aide des lumières de D.M. Wood reprises par Emanuele Agliati, délimite aussi bien la mansarde de Rodolfo et de ses compagnons dans les premier et quatrième tableaux que le Caffè Momus dans le deuxième, par exemple.
William Hernandez (Schaunard) et Francesco Leone (Colline) ont également réalisé de belles performances. Le chœur preparé par Lorenzo Fratini et le chœur d’enfants preparé par Sara Matteucci, étaient excellents, comme toujours, même lorsqu’ils étaient en mouvement. Un spectacle toujours efficace, salué par de nombreux applaudissements en début de spectacle et en fin de représentation.
Mimì : Mariangela Sicilia
Rodolfo : Galeano Salas
Marcello : Min Kim
Musetta : Elisa Balbo
Schaunard : William Hernandez
Colline : Francesco Leone
Alcindoro/Benoit : Davide Piva
Orchestre du Mai musical florentin, dir. Giacomo Sagripanti
Chœur du Mai musical florentin, dir. Lorenzo Fratini
Chœur d’enfants de l’Académie du Mai musical florentin, dir. Sara Matteucci
Mise en scène : Bruno Ravella, reprise par Stefania Grazioli
Décors : Tiziano Santi
Costumes : Angela Giulia Toso
Lumières : D.M. Wood
La Bohème
Opéra en quatre actes de Giacomo Puccini, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger, créé au Teatro Regio de Turin le 1er février 1896.
Florence, Teatro Maggio musicale fiorentino, Représentation du dimanche 19 novembre 2023