En septembre 2022, Laurent Bury avait déjà signalé à l’attention des lecteurs de Première Loge le talent d’Anne-Lise Polchlopek, à l’occasion d’un récital donné au Musée d’Orsay. C’est avec curiosité et impatience que nous nous sommes donc rendu salle Cortot en ce samedi 10 février, où la mezzo française proposait un programme à l’éclectisme assumé : opéra baroque anglais ou italien, opéra-bouffe Second Empire, opéra français, mélodie française ou anglaise du XXe siècle, vérisme, bel canto… Qui dit mieux ? Le programme, en tout cas, aura permis de mettre en valeur la remarquable adaptabilité stylistique de l’interprète, ainsi que ses grandes qualités vocales, techniques et interprétatives. La voix d’Anne-Lise Polchlopek est d’une belle homogénéité, avec un grave chaleureux, un aigu franc, et une liaison entre les registres d’un grand naturel. Si l’on sent la chanteuse particulièrement à l’aise dans la mélodie et l’opéra français (elle a remporté l’an dernier le Grand prix de la mélodie au Concours international de Toulouse), elle ne se montre pas moins convaincante dans le Didon et Énée de Purcell ou Le couronnement de Poppée de Monteverdi. De la reine de Carthage, Anne-Lise Polchlopek possède la grandeur de ton mais aussi la tristesse noble et pudique, avec un « Remember me » dont la reprise pianissimo est poignante… comme le sont les exclamations douloureuses qui ouvrent les adieux à Rome, touchants de sobriété et d’émotion contenue. Le répertoire italien plus tardif, au service duquel la mezzo met cette fois-ci une chaleur expressive très bienvenue, est représenté par l’air de Musette extrait de la rare Bohème de Ruggiero Leoncavallo, le « Sole e amore » de Puccini (qui préfigure le quatuor clôturant l’acte III de La bohème…), et l’air de Leonora de La favorita (en italien : dommage…), dont les écarts vocaux sont bien maîtrisés et dont la chanteuse met parfaitement en valeur le contraste opposant le lancinant « O mio Fernando » à la fougueuse cabalette. Merci enfin à Anne-Lise Polchlopek d’avoir proposé quelques raretés, telles « La Princesse sans cœur » d’Holmès, ou encore la très belle « Scène de Phèdre » de Viardot.
Au piano, la jeune Anna Giorgi, actuellement en formation au CNSMD de Paris dans les classes d’accompagnement vocal d’Anne le Bozec et Emmanuel Olivier, fait déjà montre d’une très belle complicité avec sa partenaire dont elle suit, soutient et illustre le chant avec précision et raffinement. Les deux courtes pièces pour piano « La fille aux cheveux de lin » de Debussy et « Mélisande » de Mel Bonnis permettent par ailleurs de bien mettre en valeur le raffinement mais aussi l’expressivité de son jeu.
Le public, conquis, réclame un bis : ce sera le délicieux « À Chloris » de Reynaldo Hahn, offert avec tout le charme et toute la simplicité requis par la page. Anne-Lise Polchlopek : plus qu’une artiste prometteuse, un talent déjà confirmé dont nous suivrons les prochaines apparitions avec intérêt !
Anne-Lise Polchlopek, Mezzo-Soprano
Anna Giorgi, piano
Héroïnes de rêve et de chair
Itinéraire fantasmé autour de figures féminines mythiques et historiques.
Jacques Offenbach
« On me nomme Hélène la blonde… Dis-moi Venus … », La Belle Hélène
Augusta Holmes
La princesse sans cœur
Pauline Viardot
Scène de Phèdre, VWV 1009
Henri Purcell
« Thy hand Belinda … When I am laid in earth », Dido and Aenea
Claude Debussy
La Fille aux cheveux de lin, Premier livre de Préludes (Piano solo)
« La Chevelure », n°2, Trois chansons de Bilitis N° 2 (FL97)
Rebecca Clarke
The Seal man
Charles Gounod
« Où suis-je ? … Ô ma lyre immortelle », Sapho
Mel Bonis
« Mélisande pour miano seul », Femmes de légende
Claudio Monterverdi
Ottavia, Les adieux à Rome, Le couronnement de Poppée
Ruggiero Leoncavallo
« È destin … Marcello mio », air de Musetta, La Bohème
Giacomo Puccini
« Sole e amore »
Gaetano Donizetti
« Fia dunque vero … O mio Fernando », air de Leonora, La Favorita
Bis :
Reynaldo Hahn
« A Chloris »