En cette année du centenaire Puccini, rares sont les salles françaises (et encore moins parisiennes) à avoir proposé un hommage digne de ce nom au compositeur lucquois. Les opéras de Nice et de Metz, constituent de belles exceptions que Première Loge Opéra a déjà signalées. Mais les opéras nationaux ont raté une belle occasion de proposer au public Edgar, Le Villi, Manon Lescaut, ou Il trittico (même si cette dernière œuvre sera proposée en 2025 à l’Opéra de Paris, non pas dans une nouvelle production, mais dans un spectacle importé de Salzbourg, signé Christof Loy).
En ce vendredi 15 novembre, le grand amphithéâtre de la Sorbonne a quant à lui offert au public une soirée puccinienne organisée par Stéphane Lelièvre, avec des moyens évidemment inférieurs à ceux dont disposent les grandes salles de concert (le spectacle est entièrement financé par l’Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation de Paris, qui, comme l’a expliqué son directeur Alain Frugière dans un discours inaugural, a fait de la culture sa priorité[1]) – des moyens modestes, donc, qui n’ont pourtant privé la soirée ni de son originalité, ni de sa qualité. Aux côtés des grands chefs-d’œuvre pucciniens bien connus (Tosca, La bohème, Turandot,…), nous avons en effet également entendu des extraits de la rondine, Edgar, ou encore le rare Requiem du maître lucquois.
Plusieurs artistes présents ce soir sont dorénavant bien connus du public de ces concerts du Grand Amphithéâtre. Nous avons ainsi retrouvé avec plaisir le Chœur de Paris (dirigé par Till Aly), toujours aussi enthousiaste et impliqué dans chacune de ses interventions, le ténor Fabien Hyon, qui avait été un superbe Roméo l’an dernier, et qui prête ici sa voix fraîche et juvénile à Ruggero (la rondine), Rodolfo (la bohème), ou encore aux parties ténor de la Messa, très élégamment interprétées. Comme l’an dernier, c’est Juliette Sabbah qui officie au piano : attentive aux artistes – au chant desquels elle offre, avec talent, un cadre tantôt poétique, tantôt dramatique –, elle est la seule artiste à rester sur scène tout au long de cette soirée particulièrement riche !
Deux nouveaux venus cette année : le baryton Jiwon Song, au timbre d’airain, glaçant dans Scarpia, émouvant en Marcello ; et Anaïs Constans, qui est devenue sans doute l’un des plus beaux sopranos lyriques français du moment : elle ouvre la soirée avec un air de Magda (la rondine), aux superbes aigus filés ; et, au fil du concert, sa voix pleine, ronde, chaleureuse, rendra parfaitement justice aux personnages de Mimi (qu’elle a déjà interprété dans son intégralité), mais aussi à la prière de Tosca, et à la mort de Liu, très émouvantes. À noter également l’interprétation très touchante de Musetta par la jeune Verlaine Larmoyer, qui prête son concours dans la scène finale de La bohème.
Enfin, et c’est là l’originalité première du spectacle, la soirée aura permis d’entendre des extraits des Scènes de la vie de Bohème de Murger ou de La Tosca de Sardou :
le public a ainsi redécouvert le charme gentiment suranné de ces pages aujourd’hui assez oubliées. Elles ont été interprétées par Marie-Astrid Clair (touchante Tosca), notre confrère Romaric Hubert (inquiétant Scarpia !), mais aussi par quatre étudiants de l’INSPE de Paris (de gauche à droite : Kiliann Miquel, Juliette Poitte, Ilhami Sari, Brahim Benmahioul), dont l’interprétation pleine de fraîcheur a fait mouche dans les extraits tirés des Scènes de la vie de Bohème.
Un spectacle accueilli avec enthousiasme par un public venu nombreux !
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[1] Cette année encore, le concert était gratuit afin de permettre l’accès à la culture au plus grand nombre.
Chanteurs, chanteuses :
Magda (La rondine), Tosca (Tosca), Mimi (La bohème), Liu (Turandot) : Anaïs Constans (soprano)
Musetta (La bohème), Verlaine Larmoyer (soprano)
Ruggero (La rondine), Rodlfo (La bohème) : Fabien Hyon (ténor)
Scarpia (Tosca), Marcello, Colline (La bohème) : Jiwon Song (baryton)
Schaunard (La bohème) : Romaric Hubert (baryton)
Pianiste : Juliette Sabbah
Le Chœur de Paris, direction Till Aly
Acteurs, actrices :
Tosca (La Tosca) : Marie-Astrid Clair
Scarpia (La Tosca) : Romaric Hubert
Mimi (Francine) (Scènes de la vie de bohème) : Juliette Poitte (étudiante de l’INSPE de Paris)
Rodolphe (Scènes de la vie de bohème) : Ilhami Sari (étudiant de l’INSPE de Paris)
Le Docteur (Scènes de la vie de bohème) : Brahim Benmahioul
Narrateur (Scènes de la vie de bohème) : Kiliann Miquel, Brahim Benmahioul (étudiants de l’INSPE de Paris)
Conception du spectacle : Stéphane Lelièvre
Avec le soutien de l’INSPE de l’Académie de Paris, de Sorbonne Université, du Rectorat de Paris.
PREMIÈRE PARTIE : AIRS ET SCÈNES D’OPÉRAS
LA RONDINE
▪ “Che il bel sogno di Doretta” : Anaïs Constans
▪ “Parigi è la città” : Fabien Hyon
TOSCA
Lecture – Victorien Sardou, La Tosca – Extrait de l’Acte IV, scène 4 : Marie-Astrid Clair, Romaric Hubert
▪ “Gia, mi dicon venal” et “Vissi d’arte” : Jiwon Song et Anaïs Constans
LA BOHÈME
Lecture – Henry Murger, Scènes de la vie de Bohème
XVIII – « Le manchon de Francine » : Brahim Benmahioul, Romaric Hubert, Kiliann Miquel, Juliette Poitte, Ilhami Sari
ACTE I
▪ “Che gelida manina” : Fabien Hyon
▪ “Si, mi chiamano Mimi” : Anaïs Constans
▪ Finale du premier acte : Anaïs Constans, Fabien Hyon
ACTE IV
Lecture – Henry Murger, Scènes de la vie de Bohème
XIV – « Mademoiselle Mimi » : Ilhami Sari
▪ Duo Marcello/Rodolfo : “O, Mimi, tu più non torni” : Fabien Hyon et Jiwon Song
Lecture – Henry Murger, Scènes de la vie de Bohème
XVIII – « Le manchon de Francine » : Brahim Benmahioul, Kiliann Miquel, Juliette Poitte, Ilhami Sari
▪ “Sono andati” et scène finale : Anaïs Constans, Jiwon Song, Romaric Hubert, Fabien Hyon, Verlaine Larmoyer
DEUXIÈME PARTIE : SCÈNES, CHOEURS ET MUSIQUE SACRÉE
MADAMA BUTTERFLY
ACTE II : Choeur à bouche fermée
TURANDOT
Mort de Liù : Anaïs Constans
EDGAR
« Requiem aeternam » : choeur
REQUIEM
Choeur
MESSA DI GLORIA
Fabien Hyon, Jiwon Song et choeur