Fidèle à la formule qui fait son succès, ce « concert de midi trente » du mardi 21 janvier a mis en perspective un programme musical et une œuvre picturale du Musée d’Orsay choisie par les artistes : Figure, fleur jaune d’Odilon Redon, élément d’un décor peint entre 1899 et 1901 pour le baron Robert de Domecy. Il s’agit d’une œuvre étroite et haute (60cm de large, plus de 2m de haut), aux couleurs chatoyantes, représentant au premier plan une figure féminine et une harpe, et à l’arrière-plan quelques arbres avec, dans le ciel, des fleurs jaunes semblables à des tournesols, dont l’une forme comme un soleil. Pour illustrer musicalement cette oeuvre d’Odilon Redon, les artistes ont choisi un programme de raretés : seul Fauré, qui ouvre le concert, fait vraiment partie « du répertoire » ; à ses côtés, on entend des pages beaucoup plus rares, de compositrices bien sûr (Rosy Wertheim, Margerite Roesgen-Champion, Pauline Viardot, Clémence de Grandval, Joséphine Stephenson – le trio propose la création parisienne de la mélodie Aube, sur un poème de Maureen Wingrove –, Louise-Zoé Gouirand-Gentil), mais aussi de deux compositeurs : André Caplet et Philippe Gaubert. Au total, le programme sera placé sous le signe du croisement des disciplines (peinture, poésie, musique), de la mise en abyme (comme le fait remarquer Marielou Jacquard, dans plusieurs mélodies, on « chante qu’on chante »…), voire de la synesthésie (on parle dans les différents poèmes de « frissons verts », de « chansons parfumées », de « regards bleus comme les cieux »…). Alternent ainsi, fort habilement, évocations paysagères, lyrisme discret, petites saynètes – comme dans les trois poèmes de Franz Toussaint, d’après des textes chinois, mis en musique par Rosy Wertheim.
Créé récemment (en 2023), le Trio Haydée est composé d’une harpiste (Constance Luzzati), une flûtiste (Anastasie Lefebvre de Rieux) et une chanteuse (la mezzo-soprano Marielou Jacquard). L’entente entre les trois musiciennes est parfaite, chacune d’entre elle apportant sa pierre à l’édifice musical dans un équilibre parfait, sans qu’aucune d’entre elle tire la couverture à soi. Qu’il s’agisse de poser un décor évocateur, de proposer un écho musical à un état d’âme, d’imiter les roulades du rossignol (au piccolo dans Roussignolet de Pauline Viardot) ou le pas cadencé de chevaux (à la harpe dans Trois chansons de Rosy Wertheim), les instrumentistes excellent : tantôt la flûte déploie ses arabesques que viennent ponctuer les accords de la harpe, tantôt flûte et harpe mêlent leurs lignes en des volutes délicates sur lesquelles vient se poser la voix de Marielou Jacquard, fruitée et fraîche mais aux graves bien affirmés. Comme il se doit dès lors qu’on interprète des mélodies, la diction fait l’objet d’un soin particulier : elle se déploie avec naturel, sans afféterie, et est particulièrement claire dans le médium et le grave – ce qui permet à l’interprète de chanter mais aussi de dire ses textes avec sensibilité. Devant un public charmé, le trio Haydée proposera un bis : les délicats et poétiques Reflets de Lili Boulanger.
Si vous souhaitez découvrir ce programme original, servi par des artistes de talents, ne manquez pas la sortie de l’album Ciels d’or, prévue le 7 février prochain chez Voces8 Records !
Trio Haydée
- Marielou Jacquard, mezzo-soprano ;
- Anastasie Lefebvre de Rieux, flûte ;
- Constance Luzzati, harpe.
- Gabriel Fauré : Puisque l’aube grandit, op. 61, n° 2 ;
- Rosy Wertheim : Trois chansons ;
- Marguerite Roesgen-Champion : Sentiers parallèles ; Pantoum
- Pauline Viardot : Rossignolet ;
- Clémence de Grandval : Villanelle ;
- André Caplet : Viens ! une flûte invisible soupire ;
- Philippe Gaubert : Soir païen ;
- Joséphine Stephenson : Aube ;
- Louise-Zoé Gouirand Gentil : Nuit d’étoile.
Bis : Lili Boulanger, Reflets