Heading Title
Les artistes
Le programme
Elvira : Lisette Oropesa
Lord Arturo Talbo : Lawrence Bronwlee
Sir Riccardo Forth : Anthony Clark Evans
Sir Giorgio : Riccardo Zanellato
Enrichetta di Francia : Roxana Constantinescu
Sir Bruno Roberton : Simeon Esper
Lord Gualtiero Valton : Martin-Jan Nijhof
Dresdner Philarmonie/MDR-Rundfunkchor, dir. Riccardo Frizza et Tilman Michael
I puritani
Opera seria en trois parties de Vincenzo Bellini, livret de Carlo Pepoli, créé au Théâtre Italien de Paris le 24 janvier 1835.
3 CD EuroArts. Enregistré en décembre 2023 au Kulturpalast de Dresde. Notice de présentation en anglais et en allemand. Durée totale : 133:00
Un couple protagoniste de premier plan pour une version très exhaustive de l’œuvre. Une gravure qui fera date, à ne pas manquer, sous aucun prétexte.
I puritani, on le sait, est un titre pour soprano et pour ténor. Et cette nouvelle livraison de l’étiquette EuroArts se focalise tout d’abord sur ce couple vedette que forment Lisette Oropesa et Lawrence Bronwlee. Il est ainsi très excitant de retrouver réunis dans les conditions du studio les deux artistes qui avaient tant enchanté le public de l’Opéra Bastille, l’hiver dernier. Ce qui revient à dire, sans le trac, voire la fatigue, que nous avions pu percevoir par moments à la scène. Qui plus est, dans une version très exhaustive, venant étoffer une discographie moins riche que celle d’autres titres belliniens. Elle y occupera assurément une place de choix.
Y a-t-il encore quelque chose à ajouter concernant le timbre cristallin de la cantatrice américaine ? Des rivières d’encre coulent à ce sujet depuis bien longtemps, notamment dans ces colonnes, comme nous l’avions aussi souligné dans notre compte rendu de la première parisienne du 6 février dernier. Le contrôle de la ligne et de la colorature s’impose d’emblée, dès le duo d’Elvira avec son oncle, puis dans les répliques enjolivant la cavatine de son amoureux. La polonaise du finale I est alors un bijou de virtuosité, alliant pureté du timbre et richesse des vocalises, jusque dans les notes incontestablement cristallines du haut du registre. De même, le glissement vers le désarroi constitue un moment de rupture sans retour que la maîtrise du souffle porte au pinacle. Lors des représentations ci-dessus, nous avions loué les multiples teintes de la scène de la folie. Dans cet enregistrement, le déchirement de la jeune femme sans défense s’achève dans un cantabile se distinguant tout particulièrement par la chaleur de l’accent et dans une cabalette aux variations insoupçonnables.
Son compatriote avait déjà eu l’occasion de graver le rôle d’Arturo en 2017, dans une édition intégrale publiée en 2021, où faisaient sans doute défaut des coéquipiers en-dessous de son niveau de performance. Il trouve chez sa partenaire l’interprète adéquate pour parfaire son portrait du chevalier royaliste. L’éclat de son émission resplendit dès sa cavatine de présentation, tandis que la fluidité du phrasé, la longueur du souffle et l’expressivité de l’intonation viennent couronner la romanza de l’acte III. Le duo des retrouvailles étant un moment absolu de bonheur, notamment grâce à la projection franche du héros et à son sens de l’élocution sur lesquels s’appuie également le finale de l’œuvre.
Cependant, I puritani sont aussi un opéra pour basse et pour baryton. La place que dans cet ouvrage occupent les voix graves n’est pas sans annoncer l’éclosion à venir du baryton Verdi, peut-être plus pour Giorgio que pour Riccardo, d’ailleurs. Le second a la lourde tâche d’introduire la matière. Anthony Clark Evans défend son personnage par une bonne articulation qui compense une émission assez banale et une approche plutôt routinière de son air, malgré une puissance certaine de l’aigu. Dans le duo avec sa nièce, le contraste du timbre quelque peu opaque de Riccardo Zanellato est assez saisissant face à la limpidité de l’inflexion de l’héroïne, malgré la bonne entente qui ressort sans conteste entre les deux chanteurs, surtout dans la strette où Lisette Oropesa atteint au sublime. Son aria de l’acte II se singularise, en revanche, par son soin du phrasé et par l’intensité de son interprétation. La complicité qui se dégage du duo des deux hommes, dans le finale II, marie à merveille les soucis qui les taraudent quant au malheur du couple protagoniste, même si pour des raisons opposées. Vraisemblablement le moment le plus flagorneur de la partition, quoiqu’enivrant, la strette est vaillante à souhait, le tempo s’accélérant dans la reprise à deux.
Chez les comprimari, Roxana Constantinescu est une Enrichetta plutôt stridente et Simeon Esper un Bruno Roberton à la diction insuffisante.
Le chœur de la radio de l’Allemagne centrale sait merveilleusement doser l’épopée, l’extase et la liesse, caractéristiques qui se ressentent dès l’introduction, puis à l’entrée d’Arturo, dans le finale I ou encore dans la réplique qu’il donne à Giorgio, à l’acte II.
Nous avions eu le bonheur de suivre sur le vif la baguette compétente de Riccardo Frizza lorsqu’il avait dirigé l’œuvre à l’Opéra Bastille, en septembre-octobre 2019, avec Elsa Dreisig et Xavier Camarena. Il confirme par cette exécution son rôle de maître absolu de ce répertoire, à la tête d’une Philharmonie de Dresde dont ressort à plusieurs reprises la netteté des vents.
Une gravure qui fera date. À ne pas manquer, sous aucun prétexte.