Crédits photos : © Michèle Clavel
En ce beau dimanche après-midi de Fête des Mères, l’atmosphère était aux réjouissances.
Le calendrier du Théâtre de l’Odéon de Marseille prévoyait une nouvelle production de La Mascotte de Edmond Audran pour clôturer la saison. Les contraintes liées au COVID n’ont pas permis de monter l’ouvrage en entier mais pour ne pas manquer la date de réouverture des théâtres, l’équipe de La Mascotte a proposé deux représentations mêlant extraits de cette opérette en première partie et divers airs et ensembles de plusieurs opérettes plus ou moins célèbres en deuxième partie. L’orchestre habituel de l’Odéon n’était pas présent mais remplacé par deux pianistes de talent, Caroline Dauzincourt et Bruno Conti qui troquait, pour l’occasion, sa baguette de chef d’orchestre pour le clavier. On aurait aimé plus de présence du piano qui sonnait en sourdine parce que le couvercle était complètement fermé, ce qui est dommage pour une salle de cette taille.
Quel bonheur de retrouver le chemin des salles de spectacle pour un programme joyeux et léger qui met du baume au cœur ! Quoi de mieux que des mélodies gaies et entraînantes que l’on fredonne en même temps, des textes pleins d’humour et de drôlerie servis par des voix superbes pour retrouver la joie de vivre qui nous fait défaut depuis un an ! Les jeux de scène d’artistes talentueux rôdés au difficile exercice de la comédie entraînent les rires du public et des applaudissements nourris malgré la jauge réduite (un fauteuil sur trois occupé, consignes sanitaires obligent).
Le metteur en scène de La Mascotte, Jack Gervais explique ses choix de transposer l’action du XVIIIe siècle aux années 50 imposant d’adapter parfois le texte dans le respect de l’esprit de l’œuvre afin de la rendre plus moderne et actuelle. Cependant, le célèbre duo des dindons et des moutons est bien donné tel quel pour le plus grand bonheur du public et manifestement des deux interprètes Éléonore Pancrazi et Lionel Delbruyère qui s’en donnent à cœur joie, mêlant leurs timbres chaleureux en gloussements et bêlements du plus haut comique, page rare dans les duos d’amour d’opéra comme d’opérette.
Les quatre personnages principaux de La Mascotte, Pippo, Bettina, Fiametta et Fritellini, respectivement incarnés par Lionel Delbruyère, baryton, Éléonore Pancrazi, mezzo-soprano, Charlotte Bonnet, soprano et Carlos Natale, ténor, se partagent des airs mêlant virtuosité et une palette de couleurs vocales riche et variée. La qualité des jeux de scène permet de s’imprégner de l’atmosphère de l’ouvrage malgré les coupes. Les personnages secondaires sont servis par deux artistes habitués de ce répertoire et débordant d’énergie, à la diction parfaite : Dominique Desmons et Jacques Lemaire. La première partie s’achève sur un final endiablé où les chanteurs entraînent le public dans une joyeuse cavalcade au milieu de la salle.
Après l’entracte, la seconde partie offre à chaque interprète l’occasion de montrer toute l’étendue de son talent, de faire apprécier quelques grands classiques de l’opérette et de nous en faire découvrir d’autres moins connus.
Parmi les ouvrages les plus renommés, nous citerons les chefs d’œuvre d’Offenbach La Belle Hélène et La Vie Parisienne qui mettront particulièrement en valeur la voix de ténor léger de Carlos Natale dans les rôles de Pâris et du Brésilien.
Ces deux airs d’exécution très difficile pour des raisons différentes furent chantés à la perfection. Saluons en particulier la performance de diction dans l’air du Brésilien où Carlos Natale, Argentin d’origine mais chantant en français sans aucun accent, doit singer l’accent brésilien sur un tempo fou tout en demeurant parfaitement intelligible. Son timbre pur et l’agilité de sa voix, alliés à un sens parfait de la comédie ont rendu ce moment inoubliable.
Citons également le désopilant trio patriotique de La Belle Hélène où Agamemnon, Ménélas et Calchas, incarnés par Lionel Delbruyère, Jacques Lemaire et Dominique Desmons font écho au trio « les maris récalcitrants » de La Périchole, chanté par les mêmes et où chacun peut donner libre cours à son talent comique pour le plus grand bonheur d’un public conquis.
Au milieu de tous ces airs chantés en français, Éléonore Pancrazi nous a gratifiés d’une superbe « Carceleras » en espagnol, signée Ruperto Chapí et extraite de Las hijas del Zebedeo, zarzuela comique quelque peu tombée dans l’oubli à l’exception de cet air. La sensualité de la voix de mezzo-soprano d’Éléonore, large et veloutée, au registre étendu, à la technique parfaitement maîtrisée et la grande virtuosité fut un moment exceptionnel.
On retrouve Éléonore Pancrazi en duo avec l’excellente soprano Charlotte Bonnet pour un savoureux extrait de La Fille de Madame Angot, de Lecoq : « Jours fortunés de notre enfance ». Le duo commence par le plaisir des retrouvailles de Clairette et Mademoiselle Lange, évoquant avec nostalgie leur enfance avant de tourner au vinaigre quand elles s’aperçoivent qu’elles sont rivales. Leur amabilité de façade fait alors place à un règlement de comptes des plus drôles avant de finir en rire ensemble. Très enlevé, ce duo permet à nos deux interprètes de montrer un large registre de comédiennes autant que de chanteuses.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une représentation théâtrale à part entière, notons les efforts réalisés par le metteur en scène Jack Gervais et l’équipe technique du théâtre pour agrémenter ce récital d’effets de lumières grâce à l’usage d’un cyclorama en fond de scène, d’accessoires et de costumes permettant de se plonger dans les différentes ambiances des ouvrages proposés. Un fort bel après-midi pour fêter les mamans présentes, et elles étaient nombreuses. On attend maintenant avec impatience de retrouver nos artistes dans des productions complètes avec un public lui aussi au complet.
Charlotte BONNET, soprano
Eléonore PANCRAZI, mezzo-soprano
Lionel DELBRUYÈRE, baryton
Dominique DESMONS, ténor
Jacques LEMAIRE, ténor
Carlos NATALE, ténor
Caroline DAUZINCOURT et Bruno CONTI, piano
Jack GERVAIS, mise en scène
Extraits de La Mascotte d’après Edmond Audran
« Ces envoyés du paradis »
« N’avancez pas ou j’tape »
Couplets de Fiametta
Couplets de Fritellini
« Duo des dindons et des moutons »
Air de saltarello
Couplets de Laurent
Quatuor
Finale
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Chanson de La Palisse de Charles Lecocq
Les Cloches de Corneville de Robert Planquette
Air du Bailli
La Fille de Madame Angot de Charles Lecocq
« Jours fortunés de mon enfance »
La Belle Hélène de Jacques Offenbach
« Au mont Ida »
« C’est le ciel qui m’envoie »
« Lorsque la Grèce»
Paganini de Franz Lehár
« Amour, toi seul sur la Terre »
La Vie parisienne de Jacques Offenbach
« Air du Brésilien »
La Périchole de Jacques Offenbach
Couplets- Boléro
Las hijas del Zebedeo de Ruperto Chapí
« Carceleras » (Zarzuela comique)
Rêve de Valse d’Oscar Strauss
« Air de Franzi »
Le jour et la nuit de Charles Lecocq
« Air des Portugais »
Princesse Czardas de Emmerich Kálmán
« T’en souvient-il »
« Ô, toi, ma belle, ma demoiselle »
Odéon de Marseille, représentation du 30 mai 2021