Adèle Charvet et l'ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog interprètent Respighi, Strauss et Beethoven au Collège des Bernardins
C’est un concert dédié à la nature que le Collège des Bernardins a proposé en ce mercredi 17 novembre, un concert se présentant comme une évocation musicale du projet scientifique de la Chaire Laudato si’, une chaire de recherche centrée sur l’enjeu crucial des mutations écologiques et sociales, qui mobilise tout à la fois approches scientifiques, spirituelles et artistiques.
Quelle œuvre pouvait mieux convenir à ce concept que la Pastorale de Beethoven, évocation musicale et poétique de la Nature dans ses manifestations les plus diverses (clapotis du ruisseau, grondements sourds de l’orage) mais aussi de ses occupants, humains (les bergers, les paysans), animaux (la caille, le rossignol et le coucou dont les chants se font entendre au deuxième mouvement), et des émotions qu’elle suscite chez ses contemplateurs ?
L’ensemble Appassionato, sous la houlette de Mathieu Herzog, très attentif à la transparence du tissu orchestral et à la fluidité du discours (avec une circulation particulièrement libre et souple des différents motifs mélodiques entre les pupitres) a délivré de cette œuvre célébrissime une lecture pleine de poésie et de délicatesse, qui n’exclut nullement la vigueur (les danses paysannes), voire la violence dans une tempête (4e mouvement) extrêmement impressionnante (les premiers grondements de l’orage que font entendre les violoncelles et contrebasses et l’arrivée des premières gouttes de pluie aux seconds violons ont été particulièrement évocateurs…). Une interprétation forte et poétique, justement acclamée par le public.
Cette 6e Symphonie de Beethoven a été précédée d’une exécution de deux pages récemment données par les mêmes artistes à la Seine musicale : les Métamorphoses de Richard Strauss et Il Tramonto de Respighi. L’œuvre de Strauss a permis d’apprécier la texture riche et veloutée des cordes de l’ensemble (rappelons que les Métamorphoses nécessitent l’intervention de 23 instruments à cordes : 10 violons, 5 altos, 5 violoncelles et 3 contrebasses – soit 5 quatuors à cordes et 3 contrebasses) et l’habileté des instrumentistes à mettre en œuvre les transformations mélodiques, tonales et harmoniques qui donnent son sens et son nom à cette œuvre d’un Strauss octogénaire – l’une des dernières composées par le musicien.
Quant au poème du romantique anglais Percy Bysshe Shelley mis en musique par Ottorino Respighi (Il Tramonto), il a été magnifiquement servi par une Adèle Charvet au sommet de son art : rarement la mezzo française nous aura paru à ce point en voix, se glissant avec aisance et naturel dans les phrases longues, sombres et mélancoliques composées par le musicien italien, dont elle révèle la teneur poétique avec un sens rare de la nuance et une émotion d’autant plus efficacement communicative qu’elle reste toujours sobre et mesurée.
Signalons pour terminer les interventions de Mathieu Herzog, prenant soin de présenter les œuvres exécutées avec une pédagogie souriante dénuée de tout pédantisme, ainsi que la belle acoustique du lieu, chaleureuse et dépourvue de cette réverbération excessive propre, habituellement, aux lieux de culte.
Pour prolonger le plaisir du concert – ou pour découvrir ces artistes dans (presque) le même programme pour celles et ceux qui n’ont pu y assister –, procurez-vous l’album Métamorphoses nocturnes récemment paru chez Naïve : l’ensemble Appassionato, Mathieu Herzog et Adèle Charvet y interprètent également les Métamorphoses de Strauss et Il Tramonto de Respighi, la merveilleuse Nuit transfigurée de Schönberg remplaçant, dans ce CD, La Pastorale de Beethoven.
Adèle Charvet, mezzo-soprano
Ensemble Appassionato, dir. Mathieu Herzog
Ottorino Respighi
Il Tramonto
Richard Strauss
Métamorphoses
Ludwig van Beethoven
Symphonie no 6 en fa majeur, opus 68, dite Pastorale
Concert du mercredi 17 novembre 2021, Collège des Bernardins, Paris.