Ce samedi 16 janvier, au Théâtre des Champs-Élysées, Les Grandes Voix proposaient L’Elixir d’amour en version de concert, avec une distribution majoritairement française (Cyrille Dubois, Philippe-Nicolas Martin) ou belge (Jodie Devos).
Disons-le d’emblée : nous avons eu droit à une excellente soirée d’opéra, caractérisée globalement par une distribution homogène de qualité, des interprétations touchantes et d’une grande fraîcheur, notamment au deuxième acte, et un réel jeu d’acteurs, chaque soliste ayant particulièrement bien investi son personnage malgré l’absence de mise en scène. Par ailleurs, la direction de Francesco Lanzillotta, d’une grande précision et d’une constante vivacité, fait merveilleusement bien ressortir toutes les nuances et subtilités de la partition. Tout au plus pourrait-on regretter que la balance entre voix et orchestre ne soit pas toujours parfaitement équilibrée, et que certaines attaques du chœur (au demeurant d’une belle homogénéité) aient été parfois un peu imprécises au premier acte…
Nicola Ulivieri campe un Dr Dulcamara à la voix large, saine et puissante, et à l’aplomb parfaitement adapté à son personnage de bonimenteur roublard. Philippe-Nicolas Martin s’amuse visiblement beaucoup en jouant un sergent Belcore vaniteux en diable ! Par ailleurs, son chant est comme toujours de qualité, porté par une voix saine et bien projetée.
Les deux personnages principaux sont interprétés remarquablement par Jodie Devos et Cyrille Dubois. La première campe une Adina pleine de fraîcheur et de malice, mais dont le dépit se transforme subtilement en amour sincère. Sa voix, peut-être plus légère que celle de certaines autres titulaires du rôle, est remarquablement conduite, et sa technique aguerrie nous vaut un « Prendi, per me sei libero » de toute beauté, suivi d’une cabalette éblouissante. Voici donc une incursion réussie dans le répertoire italien du XIXe siècle, qui se prolongera prochainement à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège avec Gilda.
Cyrille Dubois est un peu souffrant (une annonce prévient qu’il a tenu à chanter alors qu’il se remet tout juste d’une laryngite) et se ménage parfois un peu, ce qu’on peut parfaitement comprendre et excuser. Pourtant, son indisposition se remarque à peine, et le ténor français campe un Nemorino touchant à souhait. Il livre une interprétation particulièrement gracieuse, avec une ligne de chant toujours très nuancée, notamment dans l’attendue « Furtiva lagrima » du second acte. Voilà qui confirme les affinités du ténor avec le répertoire belcantiste, déjà remarquées lors du beau récital donné récemment à l’Éléphant Paname avec Tristant Raës dans le cadre des Instants Lyriques.
Le public ne s’y trompe pas, qui réserve des applaudissements chaleureux à l’ensemble des interprètes !
Adina : Jodie Devos
Gianetta : Catherine Trottmann
Nemorino : Cyrille Dubois
Belcore : Philippe-Nicolas Martin
Dulcamara : Nicola Ulivieri
Chœur de Chambre de Rouen, dir. Frédéric Pineau
Orchestre national d’Île-de-France, dir. Francesco Lanzillotta
L’Élixir d’amour
Melodramma giocoso en deux actes de Gaetano Donizetti, livret de Felice Romani, d’après le livret d’Eugène Scribe pour Le Philtre d’Auber, créé à Milan le 12 mai 1832.
Représentation du samedi 15 janvier 2022, Théâtre des Champs-Élysées (Paris)
Production Les Grandes Voix