Retrouvailles au TCE entre les musiciens de l’Orchestre national de France et celui qui les dirigeait encore il y a six ans : Daniele Gatti. Le travail accompli par le chef et l’orchestre au cours de huit années (de 2008 à 2016) explique sans doute la belle complicité que l’on observe entre eux, les musiciens servant au mieux une lecture de l’œuvre toute empreinte d’austérité (relative, dans cette œuvre ou la foi s’exprime de façon passionnée) et de religiosité. Les différents pupitres brillent par leur grande homogénéité et leur incontestable virtuosité, permettant de rendre pleinement justice à cette œuvre foisonnante, où l’extrême violence du Dies irae côtoie l’émotion la plus retenue, les prières les plus délicates… Bravo notamment aux cordes pour leurs couleurs chatoyantes, et aux cuivres pour leur impressionnante précision, notamment dans un saisissant effet de quadriphonie avant le Tuba mirum. Les chœurs de Radio France et de l’Armée française se sont pour leur part montrés impeccables d’engagement, aussi bien dans le recueillement douloureux du Requiem initial que dans la fureur du Dies Irae ou l’écriture fuguée du Libera me.
Le quatuor vocal s’est montré d’une concentration et d’une ferveur à toute épreuve. Aucun doute : nous n’assistons pas à un opéra mais bien à l’expression d’une foi sincère, angoissée et confiante tout à la fois. Si Riccardo Zanellato a toute l’autorité requise par le majestueux Confutatis, il émeut particulièrement lors de son intervention dans le Lacrymosa où son timbre chaleureux et la noblesse de son legato servent au mieux cette sublime déploration – héritée du « Qui me rendra ce mort ? » chanté par Philippe II dans Don Carlos. Après son concert de mélodies rossiniennes, nous retrouvons Michael Spyres dans un registre cette fois très différent. Ne cherchant pas à grossir sa voix pour s’imposer face un orchestre plus lourd que ceux auxquels il est le plus souvent confronté, il fait confiance à l’efficacité de sa projection vocale et joue surtout la carte de la variété des couleurs et des nuances, délivrant un chant dont la suavité fait merveille dans le délicat Hostias. Marie-Nicole Lemieux, décidément en superbe forme vocale ces temps-ci, fait alterner accents pleins d’autorité (Liber scriptus), recueillement douloureux (Agnus Dei), prière éplorée (Lacrymosa) avec une implication de tous les instants. Enfin, Eleonora Buratto, applaudie cet été en Anaïs dans le Moïse de Pesaro, dispose d’un timbre immédiatement émouvant, la voix étant conduite avec goût (beaux aigus filés, legato soigné) et suffisamment de force pour venir à bout du redoutable Libera me, délivré avec conviction et émotion.
Fort heureusement, le public, lorsque s’éteignent les derniers « libera me » du chœur et de la soprano, retient son souffle et ses applaudissements pendant de longs instants, prolongeant l’émotion et le recueillement générés par l’œuvre… avant de noyer les artistes sous des tonnerres d’applaudissements.
Diffusion en direct le 5 février sur France Musique
Eleonora Buratto, soprano
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Michael Spyres, ténor
Riccardo Zanellato, basse
Orchestre National de France
Chœur de Radio France, direction Alessandro Di Stefano
Chœur de l’amée française, direction Aurore Tillac
Daniele Gatti, direction
Missa da Requiem
Giuseppe Verdi
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Concert du jeudi 3 février 2022, 20h