À Naples, il n’y a pas que le Vésuve ni l’immense caldera sur laquelle l’agglomération est construite, qui inquiète. La nature éruptive du président de la région Vincenzo De Luca est bien connue. Elle s’est manifestée récemment lors d’une conférence de presse où De Luca s’en prend vertement et grossièrement au superintendant Stéphane Lissner, qui dirige désormais le Teatro San Carlo. De Luca conteste en particulier le salaire (150.000€ annuels) d’Emmanuela Spedaliere, la directrice artistique engagée par Stéphane Lissner voilà bientôt deux ans, et dénonce l’indécence de tels émoluments alors que le pays traverse une crise immense. Rappelant que la région est la première source de financement du Massimo, il menace de porter l’affaire devant la cour des comptes, de contester la nomination de Lissner lui-même et de couper les vivres. Il songerait à Riccardo Muti, lequel est napolitain ! D’aucuns soulignent au passage des relents populistes dans l’argumentaire du volcanique napolitain. Le chef de l’opposition, Stefano Caldoro, y voit la dérive autocratique d’un homme politique qui oublie que l’argent de la région n’est pas le sien. Simona Brandolini s’interroge dans le Corriere del Mezzogiorno du 22 janvier : s’agit-il de mettre en difficulté le nouveau maire de Naples, Gaetano Manfredi, qui siège au conseil d’administration du Massimo ? Quant au directeur du quotidien, Enzo d’Errico, rappelant l’extraordinaire succès public et critique de la programmation de Monsieur Lissner, il juge que le gouverneur de Campanie cherche à s’emparer du San Carlo (Corriere du 22 janvier 2022).
Les dépenses de Stéphane Lissner sont-elles vraiment extravagantes ? Le San Carlo peut-il devenir la Scala du Mezzogiorno ? Chacun peut noter les efforts de la nouvelle direction pour proposer une programmation à la hauteur de la plus ancienne scène lyrique d’Europe. Le choix des interprètes est éloquent, comme en témoigne le très attendu récital de Sondra Radvanosky les 19 et 22 février prochains. À ce sujet, l’annulation de trois engagements de Riccardo Muti lors de la dernière saison paraît mystérieuse aux yeux du maestro, lequel dit n’avoir eu nulle explication et doute qu’il s’agisse d’une question d’argent (Corriere du 4 février 2021). Était-ce le prélude de la crise à venir ?
Toujours est-il que le Ministère pour les biens culturels vient de désavouer De Luca en soutenant la nouvelle équipe. Le public, lui, redoute, comme en témoigne le courrier des lecteurs du Corriere, que le Massimo ne pâtisse d’un navrant jeu politique.