Ensemble Cantoría
Jorge Losna, ténor
Inés Alonso, soprano
Oriol Guilerà, alto
Valentin Miralles, basse
Mateo Flecha « El Viejo », Ensaladas
El Fuego, El Toro, La Guerra, La Justa, La Bomba, El Jubilate, Gloria… pues naçió.
1 CD Ambronay, (54’17), septembre 2023.
L’ensemble Cantoría est encore tout jeune (il a été créé en 2016) ; il est cependant en train d’acquérir une belle notoriété, en France notamment, grâce, entre autres, à ses participations régulières au Festival d’Ambronay : l’an dernier, notre consœur Sabine Teulon-Lardic avait dit tout le bien qu’elle pensait de Cantoría à l’occasion d’un concert de Cancionere ibériques et italiens du XVIe intitulé More Hispano.
© Bertrand Pichène
Les quatre chanteurs de l’ensemble (Jorge Losna, ténor – il est également le directeur artistique de Cantoría – ; Inés Alonso, soprano ; Oriol Guilerà, alto ; Valentin Miralles, basse) sont de nouveau réunis à l’occasion de ce CD consacré aux Ensaladas de Mateo Flecha « El Viejo » – dont l’une, El Toro, est ici enregistrée pour la première fois.
Ensaladas ou… salades composées d’ingrédients divers et variés, puisque ces pièces mélangent diverses esthétiques, diverses thématiques et même diverses langues. Les ensaladas de Mateo Flecha l’Ancien sont peuplées de petites gens ou courtisans s’affairant qui à apporter de l’eau pour éteindre un feu, qui à encourager des hommes livrant un combat contre un taureau féroce, qui à pomper l’eau d’un bateau pour éviter un naufrage imminent : autant de petites scènes de la vie quotidienne qui semblent croquées sur le vif et qui ne sont pas sans rappeler, selon Maricarmen Gómez (qui signe la notice très documentée du CD) certaines toiles de Jérôme Bosch. Ces scènes de la vie quotidienne ont (presque) toujours partie liée, cependant, avec un contexte religieux : le feu qu’il s’agit d’éteindre désigne le péché, de même que le taureau représente en fait celui qui, tout en « tenant le bien, choisit le mal ». De la même façon, Dieu, le Christ, Adam sont des allusions à peine voilées à l’empereur Charles V ou à l’Archiduc Ferdinand d’Autriche, quand les différentes apparitions de Lucifer évoquent plus ou moins explicitement certains ennemis de l’empereur : Soliman, François 1er,…
On peut compter sur les quatre chanteurs de Cantoría pour donner à ces saynètes pleines de couleurs, d’humour, d’ardeur, tout le pittoresque, toute la vivacité requis. Les quatre voix se répondent, se superposent, se mêlent avec une musicalité et un sens poétique jamais pris en défaut ; avec, également, une précision extrême qui, paradoxalement, loin d’être purement « mathématique », n’ôte rien à l’effet de spontanéité qui prévaut dans l’évocation des différents petits tableaux. On apprécie également l’humour et la poésie avec lesquels sont chantées les onomatopées qui viennent régulièrement ponctuer les ensaladas, en évoquant le son des cloches, celui de la guitare (superbe Bomba !), du fifre, du tambour, le galop des chevaux, le choc des armes, le mugissement du taureau,… Elles constituent autant de petites touches de couleurs venant égayer les différentes saynètes et contribuent grandement au charme de l’ensemble.
Un premier album pleinement réussi pour cet ensemble talentueux et sympathique dont on guettera les prochaines apparitions !