Alors que la musique instrumentale de Vivladi reste inscrite en bonne place parmi les meilleures ventes au disque, et que l’on n’en finit pas de redécouvrir tout ce qu’il composa pour la scène lyrique, il existe un troisième pan de sa production qui, pour avoir été moins négligé que les opéras, n’en fait pas moins encore l’objet d’exhumations inattendues. Le concert donné par le chœur et l’orchestre Ghislieri de Pavie dans le cadre du festival d’Ambronay révèle précisément des partitions sacrées de Vivaldi qui n’ont que récemment été retrouvées en bibliothèque, comme en témoigne leur numéro au catalogue des œuvres complètes établi par Peter Ryom au début des années 1970. A l’origine, ce catalogue répertoriait 750 compositions : dans le programme du concert du 24 septembre, trois partitions portent un numéro inférieur à 750, mais les deux autres ont un numéro supérieur. Le Dixit Dominus RV 807 n’a été attribué à Vivaldi qu’en 2005, car le manuscrit en est signé de Baldassare Galuppi ; quant au motet Vos invito, barbarae faces RV 811, c’est en 2008 que Federico Maria Sardelli l’a retrouvée à la bibliothèque communale d’Assise.
A part le brévissime et très oubliable « Sanctorum meritis » pour soprano, interprété par Paola Valentini Molinari, les pièces réunies pour ce concert sont ambitieuses. Même s’il ne dure qu’une douzaine de minutes, le motet retrouvé, pour alto, cordes et basse continue, est pour la voix une superbe occasion de se mettre en avant, et Filippo Mineccia en profite pour déployer tout son dramatisme, sa virtuosité et son art des nuances. Malgré une projection moins ample dans le grave, le contre-ténor italien s’empare avec brio de cette composition, enregistrée en 2009 par Romina Basso avec l’ensemble Modo Antiquo. C’est à trois voix que Vivaldi confie son Confitebor tibi Domine : Filippo Mineccia y est rejoint par le ténor Valerio Contaldo, volubile et expressif, et par une basse issue des rangs du chœur Ghislieri, Alessandro Ravasio.
Le concert se termine comme il s’était ouvert, par une œuvre pour solistes, chœur et orchestre. Au Dixit Dominus initial, pour deux sopranos, deux ténors, alto et chœur, où l’on chercherait en vain les effets impressionnants que ce même texte sut inspirer à Haendel, répond cette fois le Magnificat pour deux sopranos, alto, ténor et basse, où alternent clairement les numéros plus sobres, voire austères, réservés au chœur seul (à l’exception du rapide Fecit potentiam), et les passages nettement plus guillerets et vocalisants destinés aux solistes. A l’ardeur déployée par l’orchestre dirigé par son chef et fondateur, Giulio Prandi, répondent les miroitements du chœur, des rangs duquel s’extraient la soprano Marta Redaelli et le ténor Massimo Lombardi pour venir donner la réplique aux solistes.
Précisons que, conformément à l’un des objectifs que s’est fixés le festival d’Ambronay – rapprocher la musique contemporaine de la musique ancienne –, ce programme, avant de se consacrer à Vivaldi, avait été précédé d’une création mondiale, Jungo, séduisante pièce pour chœur à cinq voix, violoncelle et orgue positif, commandée à la Française Caroline Marçot (née en 1974), elle-même chanteuse très impliquée dans l’interprétation des musiques anciennes.
Dans un français parfait, Giulio Prandi prend la parole à l’issue du concert pour expliquer que cette année marque le dixième anniversaire de la première invitation des Ghislieri à Ambronay. Pour remercier le festival, les artistes offrent en bis une interprétation jubilatoire du premier numéro du Gloria RV 589 l’une des pages sacrées les plus célèbres de Vivaldi.
Paola Valentina Molinari, Marta Redaelli, sopranos
Filippo Mineccia, alto
Valerio Contaldo, Massimo Lombardi, ténors
Alessandro Ravasio, basse
Chœur et orchestre Ghislieri, dir. Giulio Prandi
Dixit Dominus RV 807 ; Confitebor tibi Domine RV 596 ; Vos invito, barbarae faces RV 811 ; Sanctorum meritis RV 620 ; Magnificat RV 610 d’Antonio Vivaldi
Commande du CCR à Caroline Marçot (né en 1974)
Concert donné dans le cadre du 43e festival d’Ambronay le samedi 24 septembre 2022