Marie-Claude Chappuis, mezzo-soprano
Thierry Péteau, comédien.
La Chapelle Harmonique : Geneviève Pungier, traverso ; Benjamin Narvey, théorbe ; Bérangère Sardin, harpe ; Valentin Tournet, viole de gambe et direction.
Les Fables de La Fontaine.
Œuvres de Clérambault, Couperin, Moulinié, de Caix d’Herveloix, Bataille, Lambert, Lully et Boësset.
1 CD B Records LBM046, 69 minutes.
Malgré la pandémie, le quatrième centenaire de la naissance de La Fontaine n’est pas tout à fait passé inaperçu l’an dernier. Et comme les fables de cet heureux homme ont inspiré de nombreux compositeurs, les musiciens ne se sont pas privés de proposer en 2021 des programmes conçus autour de ces adaptations. L’industrie discographique en propose cet automne un nouvel écho, capté il y a exactement un an, à Guidel, ville du Morbihan qui s’est dotée en 2008 d’une salle de spectacle baptisée L’Estran. Le label B Records prévoit apparemment d’y poser encore ses micros à l’avenir, du moins s’il faut en croire l’intitulé « L’Estran Live » apposé sur le disque, qui laisse imaginer le début d’une série d’enregistrements de concerts.
C’est en fait le reflet sonore d’un spectacle associant théâtre, chant et musique instrumentale qui est proposé à l’auditeur. Onze fables sont enfin déclamées par le comédien Thierry Péteau, spécialiste de la prononciation restituée, dans le rôle de La Fontaine en personne ; une photo du livret d’accompagnement montre qu’il arborait perruque poudrée et habit à la française. La Chapelle Harmonique est présente en formation restreinte à quatre instruments : flûte, théorbe, harpe et viole de gambe, Valentin Tournet assurant également la direction de ce petit ensemble de chambre, qui correspond à la dimension intime de ces pièces destinées à une écoute familiale. Quant à la partie vocale, elle est confiée à la mezzo Marie-Claude Chappuis, avec laquelle le programme a été élaboré.
Toutes les fables en musique sont ici celles qu’a écrites Louis-Nicolas Clérambault sur des mélodies familières du public de son temps ; contrairement à tous ses illustres successeurs (Offenbach, Gounod, Lecocq, Caplet, pour n’en citer que quelques-uns), « l’organiste du roi » modifie allègrement la lettre des textes du fabuliste – et parfois aussi un peu l’esprit. La juxtaposition de la fable originale et de sa version musicale permet précisément à chacun d’en juger. Et pour compléter l’hommage à La Fontaine, s’y ajoutent divers airs gaillards ou mélancoliques, chansons à boire ou airs de cour du XVIIe siècle. Si elle est aujourd’hui l’une des meilleures interprètes de la Didon de Purcell, Marie-Claude Chappuis ne dédaigne pas ce répertoire plus léger, comme elle l’avait déjà prouvé en 2017 avec le disque Sous l’empire d’Amour, où figurait déjà certaines des œuvres d’Etienne Moulinié ou de Michel Lambert. On se réjouit de l’entrain qu’elle imprime aux pages les plus vigoureuses, comme « Qui veut chasser une migraine » de Gabriel Bataille ; on admire la délicatesse de l’artiste dans les mélodies plus raffinées, comme l’ineffable « Charmante nuit » de Lambert qui conclut le disque. Et l’on s’amuse tout au long du programme d’entendre cette reine de Carthage distiller avec tant de goût les mésaventures de la gent animale ou de Perrette perdant son pot au lait, les formules devenant proverbiales de La Fontaine cédant ici la place à des vers peut-être moins poétiques mais toujours efficaces, et parfois émaillés de « Dondon » et de « Lanla ».