Le dernier week end du Festival d’Ambronay déploie une offre séduisante pour sa 43e édition. Comme les éditions antérieures, cette offre est portée par les jeunes ensembles européens sélectionnés par le programme EEEmerging.
Journal de bord 1: les baroques italien, français et anglais
Être immergé dans le Seicento (XVIIe siècle) en Italie, France et Angleterre. C’est le fil conducteur des deux premiers concerts de ce 4e week end du festival d’Ambronay.
Dans la salle Monteverdi, ancien réfectoire de l’abbaye, la première sélection du programme européen EEEmerging (Emerging European Ensembles) sélectionne deux jeunes ensembles. L’un est italien, Filobarroco, formation instrumentale en quatuor qui explore la virtuosité au temps de Frescobaldi. L’autre est français, La Palatine, interroge la thématique des quatre éléments à l’époque où naissent la cantate et l’opéra italiens. Peut-être moins performants que lors de l’édition 2021 du Festival, les quatre instrumentistes de FiloBarroco ont choisi un programme exigeant et de découverte. De Tarquinio Merula à Giovanni Picchi, la vivacité mélodique des variations fait valoir la virtuosité italienne – excellent violoncelliste Carlo Maria Paulesu – mais avec quelques difficultés de coordination, et surtout d’intonation.
La présentation aboutie de La Palatine bénéficie de l’enregistrement de leur premier album, à paraître chez Ambronay éditions courant octobre. Avec une dimension spectaculaire, voire théâtrale pour l’excellente chanteuse, Marie Théolayre, leur prestation est d’une expressivité permanente et d’une écoute complice, y compris dans les pièces instrumentales intercalées. Nous retenons la souplesse du vent, chantée dans « Se l’aura spira » de G. Frescobaldi, métamorphosée en mouvement giratoire dans « E un rapido balena » de C. Pallavicino. Quant à la déploration de « Piante Ombrose » de F. Cavalli (La Callisto), dans laquelle la soprano s’agenouille (au sens propre et figuré), elle émeut l’auditoire, tout autant que le « Lamento di Zaida turca » de Luigi Rossi. Le bis, un arrangement de la chanson « Il n’y a pas d’amour heureux » de Brassens pour leur formation incite l’auditoire à fredonner avec les jeunes artistes, visiblement, eux, très épanouis !
Le soir, dans la merveilleuse abbatiale d’Ambronay, l’ensemble Correspondances fait éclater les pourpres de la polyphonie franco-britannique dans un programme « Au service de Sa Majesté ». Il s’agit du britannique Charles II, qui restaura les institutions de retour de son exil à la cour de France (pendant l’ère de Cromwell). Le programme chemine depuis le motet français (Henry Dumont, Pierre Robert) vers le motet anglais, de Pelham Humphrey à Henry Purcell.
Au vu de son expérience acquise dans la redécouverte du Grand Siècle (pas moins de 18 albums, primés pour la plupart), l’orchestre et le chœur de Correspondances fait merveille. Sébastien Daucé, chef et claveciniste, construit un parcours magnifiant le style concertant entre orchestre, grand chœur et solistes chanteurs. Dans l’acoustique idéale de l’abbatiale romane, la plénitude qui se dégage des motets en latin ou en anglais est vibrante. Chez les instrumentistes, l’écoute réactive de chaque instant s’appuie sur le développement soudé du continuo – orgue, contrebasse, 3 basses d’archet et un basson en sus du théorbe (Thibaut Roussel).
L’alternance du grand chœur (16 chanteurs et chanteuses), placé derrière l’orchestre, et du chant soliste devant le public (d’une à trois voix) dynamise la plupart des œuvres sélectionnées. Sans doute l’interprétation tend à franciser le style anglais sous Charles II, mais pourquoi pas ? Quoi qu’il en soit, le traitement figuraliste des œuvres de Pelham Humphrey est une belle découverte, que le trio de solistes exacerbe dans O Lord my God, particulièrement dans la déploration de « My Heart also in the midst of my body, is ev’n like melting wax » (Mon cœur, dans mes entrailles, fond comme de la cire). L’alternance du chœur et des solistes se structure dans l’anthem O sing unto the Lord (Chantez au Seigneur) de John Blow, avant celle de son disciple, l’anthem de couronnement My Heart is inditing, d’Henry Purcell. Dans les prestations solistes, l’auditeur apprécie la caractérisation qu’imprime l’alto Lucile Richardot, partenaire de longue date de Correspondances (Diapason d’or pour le Cd Perpetual Night). La couleur du timbre androgyne et l’expressivité véhémente de l’artiste émeuvent dans l’unique pièce soliste du programme, « Lord I have sinned » (Seigneur j’ai péché) de P. Humphrey. En coulisses, l’artiste nous confie son goût pour toute musique, profane ou religieuse, unies par « la théâtralité, il s’agit toujours de transmettre un message et des émotions ». Citons également le concours des basses Etienne Bazola, Alexandre Baldo parmi les solistes éloquents. Au cours des enchainements, les ritournelles orchestres du Confitebimur tibi d’Henry Dumont, celles à 2 violons d’’I will hearen de John Blow valorisent ces pièces, tout comme l’ouverture « à la française » de l’anthem citée de Purcell. C’est précisément cette ouverture, s’enchainant aux réjouissances chorales, qui est reprise en bis. Au grand plaisir du public qui remplit les trois nefs de l’abbatiale.
Ensemble FiloBarocco : Maria Luisa Montano, Francesco Facchini, Carlo Marai Paulesu, Marco Baronchelli
Ensemble La Palatine : Marie Théoleyre, Nicolas Wattinne, Noémie Lenhof, Guillaume Aldenwang
Correspondances, orchestre et chœur, dir. Sébastien Daucé, Lucile Richardot
Concert de l’ensemble Filobarocco avec des œuvres de Tarquino Merula, Girolamo Frescobaldi, Marco Uccellini, Girolamo Frescobaldi, Dario Castello, G.B. Buonamento, Giovanni Picchi.
Concert de l’ensemble La Palatine avec des œuvres de Girolamo Frescobaldi, Gregorio Strozzi, Carlo Pallavicino, Mario Savioni, Luigi Rossi, Antonio Sartorio