Pour quelles raisons le bicentenaire d’ Édouard Lalo a-t-il si peu de retentissement ? L’artiste et l’homme sont loin d’être inintéressants …
Le violoniste et altiste Lillois a fondé une association d’artistes musiciens d’inspiration fouriériste pendant la IIe République, avant de cofonder le Quatuor Armingaud avec des amis instrumentistes (1856).
Le compositeur de l’incontournable Symphonie espagnole pour violon et orchestre – cheval de bataille de Pablo de Sarasate – s’est illustré dans tous les domaines, avec une prédilection pour la musique de chambre et les mélodies, dont certaines créées par sa seconde épouse, la contralto Julie Bernier de Maligny. Ses incursions dans la musique scénique fascinent par leur troublante poésie et la richesse de leur orchestration. Comme les œuvres d’Henri Duparc, également empreintes d’influence germanique, elles ont souvent été écartées par les directions de théâtre, de Paris à Bruxelles. Ainsi, le grand opéra Fiesque (1868) d’après Schiller ne fut pas créé de son vivant ; il fallut attendre l’édition établie par Hugh Macdonald pour l’entendre au Festival Radio-France Montpellier (2005). Le ballet Namouna (Opéra de Paris, 1882) et l’opéra Le Roi d’Ys (Opéra-Comique, 1888), qui explore la légende bretonne de la ville d’Ys (Barzaz Breiz) sur un livret d’E. Blau, sont des fleurons du patrimoine français. Hélas trop peu programmés de nos jours …
Air « Vainement ma bien-aimée », Le Roi d’Ys, avec Florian Laconi (ténor), Orchestre et chœur de l’Opéra de Saint-Etienne (2007)
En 2015, le label Bru Zane et le Festival Radio-France Occitanie-Montpellier ont exhumé La Jacquerie (1895, opéra achevé par Arthur Coquard), sur fond de révolte paysanne médiévale, dans lequel brillent Véronique Gens et Nora Gubisch.
Cette année du bicentenaire, les mélomanes sont impatients de découvrir d’autres productions et enregistrements !
Pour aller plus loin …
- La Jacquerie de Lalo / Coquard, Orch. Philharmonique de Radio-France, dir. Patrick Davin. Livret-Cd, Bru Zane label, collection « Opéra français », volume 12, ES 1023.
- Fiesque, grand opéra en trois actes, partition d’orchestre, Hugh Macdonald édit., Bärenreiter, 2015 (n° BA 8703).
- Intégrale des mélodies de Lalo, Tassis Christoyannis (baryton), Jeff Cohen (piano). Bru Zane label (2015).
- Namouna, Orch. Philharmonique de Monte Carlo, dir. David Robertson, 1992 (CD sur les sites d’occasion).
1 commentaire
Chère Sabine.
Merci pour cette défense d’Edouard Lalo en général et de Namouna en particulier, dont François-Xavier Roth a donné la Première Rapsodie (sic) le 10 janvier dernier au Théâtre des Champs Elysées avec son orchestre Les Siècles. Le public a chaudement applaudi l’impressionnant Prélude aux climats contrastés et aux thèmes lyriques, de même que le Thème varié et les Parades de foire. Il y a dans cette partition, très négligée par les organisateurs de concerts, la puissance, la variété des couleurs et le pittoresque d’un grand symphoniste, totalement oublié aujourd’hui. En dehors de la sempiternelle Symphonie espagnole que vous mentionnez, il y a cette Symphonie en sol mineur que Beecham grava autrefois (avec celle de Bizet), le Concerto pour violoncelle et un Concerto pour piano que des solistes curieux pourraient mettre à leur répertoire. Il suffirait d’un grand nom pour qu’il intéresse nos organisateurs de concerts parfois courts d’inspiration dans leurs programmations, obligés qu’ils sont de veiller à remplir leurs salles avec toujours les mêmes rengaines. Et pendant ce temps-là, des compositeurs français, à présent oubliés, passent à la trappe, languissent dans un lointain purgatoire, leurs noms figurant à peine dans de brèves notices d’Histoires de la musique, alors qu’on ressuscite…mais vous connaissez ma chanson et je m’arrête là.
Je pourrais en dire autant de la musique anglaise du XIXe-XXe, continent inconnu de notre public français et destiné à le rester suite au Brexit criminel, œuvre de démagogues ivres de leur idéologie délétère et indignes du nom de « Conservateurs ». The rest is silence, n’est-ce pas Hamlet ?
Pour revenir à ce concert du 10 janvier, en sus de Namouna, il y avait comme mise en bouche, le Prélude à l’après-midi d’un faune de notre Claude de France, puis la Deuxième Suite de Bacchus et Ariane d’Albert Roussel, les Scènes Alsaciennes de Massenet, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas et La Valse de Ravel. Un très beau programme « populaire», à la fois roboratif et raffiné, mettant en valeur les ressources de l’orchestre, son immense savoir-faire et sa virtuosité. J’espère qu’il aura donné aux spectateurs peu familiers de ce répertoire (j’en exclus Debussy et Ravel) la curiosité de l’explorer davantage et de découvrir des richesses d’eux insoupçonnées. Parmi toutes les œuvres accessibles sur YouTube, il y a des trésors. Alors, pourquoi attendre ?
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