L’hommage de Sabine Teulon-Lardic à Lalo à l’occasion de son bicentenaire a inspiré à Cartouche une réponse que nous publions en guise d’édito de février : notre collaborateur y rappelle l’intérêt (la nécessité?) qu’il y a à explorer plus avant les répertoires français ou anglais souvent trop délaissés par les programmateurs de concerts…
Chère Sabine.
Merci pour cette défense d’Edouard Lalo en général et de Namouna en particulier, dont François-Xavier Roth a donné la Première Rapsodie (sic) le 10 janvier dernier au Théâtre des Champs-Élysées avec son orchestre Les Siècles. Le public a chaudement applaudi l’impressionnant Prélude aux climats contrastés et aux thèmes lyriques, de même que le Thème varié et les Parades de foire. Il y a dans cette partition, très négligée par les organisateurs de concerts, la puissance, la variété des couleurs et le pittoresque d’un grand symphoniste, totalement oublié aujourd’hui. En dehors de la sempiternelle Symphonie espagnole que vous mentionnez, il y a cette Symphonie en sol mineur que Beecham grava autrefois (avec celle de Bizet), le Concerto pour violoncelle et un Concerto pour piano que des solistes curieux pourraient mettre à leur répertoire. Il suffirait d’un grand nom pour qu’il intéresse nos organisateurs de concerts parfois courts d’inspiration dans leurs programmations, obligés qu’ils sont de veiller à remplir leurs salles avec toujours les mêmes rengaines.
Et pendant ce temps-là, des compositeurs français, à présent oubliés, passent à la trappe, languissent dans un lointain purgatoire, leurs noms figurant à peine dans de brèves notices d’Histoires de la musique, alors qu’on ressuscite…mais vous connaissez ma chanson et je m’arrête là. Une pensée émue pour le granitique Albéric Magnard dont Michel Plasson défendit les couleurs et le plus aimable Gabriel Pierné. Ils existent au disque, mais seuls leurs aficionados les connaissent, pas le grand public. Notre Maison Ronde n’a-t-elle pas aussi un devoir de transmission ?
Je pourrais en dire autant pour la musique anglaise du XIXe-XXe, continent inconnu de notre public français et destiné à le rester suite au Brexit criminel, œuvre de démagogues ivres de leur idéologie délétère et indignes du nom de « Conservateurs ». The rest is silence, n’est-ce pas Hamlet ? Et pourtant, que de trésors dans la musique orchestrale des devanciers de Britten, Vaughan Williams (oui; je sais, c’est difficile à prononcer), Gustav Holst et Franck Bridge, maître de Ben Britten !
Pour revenir à ce concert du 10 janvier, en sus de Namouna, il y avait comme mise en bouche, le Prélude à l’après-midi d’un faune de notre Claude de France, puis la Deuxième Suite de Bacchus et Ariane d’Albert Roussel, les Scènes Alsaciennes de Massenet, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas et La Valse de Ravel. Un très beau programme « populaire» de musique française tel qu’on en voit plus, à la fois roboratif et raffiné, mettant en valeur les ressources de l’orchestre, son immense savoir-faire, son enthousiasme et sa virtuosité. J’espère qu’il aura donné aux spectateurs peu familiers de ce répertoire (j’en exclus Debussy et Ravel) la curiosité de l’explorer davantage et de découvrir des richesses d’eux insoupçonnées. Parmi toutes les œuvres accessibles sur YouTube, il y a des trésors. Alors, qu’attendons-nous ?