Ce lundi 06 février, la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris accueillait l’ensemble Sirba Octet et le chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris pour un spectacle intitulé Tsuzamen : en d’autres termes, « Ensemble et unis contre l’oubli de trois génocides » – celui des Juifs, des Arméniens et des Tziganes. Le spectacle est donc conçu comme un patchwork qui assemble des morceaux instrumentaux ou vocaux issus de ces trois répertoires, la musique créant une fraternité entre ces peuples.
Le programme de salle nous rappelle que les fonctions du chant ne sont pas exactement les mêmes dans ces différentes sociétés – les chants ont vocation à accompagner la fête dans la musique yiddish, la spiritualité, la philosophie et le lyrisme prévalent dans la musique arménienne, et la musique tzigane présente une grande diversité des formes. À l’oreille pourtant, les morceaux se succèdent en un fondu enchaîné dans une très belle unité stylistique. Les différentes pages permettent d’apprécier toute la palette de ces musiques traditionnelles d’Europe de l’Est, les morceaux contemplatifs, à l’atmosphère douloureuse (Mélodie du Karabagh, Le Shavore, Guene roma) alternant avec d’autres plus joyeux, parfois endiablés (Kinderlekh, kleyninke, Vesa vesa), voire loufoques (Ghapama).
Les musiciens de l’ensemble Sirba Octet, visiblement dans leur élément, ne font qu’une bouchée de ces musiques qui leur permettent de mettre en valeur leur virtuosité souriante, et leur bonheur de participer à ce concert est visible à chaque instant.
La bonne humeur, l’humour circulent dans la troupe, notamment dans Tum balalaïka et Rumenye, rumenye, où les artistes changent de place et se promènent sur la scène tout en jouant ; par ailleurs, le violoniste Richard Schmoucler interrompt de temps en temps la performance pour raconter… une blague juive, pour le plus grand bonheur de la salle ! Certes, les morceaux choisis mettent particulièrement en valeur la clarinette – ce qui permet à Rémi Delangle, véritable magicien, et à juste titre très applaudi, de manifester sa musicalité, sa sensibilité et sa grande virtuosité. Mais la programmation reste judicieusement équilibrée, puisque l’orchestration de certains morceaux permet de glisser d’un instrument à l’autre, et donc de tous les apprécier sans en oublier aucun.
© Frédéric Desaphi
Le spectacle conçu pour la Philharmoie de Paris fait aussi la part belle au chant, et nous ne pouvons que saluer le choix de confier la partie chorale à un chœur d’enfants – en l’occurrence, le Chœur d’enfants de l’orchestre de Paris.
Parfaitement dirigés, ceux-ci font preuve d’une parfaite musicalité, particulièrement dans Mogats Shuken, dont le début a capella permet en outre d’apprécier une belle précision et la remarquable préparation des enfants, qui chantent en yiddish, en arménien ou en rom avec la même aisance que s’il s’agissait de leur propre langue !
La virtuosité réjouissante des musiciens, l’enthousiasme et le beau chant des enfants emportent l’adhésion sans réserve d’un public qui, souvent, scande la musique en frappant dans ses mains, et salue les artistes par des applaudissement très nourris !
Trois bis généreux prolongent un spectacle riche et dense, sans aucun temps mort : cette heure et demie de musique aura passé comme un éclair, mais il est possible de prolonger le plaisir (ou de se consoler de n’avoir pu assister à ce concert) en écoutant le CD Tsuzamen, tout récemment paru chez Sirba Records.
Tzusamen
Mélodies traditionnelles yiddish, arméniennes et tziganes
Concert du lundi 06 février 2023, Salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris