Suite à la seconde année de résidence de Philippe Jaroussky à l’Opéra national de Montpellier (2021-2023), les publics peuvent chaque année suivre la classe de maître publique du contreténor, et écouter les premiers pas des Jeunes talents de l’Académie Jaroussky. Ce 21 février, la promotion « Debussy » de cinq musiciens fait salle comble dans la coquette salle Molière (Opéra-Comédie).
Deux sopranos, un pianiste, un violoniste et un violoncelliste se partagent l’estrade au fil d’un récital au programme forcément éclectique. Pour contourner les limites de l’exercice démonstratif, l’astuce est de réaliser des arrangements instrumentaux pour ne pas laisser le seul pianiste accompagner les jeunes chanteuses. Aussi, le violoniste introduit et paraphrase le Lied Morgen de R. Strauss avec une sobre émotion (en se calquant sur la version orchestrale), ou bien le violoncelle déroule les arpèges qui enrobent l’air de Zerline amoureuse (« Batti, batti o bel Masetto ») dans Don Giovanni. Ces arrangements présidaient également au programme de la précédente promotion (2022), dont Première Loge se faisait l’écho à Montpellier.
Côté chanteuses, le timbre rempli d’harmoniques de Judith Ankoué s’allie à une belle sensibilité dans tout ce qu’elle aborde, en solo ou en duo (la Comtesse dans « Sull’aria » des Nozze di Figaro) avec sa consœur. Elle excelle dans la mélodie française (Le Colibri de Chausson) finement prosodiée et tire son épingle du jeu du redoutable « Casta diva » (Bellini) par une conduite du souffle qui englobe les appogiatures avec douceur. Si l’air célèbre de Giordano – « La mamma morta » d’Andrea Chénier – n’est pas encore dans ses cordes (vocales), graves et aigus s’avèrent prometteurs. Le clair soprano de Michèle Bréant est un atout pour le rôle de soubrette (Susanna du duo « Sull’aria ») et les franches vocalises de Zerlina de Don Giovanni (la seconde section en 6/8 de « Batti, batti o bel Masetto »). En revanche, l’éventail restreint de nuances et le manque de modelé du son sont préjudiciables au Lied romantique et à La Ricordanza de Bellini. Une suggestion pour les chanteuses : esquisser quelques mouvements de jeu ou adresser quelques mots de bienvenue sur scène serait bienvenu !
Si le pianiste a déclenché l’enthousiasme de l’auditoire en martelant L’Isle joyeuse de manière plus mécanique que Debussyste, les meilleurs moments (stylistiques) de la soirée se sont concentrés d’une part sur la mélodie fauréenne (Puisqu’ici bas toute âme, opus 10 n° 1) en duo vocal et sur le contrepoint vigoureux et dansant de la Sonate pour violon et violoncelle de J. Jongen. Quentin Vogel (violon) et Pierre Fontenelle (violoncelle) sont de fougueux complices, déjà expérimentés.
Le public montpelliérain, de tout âge, se réjouit de découvrir de jeunes personnalités musicales et, à la sortie, se hâte de prendre en photo le programme affiché sur un cartel (aucun programme papier en salle). Pour les plus jeunes auditeurs auditrices, gageons que de telles prestation susciteront des envies, des projets. Et pour des musiciens âgés de 18 à 30 ans, le courage de présenter leur candidature au recrutement de la future promotion Jeunes talents de l’Académie Jaroussky pour la saison 2023-2024 : https://academiejaroussky.org/inscriptions/
Michèle Bréant, Judith Ankoué, sopranos
Quentin Vogel (violon), Pierre Fontenelle (violoncelle), Gabriel Durliat (piano)
Extraits des Nozze di Figaro, de Cosi fan tutte, de Don Giovanni de W.A. Mozart, « Casta Diva » de G. Bellini, « La mamma morta » d’U. Giordano, Lieder de J. Brahms, de R. Strauss, mélodies d’E. Chausson, de G. Fauré, L’isle joyeuse de C. Debussy, Sonate op. 109 de J. Jongen
Concert du 22 février 2023, Opéra-Comédie de Montpellier