Commedia lirica en 3 tableaux de Puccini, livret de Giuseppe Adami, créée le 27 mars 1917 à l'Opéra de Monte-Carlo
LES AUTEURS
Le compositeur
Giacomo Puccini , 08 avril 1908
Giacomo Puccini (1858-1924)
Giacomo Puccini naît à Lucques dans une famille de musiciens en 1858. Élève de Ponchielli, il connaît son premier grand succès avec Manon Lescaut (1893), et se consacre dès lors presque exclusivement à l’opéra. Après Manon Lescaut, il compose La bohème (1896), Tosca (1900) et Madama Butterfly (1904) qui remportent un immense succès et jouissent toujours aujourd’hui d’une très grande popularité. Outre ces ouvrages, il fait aussi représenter La fanciulla del West (1910), et Il trittico (1918). Atteint d’un cancer de la gorge, il s’éteint à Bruxelles en 1924 avant d’avoir pu achever son ultime chef-d’œuvre : Turandot, créé de façon posthume en 1926.
Malgré d’évidentes affinités avec d’autres compositeurs italiens du tournant du siècle, les musicologues refusent le plus souvent de le considérer comme appartenant au mouvement dit vériste, en raison des thèmes de ses livrets mais aussi d’une esthétique musicale très personnelle. Si l’on reproche parfois au musicien une supposée facilité, on oublie souvent qu’il suscita l’admiration de musicologues, musiciens ou compositeurs aussi aguerris et talentueux qu’Arnold Schoenberg (qui le considérait comme le plus grand harmoniste de son temps) ou René Leibowitz.
Les librettistes
Luigi Illica (1857-1919)
Luigi Illica fut l’un des plus célèbres librettistes italiens de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Il travailla le plus souvent en duo avec Giuseppe Giacosa, notamment pour Puccini (Manon Lescaut, La bohème, Tosca, Madama Butterfly). Parmi les livrets qu’il rédigea seul, il y eut celui de La Wally pour Catalani (1892), d’Iris pour Mascagni (1898) ou de Siberia pour Giordano (1903)
Giuseppe Giacosa (1947-1906)
Giacosa connaît une certaine notoriété grâce à des pièces de théâtre, d’inspiration tout d’abord post romantiques, avec leur reconstitution plus ou moins fantaisiste d’un passé (le Moyen Âge, le seicento) revisité au prisme de la sensibilité fin de siècle : La partita a scacchi (La Partie d’échecs, 1871) ; Il marito amante della moglie (Le Mari amant de la femme, 1871). Il subit par la suite l’influence du naturalisme et s’oriente alors vers le drame bourgeois.
Mais il est surtout passé à la postérité pour sa collaboration, en tant que librettiste, avec Luigi Illica avec qui il rédige pour Puccini les livrets de La bohème, Tosca ou Madama Butterfly.
L’ŒUVRE
La création
Tosca fut créée à Rome (Teatro Costanzi) le 14 janvier 1900. L’accueil est un peu comparable à celui que reçut La bohème : tiède dans un premier temps (surtout de la part de la critique, qui n’apprécia guère le livret), enthousiaste par la suite : dès le 17 mars, l’opéra est créé à la Scala sous la direction de Toscanini, et entame alors un tour du monde qui le voit triompher à peu près partout où il est donné. Tosca est créée à Paris, à l’Opéra-Comique, en octobre 1903.
Le livret
© BnF / Gallica
Le livret est tiré de La Tosca, drame en 5 actes de Victorien Sardou, créé en novembre 1887 à Paris, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Sarah Bernhardt interprétait le rôle-titre, et la pièce restera l’un de ses plus grands succès. La pièce fut rapidement adaptée pour le cinéma : une première version avec Sarah Bernhardt a disparu, l’actrice, non satisfaite du résultat, ayant interdit la sortie du film. En 1909, André Calmettes et Charles Le Bargy réalisent un film muet d’après la pièce de Sardou, suivi d’un film tourné en 1941 par Carl Koch et Jean Renoir, avec Michel Simon en Scarpia. Le film est disponible en DVD, malheureusement sans sous-titres français. En 1973 sort La Tosca de Luigi Magni (avec Monica Vitti, Gigi Proietti et Vittorio Gassman).
L’INTRIGUE
En 1798, les troupes françaises avaient instauré en Italie la « République romaine », une des
« républiques sœurs » associées à la République française. Mais ce régime fut rapidement destitué, Rome étant reprise par les troupes napolitaines, aidées de la Grande-Bretagne, en septembre 1799.
Acte I
Lorsque commence l’action de Tosca, nous sommes en 1800. Le chef de la police Scarpia (baryton) traque les opposants au nouveau régime avec d’autant plus de vigilance que les troupes napoléoniennes approchent, réveillant les ardeurs républicaines de nombreux Italiens. Angelotti (basse), consul de la République romaine déchue, vient de s’échapper du Château Saint-Ange. Il se cache dans une chapelle de l’église Santa Maria della Valle où sa sœur la Marquise Attavanti a caché pour lui des vêtements de femme. Dans cette chapelle travaille le peintre Mario Cavarodossi (ténor), républicain convaincu. Il peint un tableau représentant la Madone, qu’il a représentée sous les traits de la Marquise Attavanti – ce qui suscite la jalousie de son amante, la célèbre cantatrice Floria Tosca (soprano).
FLORIA, regardant son tableau.
Qu’est-ce que c’est encore que cette femme-là ?
MARIO, cherchant derrière lui.
Cette femme ?
FLORIA.
Là, là, sur le mur ?
MARIO.
Ah ! la blonde ?
FLORIA.
Non !… La rousse ?
MARIO.
C’est Marie-Magdeleine !… Comment la trouves-tu ?
FLORIA.
Trop jolie.
MARIO.
Trop ?
FLORIA.
Je n’aime pas que vous fassiez les femmes si jolies !
MARIO.
Si tu es jalouse aussi des femmes que je peins !
FLORIA.
C’est que je sais bien ce qui se passe entre elles et vous !
MARIO, riant
Ah! bon !… Et qu’est-ce qu’il se passe ?…
FLORIA.
Vous n’avez pas plutôt fait deux grands yeux à cette créature que vous vous dites : « Ah ! les beaux yeux ! » Et une petite bouche ! « Oh! la jolie bouche !… On y mordrait ! » Tant qu’à la fin, c’est elle que vous admirez, elle que vous aimez, et ce n’est plus moi !…
Victorien Sardou, La Tosca, Acte I scène 4
L’évasion d’Angelotti a été découverte : Mario aide alors le consul à s’enfuir. Il lui recommande de gagner sa propre maison et de se cacher dans le puits de son jardin.
Arrive Scarpia, traquant Angelotti. Plusieurs indices suffisent à le convaincre que Mario a aidé le consul à se cacher. Fasciné par la beauté de Tosca, il jure tout à la fois de retrouver Angelotti, de se venger du peintre, et de posséder Tosca, tandis que retentit un Te Deum célébrant la supposée défaite de Napoléon.
Acte II
Au palais Farnèse. Scarpia a imaginé un plan diabolique pour parvenir à ses fins : il a fait arrêter Mario Cavaradossi et le fait torturer alors que lui-même reçoit Tosca – laquelle, désespérée, entend les cris de son amant émanant d’une pièce voisine. Tosca, malgré les injonctions de Mario, révèle la cachette d’Angelotti. Le peintre maudit alors la jeune femme. Mais on annonce que Bonaparte, contrairement à ce qui avait été annoncé, vient de remporter une victoire à Marengo. Mario ne peut contenir son enthousiasme ; Scarpia le condamne à mort.
Tosca, désespérée, se dit prête à payer pour sauver la vie son amant. Mais Scarpia lui explique qu’il ne veut pas d’argent : c’est elle-même, Tosca, qui sera le prix du salut de Cavaradossi.
FLORIA.
Je n’ai soif et faim que de sa liberté ! Allons, au fait !… (Elle s’assied résolument en face de lui à la table, écartant le verre.) Combien ?
SCARPIA, se versant à boire.
Combien ?
FLORIA.
Oui !… Question d’argent, je suppose ?
SCARPIA.
Fi donc, Tosca, vous me connaissez bien mal… Vous m’avez vu, féroce, implacable, dans l’exercice de mes devoirs; c’est qu’il y allait de mon honneur et de mon propre salut, la fuite d’Angelotti entraînant forcément ma disgrâce… Mais, le devoir accompli, je suis comme le soldat qui dépose sa colère avec ses armes ; et vous n’ayez plus ici devant vous que le baron Scarpia, votre applaudisseur ordinaire, dont l’admiration va pour vous jusqu’au fanatisme… et même a pris cette nuit un caractère nouveau… Oui, jusqu’ici, je n’avais su voir en vous que l’interprète exquise de Cimarosa ou de Paisiello… Cette lutte m’a révélé la femme… La femme plus tragique, plus passionnée que l’artiste elle même, et cent fois plus admirable dans la réalité de l’amour et de ses douleurs que dans leur fiction ! Ah ! Tosca, vous avez trouvé là des accents, des cris, des gestes, des attitudes… Non, c’était prodigieux, et j’en étais ébloui au point d’oublier mon propre rôle, dans cette tragédie, pour vous acclamer en simple spectateur, et me déclarer vaincu !…
FLORIA, toujours inquiète, à mi-voix.
Plût à Dieu !
SCARPIA.
Mais savez-vous ce qui m’a retenu de le faire… C’est qu’avec cet enthousiasme pour la femme affolante, grisante, que vous êtes, et si différente de toutes celles qui ont été miennes… une jalousie… une jalousie subite me mordait le cœur… Eh ! quoi, ces colères et ces larmes au profit de ce chevalier qui, entre nous, ne justifie guère tant de passion ? Ah ! fi donc ! Plus vous me conjuriez pour lui, plus je me fortifiais dans la volonté tenace de le garder en mon pouvoir, pour lui faire expier tant d’amour et l’en punir, oui, ma foi, l’en punir ! Je lui veux tant de mal de son bonheur immérité. Je lui envie à ce point la possession d’une créature telle que vous, — que je ne saurais la lui pardonner qu’a une condition… C’est d’en avoir ma part.
FLORIA, debout, bondissant.
Toi !…
SCARPIA, assis, la retenant par le bras.
Et je l’aurai !…
FLORIA, elle se dégage violemment, en éclatant de rire.
Imbécile !… J’aimerais mieux sauter par cette fenêtre !…
SCARPIA, froidement, sans bouger.
Fais… Ton amant te suit !… Dis « Oui : je le sauve… Non : je le tue ! »
Victorien Sardou, La Tosca, Acte IV, scène 3
Anéantie, Tosca accepte. Scarpia fait venir un sbire :
– À l’aube, Cavaradossi sera fusillé… exactement comme nous avons fait il y a un an pour le Comte Palmieri.
– Un simulacre d’exécution ?
– Exactement, un simulacre. Comme pour Palmieri. Tu as bien compris ?
– J’ai bien compris !
Scarpia se jette sur Tosca : « Tu es enfin à moi ! » Mais alors Tosca le poignarde à mort, se saisit du laissez-passer que Scarpia vient de rédiger et qui permettra aux amants de quitter Rome, puis se précipite au Château Saint-Ange ou Mario attend son exécution.
Acte III
À l’aube, Mario chante son amour pour Tosca et dit adieu à la vie. Mais l’espoir renait : Tosca apparaît, le laissez-passer à la main. Elle explique à Mario que les fusils seront chargés à blanc et que l’exécution sera simulée. Dès que les coups de feu retentiront, Mario devra s’effondrer et patienter jusqu’à ce que les soldats les aient laissés seuls.
Le peloton arrive, les coups de feu retentissent… Lorsque Tosca se précipite pour dire à Mario de se relever, elle comprend l’horrible piège que Scarpia, par-delà la mort, lui a tendu : comme Palmieri… Mario a bel et bien été exécuté !
Alors que les sbires de Scarpia (dont le cadavre a été découvert) envahissent le Château Saint-Ange pour arrêter Tosca, la jeune femme enjambe le parapet, donne rendez-vous à Scarpia devant Dieu, et se jette dans le vide.
La partition
Tosca est un chef-d’œuvre à la fois musical et théâtral, offrant un exemple rare de parfait équilibre entre musique et livret, celui-ci ayant fort habilement condensé et simplifié la pièce de Sardou – devenue difficilement jouable en raison de nombreux bavardages et digressions et surtout d’un ton mélodramatique aujourd’hui passé de mode. L’orchestration de l’œuvre est particulièrement soignée, avec un souci de la couleur locale (ou une préoccupation « vériste » ?) qui poussa Puccini à faire en sorte que le Te Deum du premier acte sonne « vrai », et que le prélude du dernier acte évoque clairement les matines de Saint-Pierre. Quant au chant du berger (« Io de’ sospiri »), il se déploie sur les paroles d’une chanson traditionnelle de Campanie.
La théâtralité de l’œuvre réside également dans l’efficace superposition d’espaces sonores différents : les canons de Saint-Ange et l’Église Sant-Andrea della Valle au premier acte, la cantate chantée en coulisses, les tortures infligées à Mario et le salon du palais Farnèse dans lequel dîne Scarpia au deuxième acte, le chant du berger et le cachot de Mario au dernier acte.
Tosca est aussi l’opéra de la cruauté et de la violence, avec l’un plus parfaits « salauds » du répertoire, continuant à distiller le mal au-delà de sa propre mort ! L’insoutenable tension dramatique du second acte, progression inexorable vers le meurtre de Scarpia qui seul pourra y mettre un terme, fait habilement alterner des moments de paroxysme dramatique intense (Mario traitant Scarpia de bourreau ; le « Questo è il bacio di Tosca ! » de l’héroïne) et des parenthèses apaisées (le célèbre « Vissi d’arte ») ou faussement apaisées (le « Ed or fra noi parliam da buoni amici » de Scarpia).
Le finale de l’œuvre, avec la mort spectaculaire de l’héroïne précédée d’une lancinante marche funèbre, est quant à lui l’un des plus impressionnants du répertoire. Enfin, chacun des trois personnages principaux bénéficie de pages remarquables : le glaçant Te Deum de Scarpia, son cynique « Già, mi dicon venal ! » ; l’émouvante prière de Tosca (« Vissi d’arte ») ; le célébrissime lamento du dernier acte (« E lucevan le stelle »), dans lequel Mario, avant de mourir, se remémore les instants de bonheur passés auprès de Tosca.
« Vissi d’arte », Leontyne Price
« E lucevan le stelle », Plácido Domingo
LES ENREGISTREMENTS
Notre sélection pour voir et écouter l'œuvre
LP et CD
Oliviero De Fabritiis / Maria Caniglia , Beniamino Gigli , Armando Borgioli , chœur et orchestre de l’Opéra de Rome – 1938. Naxos
Victor de Sabata / Maria Callas, Giuseppe Di Stefano, Tito Gobbi chœur et orchestre de La Scala de Milan, 1953. EMI / Warner
Herbert von Karajan / Leontyne Price, Giuseppe Di Stefano, Giuseppe Taddei, chœur de l’Opéra de Vienne, Orchestre philharmonique de Vienne, 1962, Decca
Georges Prêtre / Maria Callas , Carlo Bergonzi, Tito Gobbi, Chœurs de l’Opéra de Paris, Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire , 1964 – EMI
Colin Davis / Montserrat Caballé, José Carreras, Ingvar Wixell, chœur et orchestre du Royal Opera House, Covent Garden, 1976 – Philips
James Levine / Renata Scotto, Placido Domingo, Renato Bruson. Ambrosian Opera Chorus, Philharmonia Orchestra. 1981 – EMI
Giuseppe Sinopoli / Mirella Freni , Placido Domingo , Samuel Ramey, chœur du Royal Opera House, Covent Garden, Philharmonia Orchestra, 199O – Deutsche Grammophon
Riccardo Muti / Carol Vaness , Giuseppe Giacomini , Giorgio Zancanaro, Philadelphia Orchestra, 1992 – Philips Classics
DVD et Blu-ray
Bartoletti ; De Bosio / Kabaivansla, Domingo, Milnes.1976, DG
Giuseppe Sinopoli ; Franco Zeffirelli / Hildegard Behrens, Placido Domingo, Cornell Mc Neil. Metropolitan Opera, 1985, DG.
Zubin Metha ; Giuseppe Patroni Griffi / Catherine Malfitano, Placido Domingo, Ruggero Raimondi., 1992 – Teldec
Riccardo Chailly ; Nikolaus Lenhoff / Catherine Malfitano, Richard Magison, Bryn Terfel. 1998 – Decca
Antonio Pappano ; Benoît Jacquot / Angela Gheorghiu, Roberto Alagna, Ruggero Raimondi. 2002 – Opus Arte.
Antonio Pappano ; Jonathan Kent / Angela Gheorghiu, Jonas Kaufmann, Bryn Terfel.. 2011 – Warner Classics
Christian Thielemann ; Michael Sturminger / Anja Harteros, Aleksandrs Antonenko, Ludovic Tézier. 2019 – Unitel
Riccardo Chailly ; Davide Livermore / Anna Netrebko, Francesco Meli, Luca Salsi. 2023 – Rai
Streaming
Carlo Felice Cillario ; Franco Zeffirelli / Callas, Renato Cioni, Titto Gobbi. Londres, 1964 (acte II)
Bartoletti ; De Bosio / Kabaivansla, Domingo, Milnes.1976 (sous-titres en italien)
James Conlon ; Otto Schenck / Shirley Verrett, Luciano Pavarotti, Cornell MacNeil . Ney York, 1978
Mikko Franck ; Nadine Duffaut / Catherine Naglestad, Roberto Alagna, Falk Struckmann. Nadine Duffaut. Orange, 2010 (sous-titres en français)
Patrick Fournillier ; Christof Loy / Ausrinė Stundytė, Andrea Carè, Tuomas Pursio. Finnish National Opera, 2018 (sous-titres en anglais)
Riccardo Chailly ; Davide Livermore / Anna Netrebko, Francesco Meli, Luca Salsi. Scala, 2019 (sous-titres en hongrois)
SPECTACLES
Comptes rendus
- juillet 2019, Aix-en-Povence
- février 2021, Marseille
- juin 2021, Lille
- juin 2021, Paris (Opéra Bastille)
- juin 2021, Nancy
- juillet 2022, Macerata
- septembre 2022, Paris (Opéra Bastille)
- octobre 2022, Toulon
- mars 2023, Gênes
- décembre 2023, Reims
- avril 2024, Avignon
- mai 2024, Dijon
- mai 2024, Nantes
- mai 2024, Florence
- août 2024, Torre del lago