Les festivals de l’été – Le Corum de Montpellier sous le charme de Sonya Yoncheva

Le Corum de Montpellier sous le charme de SONYA YONCHEVA – Soirée de clôture du Festival de Radio-France Occitanie Montpellier 2021

Devant un public composé de nombreux aficionados, la diva bulgare clôture cette 36e édition du festival de Radio-France Occitanie Montpellier par une « carte blanche » au programme particulièrement varié.

Avant même le début du concert, Jean-Pierre Rousseau, directeur de la manifestation, prend la parole pour rappeler les défis auxquels aura été confrontée cette dernière édition du festival, dans un contexte aigu de crise sanitaire, et souligne l’histoire d’amitié entre Sonya Yoncheva et Montpellier où elle a incarné magnifiquement Iris (2016), Stephana dans Siberia (2017) mais s’est également produite en concert en 2018, dans un programme Verdi avec l’orchestre national de Montpellier-Occitanie sous la direction de Daniel Oren. On l’attendait, l’été dernier, en princesse Fedora Romazov mais l’annulation du festival en aura décidé autrement et c’est donc pour un concert au programme demeuré secret jusqu’à ce que François Xavier Szymczak, qui présente la soirée sur France Musique, n’en dévoile le contenu, que l’on retrouve Sonya Yoncheva.

Un programme festif alternant opéra, opérette et chanson française

Arrivant sur scène dans une magnifique robe noire que n’aurait pas reniée Luchino Visconti s’il l’avait mise en scène, Sonya Yoncheva débute le concert par le « Tu puniscimi , O Signore » puis la cabalette « A brani… a brani, o perfido » de Luisa Miller, un des rôles de Verdi qu’elle a fait sien depuis quelques années et dans lequel elle a toujours su être convaincante. Se lançant dans la bataille avec des moyens qui, d’emblée à l’oreille, nous paraissent s’être élargis dans la partie grave de la voix, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du type de répertoire post-romantique de plus en plus fréquenté, la diva bulgare est, à la différence du précédent concert de 2018 – et dans le même air – plus assurée dans la manière d’aborder les aigus de la cabalette, toujours redoutable, et le résultat d’ensemble s’avère convaincant.

« L’air de la lune » extrait de Rusalka donne à entendre les marques de reconnaissance que l’on sait être celles de Sonya Yoncheva : beauté du legato, timbre fruité, capacité à varier les couleurs, puissance de la projection, autant de qualités qui se retrouvent évidemment dans les airs de Puccini choisis pour ce concert (l’air d’Anna « Se come voi piccina io fossi » dans Le Villi, « Un bel di vedremo » de Madama Butterfly) et dans l’Ave Maria de Mascagni. Pourtant, alors que la partie opératique de la soirée avance, une sensation de relâchement dans la prononciation, voire d’incompréhension du texte nous préoccupe et, avouons-le, nous empêche de participer pleinement à l’enthousiasme de la grande majorité de la salle. Joint parfois à une tendance à chanter bas, c’est seulement dans le premier bis, une habanera de Carmen dont, sans en avoir forcément la voix, elle dégage toute la force sensuelle, que Sonya Yoncheva retrouve une rigueur stylistique bienvenue et une prononciation totalement compréhensible.

Dommage, car le choix du programme est particulièrement heureux, y compris dans la deuxième partie où les trois valses d’Oscar Straus (le si exigeant stylistiquement : « C’est la saison d’amour ») côtoient Vladimir Cosma (« L’amour en héritage ») puis, en bis, Marguerite Monnot (« L’hymne à l’amour »).

Un orchestre national de Montpellier-Occitanie chauffé à blanc

© Marc Ginot

Totale satisfaction du côté orchestral : retrouvant le chef vénézuélien Domingo Hindoyan – époux de Sonya Yoncheva –, l’orchestre national de Montpellier-Occitanie est dans un grand soir, et ce dès une ouverture de Luisa Miller au concertino de flûte particulièrement exposé et aux attaques de cordes parfaites. L’intermezzo de Cavalleria Rusticana mais, également, la musique frénétique du Sabbat dans Le Villi – trop rarement donnée en concert – confirment raffinement et fougue parmi les éminentes qualités de cet orchestre. Quant au répertoire latino-américain mis au programme par le chef, il permet pour notre part de découvrir l’écriture d’Arturo Marquez (né en 1950), avec sa « Conga del Fuego Nuevo », et de Mariano Mores, compositeur de tangos au rythme soutenu qui met particulièrement en valeur les pupitres des cuivres.

On ne peut s’empêcher de terminer sur la complicité palpable tout au long du programme entre Sonya Yoncheva et Domingo Hindoyan, particulièrement incarnée dans l’habanera de Carmen où la diva et le chef se prennent au jeu de la séduction, achevant de faire chavirer le public dans ce qui restera peut-être le moment le plus réussi de la soirée. Réclamant à nouveau un bis, Sonya Yoncheva redonne devant un public conquis « Un bel di vedremo » avec peut-être davantage encore d’émotion.

Les artistes

Sonya Yoncheva, soprano

Orchestre national de Montpellier-Occitanie, dir.  Domingo Hindoyan

Le programme

Giuseppe Verdi
Luisa Miller : Ouverture ; air et cabalette de Luisa « Tu puniscimi , O Signore »/ « A brani.. a brani, o perfido »

Anton Dvorak
Rusalka
, “Chant à la lune”

Pietro Mascagni
Cavalleria Rusticana, Intermezzo ; Ave Maria

Giacomo Puccini
Le Villi, scène du Sabbat ; air d’Anna « Se come voi piccina io fossi  »
Madama Butterfly, air de Cio-Cio-San « Un bel dì vedremo »

Arturo Marquez
Conga del Fuego Nuevo 

Mariano Mores
Tango

Vladimir Cosma
« L’amour en héritage »

Salvador Valverde et Ramón Zarzoso
« Non me mirès más »

Oscar Straus
Trois valses, air de Fanny « C’est la saison d’amour »

Bis :

George Bizet
Carmen, habanera

Marguerite Monnot
« Hymne à l’amour »

Giacomo Puccini
Madama Butterfly, air de Cio-Cio-San « Un bel dì vedremo »

Concert du vendredi 30 juillet 2021, Corum de Montpellier.