Instant Lyrique, Michael Spyres ou la fraicheur des Nuits d’été à la salle Gaveau

Que Michael Spyres soit bariténor, on n’oserait le nier puisqu’il se définit ainsi lui-même et qu’il se sent à l’aise avec cette nomenclature vocale. Mais, une fois ceci admis, permettons-nous tout de même une simple question : « Et donc ? »

L’amateur d’art lyrique n’aura pu ignorer que, depuis quelque temps, un  ovni (objet vocal non identifié) s’est posé sur la planète lyrique. Loin d’être un objet, Michael Spyres est en fait un artiste chaleureux et investi plutôt identifié à ce qu’on appelle un bariténor, mi-ténor mi-baryton ou ni-ténor ni-baryton, enfin, un peu des deux. 

L’Instant Lyrique de ce lundi soir sera donc l’occasion d’entendre ce phénomène avec, au programme,  beaucoup de baryton mais aussi un peu de ténor et les deux tessitures dans Les Nuits d’été de Berlioz. Celles-ci n’en demandaient peut-être pas tant. Surtout, dans une version avec piano plus facilement chantable par une même voix que la version orchestrée du cycle. Entre « Le spectre de la rose » barytonnant et un « Au cimetière » de ténor léger, l’auditeur admire la prouesse vocale mais oublie parfois l’œuvre. Quid de la poésie, de l’émotion voir de la sensualité ? Il y a bien sûr ce français magnifiquement prononcé (sauf dans l’extrême aigu en voix mixte et on le pardonne aisément), ce contrôle constant de la ligne, ces demi-teintes opportunes mais il manque ce grand souffle poétique et cette construction longue de la pensée musicale qui emportent l’auditeur dans l’imaginaire de l’artiste. Ces Nuits d’été semblent encore un peu trop fraiches. Galop d’essai avant d’autres tentatives du cycle de mélodies en concert, notamment avec orchestre et parution d’un disque? Michael Spyres nous doit une revanche.

Michael Spyres et Mathieu Pordoy ©Cédric Le Dantec/Agence Supernova

La poésie ce soir, nous la trouverons du côté de Mathieu Pordoy avec ce A la maniére de Chabrier de Ravel, pastiche évocateur joliment romancé et surtout un Sonnet 123 de Pétrarque signé Franz Liszt émouvant et chopinien à souhait. Le pianiste a d’ailleurs semblé plus à son aise ici que dans Les Nuits d’été où sa recherche de connivence avec Michael Spyres a souvent occulté la mise en valeur du traitement pianistique parfois saisissant de Berlioz.

La suite de ce récital trouvera plus de liberté chez Michael Spyres et Mathieu Pordoy. Avec quelques extraits de son nouveau disque simplement intitulé Bariténor, l’artiste met dans sa poche un public qui semblait déjà conquis d’avance. Le bariténor se met ainsi en action et nous aurons donc droit à un air du Comte des Noces de Figaro dans sa version aigu, gentiment vindicatif et parfois gêné aux entournures par son texte. Suivront une sérénade de Don Giovanni joliment nuancée mais pas encore portée sur la luxure, un très convaincant « Largo al factotum… » du Barbier de Séville de Rossini espiègle et généreux et un Ramiro de L’heure espagnole de Ravel placide mais perspicace.

Retour au ténor pour terminer ce programme avec un extrait d’un rôle que Michael Spyres connaît bien, « Mes amis, écoutez l’histoire … » du Postillon de Longjumeau d’Adolphe Adam au fameux contre-ré habilement négocié et rapidement passé en voix mixte. Trois bis viendront couronner le triomphe public de cette soirée dont un « Ah, mes amis, quel jour de fête…» de La fille du régiment de Donizetti aux contre-ut plus présents que puissants. Le phénomène vocal plait, l’homme est chaleureux, l’artiste généreux, le succès public est certain.

Standing ovation, bariténor visiblement ému et auteur de ces lignes perdu face à un caméléonisme vocal balançant entre mimétisme conscient ou hétérodoxie naturelle, ainsi vont Les Instants Lyriques qui fêtaient leurs sept ans ce soir.

Les artistes

Michael Spyres, ténor
Mathieu Pordoy, piano

 L’INSTANT LYRIQUE, Paris, Salle Gaveau
Lundi 4 octobre 2021, 20h30

Le programme

Hector Berlioz
Les Nuits d’été 

Franz Liszt
Sonnet 123 de Pétrarque 

Wolfgang Amadeus Mozart
Le nozze di Figaro, « Hai gia vinto la causa… »

Giaochino Rossini
Il barbiere di Siviglia, « Largo al factotum… »

Wolfgang Amadeus Mozart
Don Giovanni, « Deh vieni alla finestra… » 

Maurice Ravel
A la manière de Chabrier
L’Heure espagnole,  « Voilà ce que j’appelle une femme charmante »

Adolphe Adam
Le Postillon de Lonjumeau,  « Mes amis, écoutez l’histoire… »

 Bis
Gaetano Donizetti
La Fille du Régiment ,  « Ah, mes amis, quel jour de fête…»

Franz Lehár 
Die Lustige Witwe, « Da geh ich zu Maxim »