L’année Molière bat son plein à l’Opéra Royal de Versailles : outre la parution de plusieurs CD (Le Bourgeois gentilhomme, Vincent Dumestre/Le Poème Harmonique, Georges Dandin, Gaëtan Jarry/Marguerite Louis), deux spectacles ont déjà eu lieu (Georges Dandin, Gaétan Jarry/Michel Fau et Charpentier ; Les plaisirs de Versailles, Sébastien Daucé/ensemble Correspondances) ; et d’ici juin, quatre autres spectacles sont programmés : Psyché, Le Malade imaginaire, Le Bourgeois gentilhomme et un concert Lully/Charpentier (voir les détails de la programmation sur le site de l’Opéra Royal).
En cette soirée du 14 janvier, c’est Vincent Dumestre et le Poème Harmonique qui ont rendu hommage à Molière, Lully (et Charpentier) dans un concert intitulé Le Ballet des Jean-Baptiste, et pour lequel ils se sont assurés la participation vocale d’Ana Quintans, Cyril Auvity, Marc Mauillon, Igor Bouin et Virgile Ancely. Vincent Dumestre et son ensemble font montre, au cours du concert, de toutes les qualités qui ont assuré leur notoriété : rigueur stylistique, raffinements poétiques, imagination, à quoi il faut ajouter un sens certain de la fantaisie et de l’humour pour cette soirée marquée, en grande partie, au sceau du rire et de la bonne humeur. Le timbre suave de Cyril Auvity fait notamment merveille dans le registre élégiaque, et la musicalité constante, la sensibilité d’Ana Qintans trouvent, dans la « Plainte en musique » de Georges Dandin (« Ah ! mortelles douleurs ») un cadre idéal où s’exprimer. Mais ces deux artistes sont aussi capables d’humour et se joignent à leurs compères pour une désopilante Cérémonie des Turcs. Le Trio Grotesque du Mariage forcé (avec ses allusions à « la belle harmonie » ou aux chants des « chiens, chats et des rossignols d’Arcadie ») et l’extrait de La Pastorale comique (« Ah ! Qu’il est beau, / Le jouvenceau ! ») sont irrésistibles de drôlerie. Le concert est par ailleurs ponctué par les interventions fort amusantes d’Igor Bouin, impayable dans son numéro de « m’as-tu vu » lorsqu’il se targue d’avoir remporté d’innombrables triomphes, ou lorsqu’il tourne en dérision le français « restitué ». D’une manière générale, les voix des cinq chanteurs sont parfaitement assorties en termes de couleurs ou de puissance, ce qui nous vaut une belle homogénéité dans les ensembles – et leur réelle complicité fait que les numéros proposés sont tout aussi bien chantés que joués.
À l’issue du concert, Vincent Dumestre reçoit les insignes d’officier dans l’Ordre national des Arts et des Lettres. Pour célébrer l’événement, il propose un hommage décalé à Molière et ses médecins avec une inattendue Médication de Thaïs de Ginette Garcin, interprétée avec humour par le Poème harmonique et l’ensemble des artistes, pour la plus grande joie d’un public enthousiaste et reconnaissant.
Ana Quintans Soprano
Cyril Auvity Ténor
Marc Mauillon Baryton
Igor Bouin Baryton et narrateur
Virgile Ancely Basse
Le Poème Harmonique, dir. Vincent Dumestre
Le ballet des Jean-Baptiste
Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687)
Ouverture, extraite de La Princesse d’Elide
Courante pour Sganarelle, Menuet pour les Espagnols, Charivary extraits du Mariage forcé
Chaconne extraite de L’Amour médecin
Bergerie, Entrée des trois importuns, Ballet des Espagnols, Entrée des cuisiniers – extraits du Bourgeois gentilhomme
Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704)
Le Mariage forcé : trio grotesque
Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687)
La pastorale comique : « Qu’il est beau qu’il est joli »
Monsieur de Pourceaugnac : « Piglialo su »
George Dandin : la Plainte en musique
Les Amants magnifiques : « Dormez beaux yeux »
Le Bourgeois gentilhomme : Marche pour la cérémonie des Turcs