L’ENFANCE DU CHRIST à Nantes : un concert empreint d’une émotion simple et sincère
© Nicole Bergé
Hervé Niquet insiste bien sur ce point dans son discours introducteur : « L’Enfance du Christ, ce n’est pas de la musique sacrée. C’est tout simplement un conte de Noël ». De fait, le chef aura à cœur, au fil du concert, de mettre en lumière la limpidité de l’écriture berliozienne :
loin de l’image que l’on se fait souvent de la musique de ce compositeur, celle d’une écriture violemment contrastée, aux recherches harmoniques et aux mélodiques surprenantes, la partition de L’Enfance du Christ déploie ce soir un récit linéaire, non dépourvu ici ou là de dramatisme ni d’aspérités, mais dont la caractéristique première serait l’évidence, la simplicité apparente, ou, ce qui revient au même, la science discrète. Le chef, dont la gestuelle est tout à la fois sobre, précise, efficace, est superbement secondé par un Orchestre National des Pays de la Loire remarquable dans sa science des couleurs et le panel de nuances qu’il fait entendre, offrant un écrin de poésie à la partition de Berlioz : bravo aux cordes, capables aussi bien de conférer à la « Marche nocturne » tout l’allant nécessaire, que d’évoquer les soubresauts inquiétants qui accompagnent la « Danse des Devins », de traduire l’angoisse haletante d’Hérode (« Toujours ce rêve… ») ou le caractère désespéré de sa plainte (« Ô misère des rois… ») ; bravo aux trombones pour leur intervention sombre et menaçante dans cette même page ; ou encore aux flûtes et à la harpe pour leur dialogue plein de délicatesse et de fraîcheur dans L’Arrivée à Saïs ! Les chœurs (Chœur de l’ONPL) ne sont pas en reste : tour à tour hiératiques (prédiction des Devins), menaçants (« Par le fer qu’ils périssent ! ») ou pleins de tendresse (L’Adieu des bergers à la Sainte Famille), c’est peut-être dans les moments de pure élégie qu’ils séduisent le plus : les « Hosanna ! » qui concluent la première partie, et surtout les splendides « Amen » par lesquels s’achèvent l’œuvre, qui semblent étirer, arrêter, figer le temps…
L’équipe de chanteurs réunie se met entièrement au service de l’œuvre : pour aucun d’entre eux, il ne s’agit de faire valoir sa voix ou son tempérament dramatique, mais bien plutôt de prendre sobrement sa part dans le récit musical orchestré par Berlioz. Isabelle Druet et Jean-Luc Ballestra incarnent les parents du divin enfant avec tact mais aussi émotion lorsqu’il s’agit d’implorer le secours des inflexibles Romains et Égyptiens. Frédéric Caton (remplaçant Nicolas Courjal) parvient à traduire la double caractéristique d’Hérode, à la fois pitoyable et terrible… Il sera également un Père de famille empreint de bonté dans la troisième partie.
Quant à Mathias Vidal, il incarne un récitant ému et émouvant, émaillant sa partie de raffinements pleins de délicatesse (superbe et très bienvenue utilisation de la voix mixte pour la réplique de Marie : « Voyez ce beau tapis d’herbe douce et fleurie » !), sachant s’effacer et se fondre sobrement dans les chœurs lors de la conclusion de l’ouvrage : « Ô mon âme, pour toi, que reste-t-il à faire… ».
Une soirée suscitant une émotion simple et sincère – à l’image de celle émanant de la musique -, accueillie avec ferveur par un public ravi !
© D.R.
Isabelle Druet, mezzo-soprano
Mathias Vidal, ténor
Jean-Luc Ballestra, baryton
Frédéric Caton, basse
Orchestre National des Pays de la Loire, dir. Hervé Niquet
Chœur de l’Orchestre National des Pays de la Loire, cheffe de chœur : Valérie Fayet
Hector Berlioz, L’Enfance du Christ
Trilogie sacrée sur des paroles d’Hector Berlioz
Nantes, cité des congrès, concert du mercredi 14 décembre 2022