Concert-conférence « L’univers musical de Théodore de Banville (1823-1891) – Il n’y a pas que « L’énamourée »…
On peut toujours compter sur le baryton Jacques-François Loiseleur des Longchamps pour faire découvrir au public des partitions injustement négligées. Cette fois, ce n’est pas en ressuscitant une œuvre ambitieuse ou en proposant un programme thématique qu’il procède, mais en optant pour le principe du concert-conférence, avec la complicité du pianiste Christophe Maynard, le seul à prendre la parole entre deux mélodies.
Partant du principe que beaucoup de compositeurs avaient été inspirés par Théodore de Banville, poète aujourd’hui assez oublié, ils ont opéré une sélection au sein d’une production étonnamment abondante. Le choix a parfois été guidé par certaines contraintes : la Compagnie de l’Oiseleur ne bénéficiant d’aucun soutien financier, il était hors de question d’interpréter des œuvres sur laquelle la SACEM prélève des droits. C’est hélas le cas des mélodies de Reynaldo Hahn ; on n’entendra donc pas « L’énamourée », mais qu’à cela ne tienne, Gounod a mis en musique le même poème, sous le titre « L’âme d’un ange », et c’est cette version qu’ont retenu le chanteur et le pianiste. Bien que décédé en 1950, trois ans après Hahn, Charles Koechlin semble épargné par cette règle, et c’est un régal d’écouter « L’air », qui donne envie de connaître le reste de ses Sept Rondels op. 8. Seule œuvre récente, « Oh ! quand la mort », composée par Emile Naoumoff (né en 1962), qui a généreusement dispensé les interprètes d’avoir à payer quoi que ce soit.
Parmi les compositeurs illustres et morts il y a suffisamment longtemps pour être dans le domaine public, bien d’autres encore ont choisi des textes de Banville : Debussy en a utilisé une quinzaine, dont « Nuits d’étoiles », que l’on entend plus souvent confiée à des sopranos légers ; Saint-Saëns, Messager et Théodore Dubois s’y sont intéressés aussi, ce qui permet de pratiquer le jeu de la comparaison avec trois versions différentes du poème « La Chanson de ma mie ». Pour le reste, les illustres inconnus se bousculent : Jules Cressonnois, Alexis Rostand, Amédée Dutacq, Paul Vidal ou Herman Bemberg…
Après les premiers instants qui nécessitent certains ajustements dans l’acoustique du Temple du Luxembourg, l’équilibre se crée entre la voix et l’instrument, le baryton se chauffe et livre une série de superbes interprétations, où l’on regrettera seulement le choix de quelques mélodies l’obligeant à recourir à la voix de tête pour les notes les plus aiguës.
Non content d’avoir fait découvrir ces belles pages, Jacques-François Loiseleur des Longchamps conclut en annonçant quelques heureuses nouvelles : un temps freinées par la pandémie, les activités de sa compagnie vont reprendre en 2024, avec notamment, dès le 31 janvier, La Conspiration des fleurs de Louis-Albert Bourgault-Ducoudray (Prix de Rome 1862), et au printemps La Tempête d’Alphonse Duvernoy d’après Shakespeare.
Jacques-François Loiseleur des Longchamps, baryton
Christophe Maynard, piano
Œuvres de Charles Gounod, Charles Koechlin, Émile Naoumoff, Claude Debussy, Camille Saint-Saëns, André Messager, Théodore Dubois, Jules Cressonnois, Alexis Rostand, Amédée Dutacq, Paul Vidal, Herman Bemberg.
Concert du samedi 14 octobre 2023, Temple du Luxembourg (Paris)