La Clemenza di Tito au Grand Théâtre de la ville de Luxembourg
Première Loge n’avait encore jamais rendu-compte d’aucun spectacle lyrique programmé dans la capitale du Grand-Duché de Luxembourg. L’oubli est désormais réparé à l’occasion de cette ouverture de saison mais c’est un spectacle extrêmement clivant qui est à l’affiche et qui partage le public. Si la mise en scène de Milo Rau frôle le naufrage, la direction incisive de la Philharmonie luxembourgeoise par Fabio Biondi sauve miraculeusement le spectacle du désastre.
C’est Mozart qu’on assassine
Après avoir lu attentivement les sept pages de notes d’attention reproduites dans le programme de salle et s’être fait violence pour assister jusqu’au bout à la représentation, on est légitimement en droit de se demander si la véritable audace artistique n’aurait pas été, pour Milo Rau, de refuser de mettre en scène La Clemenza di Tito ?
Sociologue, essayiste, metteur en scène et directeur du NTGent, le personnage a indiscutablement du talent, et en premier lieu celui de s’être construit en quelques années la réputation sulfureuse du dramaturge le plus clivant de la scène théâtrale européenne. Qu’il invite des djihadistes repentis à monter sur scène, qu’il reconstitue le procès du dictateur roumain Ceausescu ou qu’il retrace l’affaire Dutroux avec des enfants, Milo Rau se fait des arts de la scène une conception radicale dans laquelle le plaisir du divertissement est systématiquement subordonné à la mise en lumière du réel. Son théâtre n’est pas seulement un miroir brandi à la face de la réalité ; c’est d’abord un laboratoire du changement du monde et le lieu de l’affranchissement de toutes les servilités bourgeoises.
Cette radicalité théâtrale, Milo Rau est allé jusqu’à la théoriser en 2018 dans un texte en dix points intitulé « Le manifeste de Gand » : collégialité du projet artistique, refus catégorique de l’adaptation littérale des œuvres classiques, impératif du plurilinguisme, inclusion systématique d’artistes non professionnels… sont autant de dogmes dont on peut discuter l’utilité mais qui dessinent néanmoins une conception cohérente de l’art dramatique.
Énoncé pour le théâtre (et pour la situation bien particulière d’une scène nationale située dans un pays – la Belgique – tiraillé de longue date par la question linguistique), le manifeste de Gand est-il transposable à l’opéra ? C’est la question qui taraudait probablement le directeur de l’opéra de Genève, Aviel Cahn, lorsqu’il a proposé à Milo Rau de s’essayer à la mise en scène lyrique et de confronter ses dogmes à la partition de La Clémence de Titus. Las, l’épidémie de Covid n’avait pas permis au spectacle de voir le jour sur scène en 2021 et c’est sous la forme d’un streaming diffusé sur le site web du Grand Théâtre de Genève qu’un petit nombre de curieux avaient pu le découvrir.
Deux ans plus tard, la mise en scène de Milo Rau est enfin jouée dans les conditions d’un véritable spectacle vivant et rencontre pour la première fois le public à la faveur d’une série de représentations entamée à l’opéra des Flandres et qui se poursuit à présent à Luxembourg avant d’ouvrir le prochain Festival de Vienne en mai 2024. Si les publics d’Anvers et de Gand semblent l’avoir favorablement accueillie, c’est peu dire que les spectateurs luxembourgeois ont été plus circonspects et qu’ils se sont contentés d’applaudissements polis.
Si le spectacle de Milo Rau ne convainc pas, c’est d’abord parce que le metteur en scène suisse n’aime pas La Clémence de Titus dans laquelle il ne veut voir qu’une œuvre de circonstance, pontifiante et réactionnaire, composée par un Mozart servile à la gloire du despotisme éclairé de Léopold II. Faisant sien le mot de l’impératrice d’Autriche qui l’avait qualifiée de « porcheria tedesca » (cochonnerie allemande), le dramaturge malmène la partition comme un enfant le jouet dont il s’est vite lassé et n’a de cesse d’exprimer le profond dégoût qu’elle lui inspire.
Commencer la représentation par la dernière scène du second acte (Titus accordant son pardon à Sextus) et tailler allégrement dans les récitatifs composés par Süssmayr ne sont pas les plus graves outrages infligés à l’intégrité de cette Clemenza. En revanche, il est plus difficile de pardonner à Milo Rau toutes les digressions et bruits parasites qu’il prétend ajouter ou superposer à la musique de Mozart. Plaquant sur cet opéra les dogmes du manifeste de Gand avec une rigueur d’ayatollah, le metteur en scène entend substituer à l’œuvre, à ses personnages et à ses situations dramatiques, une peinture de la réalité contemporaine et des « vrais gens ». Au début du premier acte, un quidam s’approche ainsi du bord de scène et prend la parole en flamand pour expliquer qu’il se considère comme le dernier des Anversois et partager ses souvenirs d’enfance lorsqu’il a fait de la figuration dans Aida, nu, le corps badigeonné de peinture dorée. Après l’entracte, le spectacle reprend avec un autre témoignage délivré en arabe par une réfugiée syrienne qui a été témoin du meurtre de son amie sur le chemin de l’université. D’un intérêt inégal, ces prises de parole accordées à certains figurants pour témoigner de leur vérité n’apportent pas grand-chose à la compréhension de La Clémence de Titus…
Le dispositif vidéo qui accompagne toute la représentation apparait tout aussi superfétatoire. Acceptable lorsqu’il permet d’apprécier en gros plan l’émotion des visages des solistes ou de certains figurants, il devient anecdotique – voire désagréablement gênant – lorsqu’il est utilisé par Milo Rau pour nous narrer par le menu la biographie des artistes et de certains techniciens employés sur le plateau. Ainsi apprend-on que telle figurante d’origine iranienne a essayé d’intégrer les services genevois de l’ONU avant d’y renoncer parce qu’elle reproche aux Nations Unies d’être trop eurocentrées ; tel autre, d’origine française, est aujourd’hui établi en Belgique mais trouve ce pays « très moche » (sic) ; un autre encore, venu du Congo et installé aujourd’hui à Bruxelles, ne supporte pas de marcher dans les rues de la capitale belge à cause de l’omniprésence des monuments qui rappellent l’ancien passé colonial de la Belgique ; un quatrième enfin saisit l’opportunité de sa participation à La Clémence de Titus pour faire le coming-out de sa bisexualité et nous infliger des aphorismes convenus du genre : « Une ville, ce n’est pas seulement des pierres : c’est d’abord des individus »… Tout ce fatras de vérités intimes et d’opinions individuelles pourrait éventuellement présenter du sens s’il n’était pas projeté en même temps que, sur le plateau, les solistes enchainent leurs arias dans la plus totale indifférence. Au milieu du second acte, le dispositif tourne même au ridicule et provoque dans une partie du public une sorte de malaise : Milo Rau installe au centre de la scène un pied de micro et fait s’y succéder les personnages de Titus, Vitellia et Servilia qui, comme dans un télé crochet, délivrent chacun leur tour des mélodies plus sublimes les unes que les autres et contraignent les spectateurs à choisir entre les écouter ou se concentrer sur les sous-titres des vidéos projetées sur les murs du décor.
Pendant le sextuor final « Tu, è ver, m’assolvi, Augusto », la projection de quelques phrases confirme le peu d’intérêt de Milo Rau pour l’œuvre de Mozart : outre qu’il la juge ennuyeuse, le metteur en scène prédit que la musique de La Clémence de Titus sombrera bientôt dans l’oubli et que les hommes finiront par lui préférer le chant des oiseaux. Avant même que ne résonnent les derniers accords de l’orchestre, des pépiements sont alors diffusés dans la salle qui couvrent la musique et sont comme un camouflet infligé au génie de Mozart. Quand il exècre à ce point un musicien et son œuvre – opinion que Milo Rau est évidemment libre d’exprimer – un dramaturge est-il légitime à les mettre en scène ? Au terme de la représentation, chacun est libre d’en juger.
Dans le chaos d’un spectacle boursoufflé et inutilement provocateur, quelques idées de mise en scène donnent malgré tout un peu de cohérence à la soirée et permettaient même d’envisager, à l’entracte, une heureuse issue pour ce spectacle frappé du sceau de la radicalité. Une fois évacués les cothurnes, les toges et toute référence à l’Antiquité, Milo Rau transpose La Clémence de Titus dans une réalité post-moderne et fait de l’empereur une star mondiale de l’art contemporain, adulée des milieux bourgeois et entourée d’artistes mineurs qui jalousent son talent. Dans ce monde d’apparences et de spéculation artistique, « Kunst ist Macht » (l’Art, c’est le Pouvoir) et Titus a construit le sien sur la mise en scène de la misère du monde qu’il transfigure à travers ses tableaux, ses photos et ses installations. Le spectacle s’ouvre donc au Capitole, une galerie d’art aux immenses cimaises immaculées où, un soir de vernissage, se presse le gratin venu se pâmer devant une photographie de pendus, quelques clichés en noir et blanc et une reconstitution de La Liberté guidant le peuple de Delacroix.
L’inspiration de ces œuvres, Titus va la chercher dans la fréquentation des périphéries urbaines et des bidonvilles où s’entassent marginaux et migrants qui l’adorent. Un monumental décor tournant (bien peu compatible avec le manifeste de Gand…) permet de passer d’un univers à l’autre et suggère la bipolarité de Titus. Pour se donner bonne conscience et asseoir sa popularité, l’artiste subventionne à coups de dons hypermédiatisés le développement des quartiers difficiles mais la violence policière qui y règne et les bavures qui s’y multiplient finissent par provoquer la colère du peuple qui se révolte contre son ancienne idole. Dans le même temps, l’artiste plasticienne Vitellia réussit à embringuer le photographe Sextus dans un projet d’assassinat destiné à les débarrasser de Titus dont la notoriété étouffe le développement de leurs propres carrières. Réchappé de cette tentative de meurtre et soigné par une chamane du bidonville, l’artiste finit par pardonner à ses rivaux et réussit hypocritement à regagner la confiance du peuple en exposant des œuvres qui héroïsent ses souffrances.
La thèse défendue par Milo Rau consiste donc à remettre en cause toute forme d’art engagé et à suspecter systématiquement les artistes de collusion avec le pouvoir et de dissimulation afin de s’attacher les faveurs du peuple pour mieux étouffer chez lui les aspirations révolutionnaires. Si la création de La Clémence de Titus à Prague en 1791 – deux ans après le début de la Révolution française – peut éventuellement se lire à la lumière de cette thèse, il est absolument impossible de suivre Rau dans ses élucubrations lorsqu’il dénie à David peignant la mort de Marat, à Delacroix exaltant les combattants de 1830 ou à Pellizza da Volpedo glorifiant les ouvriers italiens en grève, la sincérité de leur engagement du côté des grandes luttes sociales du XIXème siècle.
En plaquant sur La Clémence de Titus les malheurs du monde, en accueillant des migrants parmi les figurants de son spectacle, en les plaçant dans la lumière et en suggérant – à tort ou à raison – que leurs paroles ont aujourd’hui plus à nous dire que la musique de Mozart, Milo Rau tombe précisément dans le travers qu’il prétend dénoncer et entretient sa notoriété d’artiste polémique en instrumentalisant la détresse et la misère. S’il a la lucidité de considérer qu’il fait désormais partie de l’establishment artistique bourgeois, le dramaturge suisse devrait réaliser l’immoralité de son propos. Dans le cas contraire, sa mise en scène de La Clémence de Titus est l’expression d’une hubris pathologique. Les deux hypothèses font de ce spectacle un objet lyrique boursoufflé et, pour tout dire, sans grand intérêt.
Pour sauver du désastre cette soirée luxembourgeoise, il fallait dans la fosse et sur le plateau un ensemble de musiciens qui ont Mozart chevillé au cœur et dont la modeste ambition est de simplement servir la musique ; Dieu merci, ces artistes étaient bien au rendez-vous de cette ouverture de saison lyrique.
Fondateur en 1990 de l’ensemble Europa Galante, Fabio Biondi respire la musique du XVIIIe siècle et connait son Mozart sur le bout des doigts, presque aussi bien que Vivaldi qu’il a si longtemps servi avec le talent que l’on sait. Dès les premiers accords de l’ouverture (retardée pour cause de bricolage de la partition par la mise en scène), il parait incontestable qu’un grand chef a pris les commandes de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg et qu’il entend mener à bon port cette exécution de la Clemenza di Tito. Alerte sans être trop précipitée, la battue du Maestro sicilien permet à la mélodie mozartienne de se déployer avec un naturel qui remise au placard certaines interprétations marmoréennes de cet ultime avatar du grand opera seria. Pour cela, le chef sait pouvoir compter sur des pupitres plus affûtés les uns que les autres : les cordes luxembourgeoises ont la douceur du velours et les bois sont tous d’une rigueur millimétrée (et Dieu sait que la clarinette et le cor de basset sont essentiels à l’ornementation de certaines arias) mais ce sont surtout les percussions qui impressionnent par leur sonorité martiale et la rondeur des roulements de timbale qui accompagnent les scènes de foule. Attentif aux chanteurs, Fabio Biondi veille constamment au bon équilibre sonore entre fosse et plateaux, y compris lorsque les bruits parasites de la mise en scène créent un certain inconfort autour des solistes.
Succédant à Bernard Richter qui avait assuré la création du spectacle à Genève en 2021, Jeremy Ovenden se met corps et voix au service de son personnage d’artiste cynique et grisé par le succès. Avec beaucoup de second degré, il assume un costume improbable composé d’un t-shirt défraichi, d’un sarong grisâtre et de savates éculées qui, sans jamais le faire paraitre ridicule, lui confère néanmoins une allure de dandy totalement perché. Si la prestation hallucinée de l’acteur est impressionnante (la première partie du second acte, chez la chamane, est bouleversante d’intensité), la performance vocale ne l’est pas moins et le ténor britannique trouve en Titus un personnage qui convient idéalement à ses moyens. D’une projection qui reste somme toute limitée, le bronze doré du timbre sied bien au personnage de l’empereur et, surtout, l’agilité vocale lui permet de respecter scrupuleusement l’écriture mozartienne et d’en épouser la moindre inflexion. Dans sa première aria « Del più sublime soglio » Jeremy Ovenden suggère sans pathos excessif la difficulté de l’isolement auquel conduit invariablement le succès tandis que le timbre se fait plus autoritaire au second acte dans « Se all’impero, amici Dei ». Mais c’est surtout dans le tableau final, lorsqu’il manifeste sa clémence puis qu’il joint sa voix à celles du chœur, que le chanteur parait le plus sincère : libéré du poids d’un spectacle particulièrement lourd à assumer, il peut enfin s’abandonner au plaisir pur du chant et confirme une parfaite adéquation avec ce rôle.
Reprenant le rôle travesti de Sextus qu’elle avait déjà endossé dans le streaming genevois, Anna Goryachova compose un personnage à peine entré dans l’âge adulte, fasciné par le talent de son maître Titus et pressé de vivre avec Vitellia une première passion amoureuse. La silhouette androgyne vêtue d’un sweat à capuche est parfaitement crédible mais c’est surtout par la voix que la mezzo originaire de Saint-Pétersbourg réussit à donner chair à Sextus. Dans le très attendu « Parto, parto, ma tu, ben mio », son timbre fruité dialogue suavement avec la clarinette tout en étant capable d’aigus sonores et tranchants mais c’est dans la scène de l’incendie du Capitole et le rondo « Deh per questo istante solo » que ses qualités d’interprétation sont les mieux mises en valeur.
Tombée malade pendant les répétitions du spectacle, Anna Malesza-Kutny fait savoir par une annonce qu’elle a néanmoins décidé d’assurer la représentation. De fait, les premières répliques du personnage de Vitellia sont chantées avec prudence d’une voix qui peine à jaillir du gosier et à remplir le volume de la cage de scène. Par chance, c’est un duetto, « Come ti piace, imponi », qui ouvre le premier acte et la soprano polonaise prend progressivement confiance en ses moyens jusqu’à délivrer en fin de spectacle un rondo « Non più di fiori vaghe catene » habité et vocalement très abouti malgré le dispositif vidéo qui détourne une partie de l’attention du public à cet instant de la représentation. À qui voulait bien l’écouter, la chanteuse s’est brillamment tirée du dialogue avec le cor de basset et a donné à entendre un timbre homogène sur toute la tessiture et un trille vaillant. Dramatiquement, la Vitellia d’Anna Malesza-Kutny n’a rien d’une comploteuse d’antichambre cornélienne : elle est d’abord une artiste en mal de reconnaissance et une femme à qui son Art ne laisse guère le temps de s’abandonner aux feux de la passion.
Maria Warenberg est l’excellente surprise de cette distribution. Alors que le personnage d’Annio manque singulièrement d’épaisseur dans le vieux livret de Métastase déjà mis en musique près d’une quarantaine de fois avant que Mozart ne s’en empare, la jeune mezzo originaire de Dresde et formé à l’opéra d’Amsterdam lui donne une vie propre grâce à un timbre fruité et à une déjà solide connaissance des techniques du chant mozartien. Chacune de ses deux arias « Torna di Tito a lato » et « Tu fosti tradito » est chantée avec un juste engagement dramatique et un sens des nuances éprouvé. Voilà une jeune chanteuse qu’on aura plaisir à retrouver rapidement dans des personnages plus exposés.
Dans les rôles de Servilia et Publio, Sarah Yang et Eugene Richards III se fondent dans le dispositif scénique imaginé pour eux par Milo Rau et délivrent d’honnêtes performances vocales. Originaire de Corée du Sud, la première dispose d’un agréable soprano léger qu’il lui faudra muscler encore pour aborder des rôles plus conséquents tandis que le second, jeune baryton américain détourné de ses études sportives par la soprano wagnérienne Luana DeVol, assume crânement un timbre sombre et sonore qui donne diablement envie de le réentendre dans les personnages de Wotan et Escamillo qu’il a déjà assumés sur scène aux Etats-Unis.
Après leur participation aux représentations d’Anvers et de Gand, les artistes du Choeur de l’Opera Ballet Vlaanderen démontrent dans chacune de leurs interventions une évidente familiarité avec la prosodie mozartienne. La précision de leurs démarrages avec l’orchestre témoigne aussi du travail méticuleux réalisé en peu de temps avec le Maestro Biondi : musiciens luxembourgeois et choristes flamands semblent avoir toujours collaboré.
Vidée d’une partie de ses spectateurs qui ne sont pas revenus au terme de l’entracte, la salle du Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg réserve malgré tout aux artistes de cette représentation des applaudissements nourris, en particulier pour le chef Fabio Biondi et les musiciens de l’orchestre. Pour juger de la réception des partis pris scéniques, il aurait fallu que Milo Rau soit présent et vienne saluer mais ni lui ni aucun membre de l’équipe artistique n’était présent pour cette reprise luxembourgeoise. De nombreuses conversations entendues dans les galeries du théâtre donnent néanmoins à penser que c’est l’agacement et la perplexité qui prédominaient chez de nombreux spectateurs.
En plein débat sur les excès du Regietheater et l’opportunité du retour à une certaine tradition, on ne peut que s’interroger sur ce que Milo Rau aurait pensé des toiles peintes de la récente Carmen rouennaise et s’il a lu la tribune d’Emiliano Gonzalez Toro parue en septembre dans la presse helvétique. S’il existe incontestablement une voie médiane entre la muséification de l’opéra et son dévoiement au service de l’égo narcissique de certains metteurs en scène, une certitude demeure : le public est en droit d’exiger de chaque spectacle qu’il traite la musique avec respect. À l’aune de cette exigence, la Clemenza di Tito de Milo Rau ne mérite pas davantage qu’une indifférence polie.
Tito : Jeremy Ovenden
Vitellia : Anna Malesza-Kutny
Sesto : Anna Goryachova
Annio : Maria Warenberg
Servilia : Sarah Yang
Publio : Eugene Richards III
Orchestre Philharmonique du Luxembourg et Opera Ballet Vlaanderen , dir. Fabio Biondi
Mise en scène : Milo Rau
Scénographie : Anton Lukas
Costumes : Ottavia Castellotti
Lumières : Jürgen Kolb
Vidéo : Moritz von Dungern
Dramaturgie : Clara Pons
La Clemenza di Tito
Opera seria en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Caterino Mazzolà d’après Métastase et La Vie des douze Césars de Suétone, créé le 6 septembre 1791 au Théâtre des États de Prague.
Grand Théâtre de la ville de Luxembourg, représentation du mardi 24 octobre 2023.
1 commentaire
À qui la faute ? Pas aux metteurs en scène mais aux directeurs artistiques qui l’engagent. A quand un article sur ce sujet tabou ? Ce sont eux les seuls responsables de la débâcle qui subissent les théâtres depuis belle lurette.