C’est une histoire de sardines mais pas celle qui, selon la légende, aurait bouché le Vieux-Port ! Quoique… L’intrigue dans laquelle s’engagent les Pescadous Ouh, Ouh ! est tellement abracadabrante que l’on pourrait croire à cette affaire de sardine marseillaise.
Cette opérette signée Vincent Scotto, créée en 1935 (à Lyon, quelle galéjade !), est une compilation de tubes tous plus connus les uns que les autres car repris par les plus grands chanteurs à succès pendant des décennies. Qui se souvient que « Le plus beau tango du monde » est tiré de cette opérette ? De même que « Un petit cabanon » ? Ou encore les fameux « Pescadous » ? Sans parler bien sûr de la célébrissime « Canebière ».
Le public est tout d’abord accueilli dans le hall par des hommes-sandwichs transformés en boîtes à sardines : le ton est donné. La salle est pleine, comme chaque fois que cet ouvrage est donné à Marseille où il fait véritablement partie intégrante du répertoire et des murs du théâtre. Dans une mise en scène enlevée qui utilise les travées du public pour immerger celui-ci dans l’action, cette production fait la part belle aux lazzis et fait appel à l’imaginaire et la culture collectifs des Marseillais, n’hésitant pas à jouer « avé l’accent, peuchère ! ».
L’orchestre de l’Odéon est placé sous la baguette dynamique de Didier Benetti, et Simone Burles signe la mise en scène et campe une Margot désopilante qui entraîne ses deux complices Francine, incarnée par Caroline Géa et Malou, jouée par Priscilla Beyrand, dans son délire de vengeance pour punir les pescadous de leurs mensonges. L’intrigue tient à la fois du vaudeville et de la tragédie cornélienne : Pénible aime Margot qui aime Girelle qui aime Malou, également aimée par Bienaimé des Accoules. Marie est mariée à Charlot mais aime Toinet qui est son amant mais est amoureux de Francine ! Feydeau et Corneille n’ont qu’à bien se tenir ! Mais tout finira bien et chacun trouvera sa chacune.
Grégory Benchenafi, très à l’aise dans le rôle principal de Toinet, enchaîne les airs, duos et trios et charme l’assistance tant vocalement avec une voix placée, de beaux aigus et une diction parfaite, que par son jeu de scène précis ou ses prestations chorégraphiques. Sa première intervention chantée est le fameux trio des Pescadous interprété avec Claude Deschamps (Girelle) et Jean-Claude Calon (Pénible), tous deux aguerris et habitués des rôles bouffes. Le trio interprétera également la Cane Cane Cane Canebière, reprise par toute la troupe lors du final.
Le duo Toinet/Francine (Grégory Benchenafi et Caroline Géa), quant à lui, est servi par deux belles pages musicales : « Le plus beau tango du monde » au premier acte et « Un petit cabanon » au second. Le premier duo charme d’emblée les spectateurs malgré la dernière note légèrement basse de la soprano. Le second est chanté depuis la salle, au milieu du public, renforçant la complicité avec celui-ci.
Dans ce type de spectacle il y a de nombreux rôles parlés qui ajoutent du piment à l’intrigue comme le couple Marie/Charlot, servis par Estelle Danière et Yves Coudray, excellents comédiens tous deux, ou encore Antoine Bonelli (Bienaimé des Accoules), Fabrice Todaro (Garopouloff), Jean Goltier (le groom et le maître d’hôtel) et Anne-Gaëlle Peyro (Tante Clarisse de Barbentane) qui assurent la qualité de la représentation. Chaque rôle est juste et rythmé.
Dans la grande tradition des opérettes, on retrouve des intermèdes dansés par le ballet de l’Odéon, six danseuses et danseurs expérimentés accompagnent avec talents plusieurs scènes.
Le public, enthousiaste, quitte la salle et se retrouve sur la Canebière (le théâtre est situé au numéro 162 de la célèbre avenue) en fredonnant la chanson à sa gloire.
Francine : Caroline Géa
Malou : Priscilla Beyrand
Margot : Simone Burles
Marie : Estelle Danière
Tante Clarisse de Barbentane : Anne-Gaëlle Peyro
Toinet : Grégory Benchenafi
Girelle : Claude Deschamps
Pénible : Jean-Claude Calon
Bienaimé des Accoules : Antoine Bonelli
Garopouloff : Fabrice Todaro
Charlot : Yves Coudray
Le Groom/Le Maître d’Hôtel : Jean Goltier
Orchestre et ballet de l’Odéon, dir. Didier Benetti
Mise en scène : Simone Burles
Ballet de l’Odéon
Chorégraphie : Maud Boissière
Un de la Canebière
Opérette en 2 actes et 10 tableaux de Vincent Scotto, livret de Alibert, Raymond Vincy et René Sarvil, créée en 1935.
Marseille, Théâtre de L’Odéon, représentation du samedi 18 novembre 2023.