L’avant-veille des Victoires de la Musique à Montpellier, le concert des Jeunes talents de l’Académie Jaroussky tient ses promesses, à l’instar des éditions précédentes. Dans le décor fin-de-siècle de la salle Molière (Opéra Comédie), deux chanteurs et trois instrumentistes déroulent un séduisant programme, de Mendelssohn à Poulenc. Grand succès auprès du public de tout âge !
Présentées au fur et à mesure par le pianiste, les œuvres sélectionnées couvrent un siècle de musique, depuis le Romantisme franco-allemand jusqu’à la Belle Epoque. Le fil conducteur semble la présence réelle et symbolique du violon. Ainsi, la mélodie Violons dans le soir de Saint-Saëns est d’un romantisme chaleureux sous l’archet inspiré du virtuose Toma BERVETSKY, en dialogue de la soprano Julie GOUSSOT. Son timbre est d’une généreuse sensualité, actionnant la technique des résonateurs pour faire miroiter les nuances au gré des registres (juste surveiller la stabilité lors de tenues en crescendo). Autre facette du talent de la soprano, la mélodie Violon de Francis Poulenc assume l’espièglerie canaille des vers de Louise de Vilmorin (cycle des Fiançailles pour rire). Dans le duo du lied In der Nacht de Robert Schumann, le baryton Baptiste BONFANTE joue à égalité avec sa partenaire dans sa conduite attentive du legato romantique. En revanche, le frémissement de la vie est peu perceptible dans le cycle fauréen Horizon chimérique de Gabriel Fauré, d’autant que le pianiste Joseph BIRNBAUM n’est pas suffisamment « alchimiste » pour restituer les harmonies du clavier. En revanche, le jeu pianistique conquiert le premier plan dans le Trio pour piano op. 49 en ré mineur de F. Mendelssohn, auprès d’acolytes cordes pleinement investis dans l’acoustique favorable de la salle Molière.
Toutefois, outre la soprano Julie Goussot, le jeune talent qui émerge de ce récital est le violoncelliste Krzysztof MICHALSKI. Il collectionne les qualités : excellent instrumentiste (les démanchés, l’archet léger, la mobilité des nuances), interprète imaginatif dans les bohémiennes Zigeunerweisen de Sarasate (ici transcrites pour violoncelle). C’est également le partenaire idéal de la chanteuse dans le lied Gestillte Sehnsucht op. 91 (l’alto est transcrit pour le violoncelle). Cette poésie Désir apaisé de Rückert y plane avec la langueur du dormeur qui sied à l’émotion brahmsienne. L’occasion de dévoiler une dernière facette de la chanteuse : son exploration d’une voix charnue … de contralto !
Au vu du succès public, les cinq académiciens se regroupent pour entonner la valse caressante « Heure exquise » de l’opérette de Franz Lehar (La Veuve joyeuse), mais hélas sans esquisser un jeu scénique. Surprenant de la part de jeunes interprètes !
Julie GOUSSOT, soprano
Baptiste BONFANTE, baryton
Toma BERVETSKY, violon
Krzysztof MICHALSKI, violoncelle
Joseph BIRNBAUM, piano
- Sarasate, Zigeunerweisen (transcr. pour cello et piano)
- Fauré, L’Horizon chimérique
- Saint-Saëns, Violons dans le soir ; Introduction et Rondo Capriccioso
- Poulenc, Violon; Colloque; Montparnasse ; Hyde Park –
- Mendelssohn , Trio pour piano en ré m (1er mouvement)
- Schubert Der Wanderer (lied)
- Schumann, In der Nacht (lied à 2 voix)
- Brahms, Gestillte Sensucht (lied pour soprano, transcrit avec cello et piano)
Bis : Franz Lehar, La Veuve joyeuse