Cosi fan tutte, TCE, 24 septembre 2024
Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre retrouvent le chef-d’œuvre mozartien pour une soirée unique dans une séduisante version de concert portée par une pétillante distribution.
Après avoir présenté une trilogie Mozart – Da Ponte en version scénique dans la mise en scène d’Ivan Alexandre à Bordeaux, reprise ensuite en tournée, Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre retrouvent la scène du Théâtre des Champs-Elysées pour une représentation unique de Così fan tutte de Mozart en version de concert, et qui inaugure le nouveau dispositif acoustique mis en place en remplacement de la conque en place depuis 2005.
Le public retrouve ce soir l’équipe artistique de la version scénique au quasi-complet (à l’exception de Leon Košavić qui remplace Florian Sempey). La partition connue par cœur par chacun ouvre la voie à une légère mise en espace. Les chanteurs investissent le plateau du bord au fond de scène, interagissent avec les musiciens et le chef avec parcimonie, etc. L’ensemble se réduit aux besoins de l’intrigue, et cela fonctionne très bien. Stimulés par l’expérience de la production scénique passée, les chanteurs se fondent avec beaucoup de naturel dans cet espace restreint pour offrir un jeu scénique généreux qui en ferait presque oublier qu’il s’agit ici d’une version de concert.
L’équipe artistique n’a pas perdu de son éclat depuis la version scénique. Les protagonistes sont campés avec beaucoup de vitalité par des chanteurs à l’engagement exemplaire, qui révèlent toute la grâce légère de l’œuvre de Mozart. Sur le plan vocal, ce rodage est pleinement perceptible dans les passages en duo, trio, quatuor et plus, où la précision du chant ensemble est d’un méticuleux très apprécié.
La soprano Ana Maria Labin incarne une Fiordiligi sincère, au timbre argenté, incarnant d’un aigu comme d’un grave la complexité des dilemmes qui agitent son personnage (le “Per pietà” d’une grâce presque dévote). À ses côtés, la mezzo-soprano américaine Angela Brower est tout simplement idoine en Dorabella, traduisant les sentiments les plus brusques depuis l’impératif de fidélité à la coquetterie la plus assumée. Le jeu théâtral est très réussi, avec un sens comique indubitable. Sa comparse Miriam Albano cultive ce trait à fond dans le rôle de Despina, poussant les traits humoristiques dans le jeu et la voix jusqu’à la caricature. On relèvera une voix mordante et bien articulée, aux aigus sûrs et clairs et à la légèreté de timbre qui est bien adapté à son esprit badin, avant de se travestir au gré de ses personnages.
Chez les hommes, Alexandre Duhamel est un Don Alfonso malicieux et ambivalent, avec une présence ni trop assumée, ni trop effacée, participant au bon déroulé de l’intrigue. À cette présence scénique appréciée s’associe une voix au timbre chaleureux et confiante dans le médium. On n’oubliera pas le duo Leon Košavić et James Ley dans les rôles de Guglielmo et de Ferrando, compagnons d’infortune à la complicité d’un naturel très réussi. Les deux protagonistes incarnent leur rôle d’une même verve intense, portée par des voix bien projetées, le premier d’une voix de baryton chantant et souple, le second d’une voix de ténor au timbre clair, fier et conquérant.
Il faut saluer des Musiciens du Louvre en pleine forme ce soir sous la direction de Marc Minkowski, la partition portée avec beaucoup de caractère et d’énergie. Sans oublier le contraste avec un accompagnement soigné au pianoforte pour les récitatifs. Le Choeur, en effectif réduit, est juste de ton mais se fait plus discret.
Les artistes sont chaleureusement applaudis par un public enthousiaste.
Fiordiligi : Ana Maria Labin
Dorabella : Angela Brower
Ferrando : James Ley
Guglielmo : Leon Košavić
Despina : Miriam Albano
Don Alfonso : Alexandre Duhamel
Chœur et orchestre Les Musiciens du Louvre, dir. Marc Minkowski
Così fan tutte
Opera buffa en deux actes en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Lorenzo Da Ponte, créé au Burgtheater de Vienne le 26 janvier 1790.
Paris, Théâtre des Champs-Élysées, concert du mardi 24 septembre 2024.