Le Docteur Miracle de Charles Lecocq au Studio Marigny
Photos : Copyright Julien Benhamou
Le Docteur Miracle de Bizet fait parfois l’objet de reprises et est donc (assez) bien connu, d’autant que l’œuvre est également disponible en CD (C. Eda-Pierre, R. Massard, R. Corazza, dir. B. Amaducci, Opera d’Oro ; ou M.B. Souquet, I. Druet, J. Billy, P.Y. Pruvot, dir. S. Jean, Timpani). La version de Charles Lecocq est beaucoup moins célèbre, bien que le compositeur ait partagé avec Bizet le premier prix du concours d’opérettes organisé par Offenbach en 1856.
C’est très injuste : certes, l’inspiration mélodique est parfois un peu courte, et le compositeur charmera son public par des airs plus immédiatement séduisants dans Giroflé-Girofla (1862), Fleur-de-thé (1868), Les Cent Vierges (1872), Le Petit Duc (1878), Le Cœur et la main (1882), ou bien sûr La Fille de Madame Angot (1872). Mais la partition est, dans son ensemble, vraiment de qualité, le musicien faisant notamment preuve d’un réel talent dans la construction des ensembles (le trio qui ouvre l’œuvre, l’ensemble – hilarant – de l’omelette, le finale) et dans la composition de pages capables de proposer un équivalent musical à l’humour souvent désopilant du livret de Ludovic Halévy et Léon Battu.
Mais s’il faut absolument aller voir ce Docteur Miracle, c’est avant tout pour la qualité du spectacle offert par Bru Zane France, l’Opéra de Tours et celui de Saint-Étienne qui le coproduisent. Pas d’orchestre pour ces représentations mais un piano vif, coloré, et subtil, tenu par l’excellent Martin Surot.
Les chanteurs rassemblés ont les moyens vocaux propres à défendre ce répertoire : clarté de la diction (une qualité absolument indispensable pour rendre justice à l’humour du livret), musicalité, bagage technique suffisant. Le rôle de Laurette, notamment, est un peu plus exposé que les autres : Makeda Monnet se sort très bien des vocalises ou aigus dont son rôle est parsemé, et elle fait un louable effort pour nuancer sa ligne de chant.
Laura Neumann est irrésistible en Véronique, femme lassée de son mari, dévorée par sa libido et plus ou moins jalouse de sa belle-fille. La voix est clairement projetée et un soupçon de gouaille lié à une excellente prononciation font de son « Ni vu, ni connu » un moment très drôle. La voix légère de David Ghilardi est conduite avec élégance dans le beau duo « Viens, suis-moi, là-bas est le bonheur », mais l’interprète brille aussi par des talents de comédien exceptionnels. Son numéro de domestique idiot est absolument irrésistible.
Enfin, Laurent Deleuil, en Podestat, fait valoir un très beau timbre, un phrasé soigné et, là encore, une prononciation parfaitement claire. La prosopopée dans laquelle il donne la parole à son omelette sur le mode héroï-comique (« Je suis ton déjeuner fidèle, viens, je t’attends, viens je t’appelle ! » – l’Orphée de Gluck n’est pas loin : « C’est ton époux fidèle, / Entends ma voix qui t’appelle ! ») est un modèle d’interprétation musicale humoristique.
Tous ces artistes se démènent comme des beaux diables une heure durant, incroyablement impliqués dans cette petite œuvre charmante à laquelle ils communiquent une énergie contagieuse, grâce à Pierre Lebon qui non seulement joue l’assistant du Docteur Miracle mais signe également une mise en scène survoltée et pleine d’humour. En témoignent les rires incessants du public et l’accueil enthousiaste que celui-ci réserve à tous les artistes à la fin du spectacle.
Il reste encore deux représentations : samedi 28 et dimanche 29 septembre. À ne pas rater !
Le Podestat : Laurent Deleuil
Le Capitaine Sivio : David Ghilardi
Véronique : Laura Neumann
Laurette : Makeda Monnet
Assistant du Docteur
Miracle : Pierre Lebon
Piano: Martin Surot
Mise en scène : Pierre Lebon
Studio Marigny, représentation du vendredi 27 septembre 2019