Pour l’avoir vu passer sur Twitter ou Facebook, le nom de Grégoire Ichou ne nous était pas totalement inconnu, mais le principe des « visites chantées » auquel il est associé ne manquait de susciter des interrogations. Comment pouvait bien se dérouler ces parcours à travers musées et monuments ? S’agissait-il de concerts itinérants donnés devant des toiles de maître ? Et tout à coup, grâce à une invitation à une visite du Panthéon, les arcanes de ce rituel allaient nous être révélés.
Donc, ce mardi 8 septembre, les invités commençaient à se rassembler devant les grilles de l’édifice dédié à toutes les gloires de la France. Dûment masqués, après un rinçage des mains au gel hydroalcoolique, nous pûmes pénétrer dans le temple. Quand sonna 19h30, une musique d’orgue se fit entendre et, du fond de l’église bâtie sur les plans de Soufflot, apparut la silhouette du susdit Grégoire Ichou. Lorsqu’il eut rejoint le groupe des visiteurs, il se mit à chanter, d’une voix de ténor léger mais bien timbrée, ce qui allait se révéler être un extrait de l’Hymne au Panthéon composé en 1794 par Cherubini.
En effet, le chanteur se double d’un guide-conférencier, et la visite ressemble plus à un opéra-comique qu’à un opéra puisque le parlé y tient également une place non négligeable. Grâce à cette double casquette, Grégoire Ichou est à même de tenir sur le site un discours érudit, où les considérations et anecdotes sur les peintures de quelques-uns des meilleurs peintres académiques de la Troisième République (dont les chefs-d’œuvre inspirés à Puvis de Chavannes et à Jean-Paul Laurens par les épisodes de la vie de sainte Geneviève) sont rejointes par des musiques auxquelles les unit un lien historique réel. On saluera particulièrement le soin mis à trouver des partitions qui sont le plus souvent d’authentiques raretés, mais qui coïncident parfaitement avec les toiles marouflées – ce ne sont pas des fresques, contrairement à ce qu’on pourrait croire – de Jules-Elie Delaunay ou de Joseph Blanc. Qui peut se vanter d’avoir entendu cette Sainte Geneviève de Paris créée en 1893 au Cabaret du Chat Noir ? ou le drame lyrique Jeanne d’Arc de Charles Lenepveu (1886), dont un extrait est justement chanté devant les scènes de la vie de la Pucelle peintes par Jules Lenepveu (aucun lien de parenté), à qui l’on doit le vrai plafond de l’Opéra Garnier ?
Le parcours inclut aussi une visite de la crypte, où trois des soixante-dix-huit personnalités y reposant seront honorées par un chant, notamment Marie Curie pour laquelle Grégoire Ichou interprète une des rares Huit Chansons polonaises harmonisées par Poulenc l’année même de la mort de la titulaire de deux Prix Nobel, et s’arrête même devant la sculpture de Paul Landowski, le monument aux Artistes dont le nom s’est perdu, prétexte à chanter une mélodie de son fils Marcel, « Trois révérences à la mort ». Cette œuvre de 1946 est la plus récente d’un programme qui inclut aussi plusieurs compositions de la toute fin du XVIIIe siècle, époque où l’église devint panthéon. Les accompagnements préenregistrés respectent cette diversité, en recourant au pianoforte, à l’orgue ou au piano.
Le répertoire fort bien servi par la diction finement ciselée et la voix vibrante de Grégoire Ichou ne dédaigne pas non plus la chanson, et l’on retiendra en particulier deux titres assez croquignolets, « Les Gaulois » (1909), dû à Gustave Goublier, dont on connaît mieux le fils, compositeur d’opérettes, ou « La Marianne » (1919) d’Eugène Rosi, où l’injonction « Verse-moi du pinard » est délicatement adressée à l’emblème de la France…
On recommande donc sans aucune réserve ces visites, qui accompagnent aussi parfois les expositions proposées par la Réunion des Musées Nationaux.