Crédits photos : captures d’écran
Pour les fêtes de fin d’année, Marc Minkowski et l’orchestre symphonique de Mulhouse ont proposé un réjouissant concert intitulé Offenbach thérapie, toujours disponible en streaming. Puisque la pandémie sévit toujours, la poursuite du traitement s’impose…
Le metteur en scène Romain Gilbert relie entre elles des pages extraites d’œuvres on ne peut plus différentes les unes des autres pour former une trame narrative très simple : un couple se forme, s’aime de façon « romantique » (dîner aux chandelles entrecoupé de bisous), sombre progressivement dans un prosaïsme désolant (les pizzas surgelées remplacent le dîner en amoureux…) ; les amoureux finissent par s’éloigner l’un de l’autre (sous l’œil vigilant et contrarié de l’Opinion publique), avant de se retrouver. C’est simple, cohérent, fluide, drôle, sans excès ni vulgarité, toujours en phase avec la musique.
Les pages retenues appartiennent à des œuvres que Minkowski aime (cela se voit et s’entend !) et défend depuis longtemps puisqu’il les a déjà toutes dirigées sur scène, à l’exception du Voyage dans la lune, dont il a cependant déjà gravé le ballet des Flocons de neige dans son très beau CD Offenbach romantique, paru en 2006 chez Archiv Production.
À la tête d’un orchestre symphonique de Mulhouse dynamisé, capable de tout l’entrain requis par l’irrésistible ballet des flocons de neige de ce Voyage dans la lune, mais aussi des indispensables parenthèses pleines de finesse
et de poésie qui donnent à cette musique toute sa respiration (la Barcarolle des Contes d’Hoffmann, la Ballade à la lune de Fantasio, le duo du rêve de La Belle Hélène), Minkowski démontre une nouvelle fois son amour pour la musique d’Offenbach qu’il dirige avec gourmandise et un plaisir communicatif.
On connaît les affinités d’Antoinette Dennefeld avec Offenbach depuis, entre autres, ses participations au Roi Carotte mis en scène par Laurent Pelly à Lyon, et aux réjouissantes Folies d’Offenbach données au Festival Folies d’O (Montpellier, 2019). Après un « Dites-lui » de La Grande-Duchesse un peu hasardeux (la voix
bouge et semble manquer de soutien), on retrouve avec plaisir ses qualités de diction et son beau timbre de mezzo dans la ballade de Fantasio et le second air d’Hélène.
Jolie Devos, tout auréolée du beau succès remporté par son CD Offenbach colorature paru chez Alpha (2019), campe une Eurydice espiègle, au timbre plus rond et moins acidulé que celui des interprètes habituellement distribuées dans ce rôle, et suggère avec aplomb et humour la « nervosité » de la « lunatique » princesse Fantasia (« Je suis nerveuse »).
Mathias Vidal a bien des atouts pour emplir de nombreux emplois de ténor offenbachien : fraîcheur du timbre, grande clarté de la diction, humour et autodérision. Son duo d’amour de La Belle Hélène (avec de très beaux aigus en voix mixte), et surtout son air de Piquillo, où il parvient à trouver le subtil équilibre entre rire et larmes, sont de très belles réussites.
Après son Orphée aixois, son Barbe-Bleue angevin et – il y a quelque temps déjà – son Piquillo dijonnais, espérons que les directeurs d’opéras penseront à lui pour d’autres rôles offenbachiens, et croisons les doigts pour que La Fille de madame Angot programmée en juin au théâtre des Champs-Élysées puisse avoir lieu : il devrait être un formidable Pomponnet !
Jodie Devos soprano
Antoinette Dennefeld mezzo-soprano
Mathias Vidal ténor
Orchestre symphonique de Mulhouse, dir. Marc Minkowski
Mise en scène Romain Gilbert
Offenbach Thérapie
Extraits d’Orphée aux Enfers, La Grande-Duchesse de Gérolstein, Fantasio, Le Voyage dans la lune, La Belle Hélène, Les Contes d’Hoffmann, la Périchole.
Enregistré à Mulhouse en décembre 2020.