Crédits photos : © Alessia Santambrogio
Dirigé par Marc Leroy-Calatayud, l’Elixir d’Amour de Donizetti est donné dans une version française d’Henri Tresbel à destination du jeune public au Théâtre des Champs-Elysées. Il sera diffusé sur la plateforme éducative de France Télévision « Lumni » à partir du début du mois de mars, si ce n’est un peu avant. Grâce au travail d’artiste du metteur en scène Manuel Renga et du scénographe Aurelio Colombo, chaque scène est à la fois un divertissement et un tableau. Les spectateurs sont plongés dans un univers doux et sucré qui n’est pas sans rappeler celui de Charlie et la chocolaterie de Roald Dahl. Le spectacle fera l’objet d’un DVD qui sera commercialisé dans le cours de l’année.
À plusieurs reprises au cours de l’opéra bouffe, le chef d’orchestre se tourne, face caméra, pour diriger les parties que le public est invité à chanter : tel est le concept de l’opéra participatif. La visée du spectacle est donc clairement pédagogique, elle relève de l’otium, du loisir studieux. En effet, par le biais du chant et de la distraction créée par les rebondissements de l’intrigue, l’élève s’instruit et prend connaissance d’un chef-d’œuvre de Donizetti. Par ailleurs, l’image élitiste et poussiéreuse de l’opéra est balayée dans cette mise en scène théâtrale et dynamique que l’on regarde, à l’instar d’un vaudeville, le sourire aux lèvres. Alternant des passages chantés et parlés, il est remarquable de constater que les paroles de chaque personnage sont perçues distinctement par l’auditoire, dès lors, il n’est pas besoin de sous-titres pour suivre cette captivante et rocambolesque histoire d’amour, dans laquelle le comique se déploie avec légèreté et naturel.
Le rôle d’Adina est interprété admirablement par Norma Nahoum, sa voix de soprano léger est claire et juste. Elle ne semble pas contrainte lorsqu’elle s’élance. Ni les circonvolutions de notes de la partition, ni l’exigence d’articulation ne représentent un obstacle vocal, au contraire, c’est avec une étonnante facilité que Norma Nahoum réalise et incarne son rôle. Ses vocalises semblent voltiger avec légèreté dans les airs, et évoquent avec douceur la frivolité du personnage. Nemorino est son amoureux transi. Il est interprété par le jeune ténor Sahy Ratia. C’est un réel comédien qui chante et joue à la fois. À travers des paroles prononcées distinctement et intelligibles pour l’auditoire, il laisse percer un ton tour à tour rieur ou désespéré. De l’aspect théâtral très développé du personnage résulte souvent sur le plan vocal une nasalisation des sons. Toutefois, cette couleur de voix fait nettement transparaître le tempérament du personnage balloté par les aléas de l’intrigue. Ainsi, quitte à faire moins porter sa voix, le ténor privilégie la cohérence de sa voix et de son personnage afin de se faire comprendre de ses auditeurs et de susciter l’empathie.
L’orchestre joue avec beaucoup d’entrain et contribue au dynamisme comique de l’opéra bouffe même si, par moments il est à la limite de couvrir les voix.
Belcore est fier, il demande la main d’Adina et attend leur mariage d’un air ferme et confiant. Il est interprété par le baryton Jean-Christophe Lanièce d’une voix chaude et retentissante qui séduit le public. Aucun effort n’est perçu dans sa voix parfaitement timbrée, qui se laisse aller avec bonhomie aux jeux de l’amour et du hasard. Ses airs sont parfois teintés de dérision : des petites notes d’exagération comique transparaissent dans certains glissandos, effectués à bon escient selon le contexte et dont le baryton n’abuse pas. Les variations effectuées sur les points d’orgue témoignent non seulement d’une grande maîtrise vocale mais aussi d’une appropriation du rôle toute personnelle tout à fait louable. Finalement éconduit au terme de l’opéra, Belcore reste magnanime jusque dans sa voix : le soutien infaillible de son timbre en témoigne.
Mais que serait l’élixir d’amour qui bouleverse l’issue de l’histoire sans le charlatan qui le concocte ? Dulcamara est le personnage central du spectacle, il est interprété par Thibault de Damas avec une voix de baryton-basse sonore et bien timbrée. Il parvient à vaincre et à renverser la pesanteur parfois associée à sa tessiture par son jeu d’acteur et le respect scrupuleux de sa ligne rythmique. Il convainc tout à la fois Nemorino de lui acheter son prétendu élixir d’amour – et ce, à deux reprises – et le public. En quelque sorte, sa prestation vocale exemplaire rachète le charlatanisme de son rôle.
Le spectacle, enlevé et tout en rebondissements à la fois dramaturgiques et musicaux s’avère un vrai bijou de divertissement. Il rend hommage au genre de l’opéra bouffe grâce à une mise en scène qui enchante les petits et les grands et qui démocratise l’art lyrique.
Et puisque le Théâtre des Champs-Elysées fait très bien les choses, parents et enseignants peuvent trouver un livret d’apprentissage des chants ici et des ateliers chants là !
Adina Norma Nahoun |
Nemorino Sahy Ratia |
Belcore Jean-Christophe Lanièce
Dulcamara Thibault de Damas |
Comédiens Raffaella Gardon, Julien Chaudet, Romain Valembois |
Les Frivolités Parisiennes, dir. Marc Leroy-Calatayud
Mise en scène Manuel Renga
Un élixir d’amour
D’après l’œuvre de Gaetano Donizetti. Livret adapté et traduit en français par Henri Tresbel.
Captation du lundi 1er février 2021.