L’Opéra de Rennes vient tout juste de proposer la deuxième édition de son opération baptisée OpéraMorphose, une sorte de marathon tout à la fois réflexif et créatif (qui bénéficie du soutien de la Direction Générale de la Création Artistique – Délégation musique – et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne), au cours duquel les participants questionnent le genre même de l’opéra en l’observant au prisme des problématiques sociétales actuelles…
OpéraMorphose se déroule sur trois journées. Ce vendredi 23 septembre, l’ambiance est fébrile à l’hôtel Pasteur : les participants se découvrent les uns les autres (certains – chanteurs, metteurs en scène – connaissent très bien le milieu de l’Opéra, d’autres, issus d’autres disciplines ou d’autres domaines, spécialistes des droits culturels et/ou du champ social, professionnels en architecture, aménagement, illustration et graphisme, en sont beaucoup
moins familiers), et découvrent également les cinq grandes thématiques sur lesquelles ils vont devoir plancher : Qu’est-ce que serait un opéra situé ? Et si on inventait un opéra tout-terrain ? Qu’est-ce que serait un opéra qui s’hybride avec d’autres pratiques culturelles ? Quel récit pour un opéra d’aujourd’hui et de demain ? Comment l’opéra s’imagine au quotidien ?
En quelques minutes à peine, les personnes se rapprochent, les thématiques retenues se dégagent, les réflexions s’engagent. L’idée, expliquent le metteur en scène Simon Gauchet et Matthieu Rietzler, le directeur de l’Opéra de Rennes, est de faire se rencontrer des personnes aux profils très différents, d’éviter « l’entre soi » afin de ne pas enfermer l’Opéra dans des conceptions trop figées, trop attendues, et de voir comment l’expertise des gens « du milieu » peut s’enrichir et être stimulée par un regard neuf, vierge, « naïf » dans le meilleur sens du terme.
Des cinq thèmes proposés, trois sont finalement retenus : « l’opéra tout-terrain », le « récit d’opéra » et « l’opéra situé ». Trois équipes, donc, se mettent au travail avec comme premier objectif de proposer en fin de journée un aperçu de l’avancée de leur réflexion. Très vite, les idées fusent, les questions aussi, certaines très ancrées dans l’air du temps et les préoccupations actuelles : opéra et féminisme, opéra et écologie, opéra et implantation locale, opéra et communication, accessibilité, opéra et nouvelles technologies,… Avec, toujours, la prise en compte des œuvres patrimoniales et de l’essence même du genre opéra : comment faire vivre les œuvres classiques, au-delà de messages qui ne sont parfois plus en phase avec nos préoccupations ? Que faire du répertoire si un certain public ne se reconnaît pas dans les œuvres qui le constituent ? Que devient l’opéra, forme longue par excellence, à l’ère de Tik Tok ? Comment faire entrer à l’opéra les langues régionales, ou la langue des signes ? Comment modifier, faire évoluer le genre tout en faisant en sorte que les œuvres produites restent des opéras, et ressortissent toujours pleinement à ce genre ? Comment impliquer le public dans toutes les étapes du spectacle d’opéra : de la création du livret à la composition de la musique, de la conception des décors et costumes à la présence sur scène ? Peut-on imaginer un opéra « participatif », dont l’action évoluerait en fonction des souhaits du public ?
La réflexion, on le voit, est dense, riche, multiple, et elle se prolongera toute la journée du lendemain, avant la présentation finale des travaux, programmée le dimanche. Tout a été remarquablement pensé dans le dispositif, notamment grâce à l’Agence Sensible qui a beaucoup œuvré à l’organisation pratique de l’événement : la constitution d’équipes pluri-catégorielles, dans lesquelles la parité et la diversité des âges sont respectées ; l’intrusion ponctuelle, au sein des groupes de réflexion, de personnes issues des autres équipes afin de relancer le débat et d’enrichir la réflexion ; les injonctions récurrentes à la confrontation d’idées bienveillante et constructive… et jusqu’aux pauses déjeuner, au cours desquelles, d’ailleurs, la réflexion se poursuit de façon moins formelle mais tout aussi intense !
Quand on demande à Matthieu Rietzler s’il est envisageable que l’un des projets présentés à la fin du marathon puisse faire l’objet d’une réalisation concrète, la réponse est très claire : ce n’est nullement exclu… tout en ne constituant pas l’objectif final de cette aventure ! Lors de la première édition d’OpéraMorphose, aucun projet n’a d’ailleurs été réalisé en tant que tel, mais plusieurs projets dérivés des différents travaux ont vu le jour ; quoi qu’il en soit, l’idée majeure d’OpéraMorphose reste vraiment celle de rencontres enrichissantes, parfois inattendues ou atypiques, avec à la clé l’émergence d’idées originales, novatrices, qui bousculent et renouvellent le genre opératique tout en préservant et en respectant son identité, son ADN pourrait-on dire
D’après les séances de travail auxquelles nous avons assisté, la mission semble pleinement remplie ! Et pour vous en rendre compte par vous-même, sachez que des étudiants en master (mention Arts de la scène et du spectacle vivant, parcours Médiation du spectacle vivant à l’ère du numérique) ont eu pour mission d’enregistrer les participants : ils proposeront dans quelque temps des petites capsules sonores qui permettront de rendre compte des travaux et des conclusions auxquelles chaque groupe sera parvenu. À découvrir bientôt sur le site de l’Opéra de Rennes !
Photos : D.R. / Opéra de Rennes
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Passionnante expérience : thématiques sensibles et incontournables, interdisciplinarité : merci cher Rédacteur !
Nous attendons avec impatience les capsules audio en ligne