Ce 21 septembre 2022, dans l’Amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille, se tenait le concert d’ouverture de l’Académie de l’Opéra National de Paris qui forme de nouvelles générations de professionnels, chanteurs, pianistes-chefs de chant et instrumentistes. Ce concert permettait au public de découvrir les artistes en résidence à l’Académie, les anciens comme les nouveaux, et s’organisait autour d’extraits d’opéras du grand répertoire, donnant à chacun l’occasion de s’exprimer dans un solo ou de participer à un ensemble. Un maximum de mise en espace et de direction d’acteur, qui donnait l’illusion d’un vrai spectacle d’opéra et non d’un récital, était assuré par Victoria Sitjà, qui assiste de nombreux metteurs en scène et, entre autres, des productions maison.
Le concert débutait par une transcription pour deux pianos (quatre mains) de l’ouverture de Coriolan de Beethoven, qui s’ouvre sur cinq accords particulièrement violents et tranchants ponctués de silences, manière un peu péremptoire de mettre en valeur la virtuosité des quatre pianistes-chefs de chant qui allaient se relayer pour accompagner leurs camarades chanteurs, ainsi que leur entente parfaite. Carlos Sanchis Aguirre ouvrait le ban avec trois extraits du Fidelio de Beethoven, le duo de l’acte I entre la Marzeline de Boglárka Brindás, soprano et le Jaquino de Thomas Ricart, ténor, tous deux très à l’aise dans ces rôles de demi-caractère. Suivait l’hymne à l’or de Rocco, ici la basse Adrien Mathonat, au timbre noir et tranchant, futur grand Méphisto ou Grand Inquisiteur. Margarita Polonskaya, soprano, complétait ensuite le quatuor en canon de l’acte I qui réunissait ces artistes. Auparavant, elle avait interprété le duo « Um in der Ehe froh zu leben » de l’acte II de la Leonore de Beethoven, première mouture de son Fidelio, avec la Marzeline de Teona Todua, soprano, auquel se joignaient Keika Kawashima, violon et Auguste Rahon, violoncelle, pour cette vibrante célébration de l’amour dans le mariage.
Le pianiste Ramon Theobald prenait en charge la séquence suivante dédiée à l’Idoménée de Mozart, opera seria dont l’ordonnance a été quelque peu troublée pour donner à la soprano Martina Russomanno l’occasion de déployer ses belles coloratures dans l’aria apparemment insouciant « Zeffiretti lusinghieri » de l’acte III, suivi par l’aria d’Idamante à l’acte I « No ho colpa », rôle tenu à l’origine par un castrat et ici par la mezzo-soprano Seray Pinar, au timbre parfois un peu métallique. Les deux artistes se retrouvaient pour le duetto initial de l’acte III « S’io non moro a questi accenti » où la fusion des deux voix dans les passages à la tierce était particulièrement belle et émouvante.
Changement de climat total avec la séquence suivante dédiée à l’opéra bouffe de Rossini. Yiorgo Ioannou, baryton léger doué d’un grand sens du comique, accompagné par Guillem Aubry, nous livre une époustouflante exécution du « Largo al factotum » du Barbier de Séville. Quant à la basse Alejandro Baliñas Vieites, son complice dans la mise en scène de cette scène, accompagné par Mariam Bombrun, il nous a livré l’air « Gia d’insolito ardore » du sultan Mustafa enamouré dans L’Italienne à Alger avec un abattage remarquable et au risque de perdre sa chemise, concluant ainsi cette première partie dans la bonne humeur.
La deuxième partie était consacrée à La Finta Giardiniera, opéra au livret assez échevelé mis en musique par un Mozart de 18 ans, revu et corrigé ici pour mettre en valeur les chanteurs, ménager une certaine progression dramatique et mener à l’imposant final de l’acte I qui réunissait non seulement la majorité des chanteurs mais aussi un large ensemble instrumental incluant Keika Kawashima et Alexandra Lecocq, violons, Perrine Gakovic et Leonardo Jelveh, altos, Auguste Rahon, violoncelle, Sulivan Loiseau, contrebasse et Mariam Bombrun, piano. Sous la direction musicale de Carlos Sanchis Aguirre ils accompagnaient d’abord Laurence Kilsby, joli ténor di grazia dans la romance enamourée du Contino Belfiore à l’acte I, suivi de l’aria di furore de Ramiro à l’acte III, à l’origine un soprano-castrato, ici Marine Chagnon, mezzo-soprano très convaincante dans son rôle de fiancé que dévore la jalousie. Enfin, sous la direction de Ramon Theobald, le final de l’acte I rassemblait Boglárka Brindás, Margarita Polonskava, Martina Russomanno, Marine Chagnon, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Yiorgo Ioannou. Construit comme le final de l’acte II des Nozze di Figaro, avec les entrées successives de nouveaux personnages sur scène, il réunissait tous les protagonistes de cette folle journée et montrait un Mozart qui maîtrise parfaitement les codes de l’opéra bouffe, variant les tempi, fondant une séquence sur une ritournelle, donnant çà et là la parole à un personnage bientôt noyé dans une partie concertante, tout cela avec un sens du rythme remarquable pour peindre la stupeur et la jalousie des personnages. Difficile de ne pas se laisser gagner par cette gaité communicative.
Il faut saluer la précision des entrées des uns et des autres dans ce final, l’engagement des chanteurs–comédiens, la grande tenue musicale de l’ensemble, à l’image des prestations des uns et des autres tout au long de ce concert. Difficile de distinguer un artiste plus qu’un autre vu l’homogénéité et le niveau d’excellence de leurs interventions. Voilà un cru qui promet.
Artistes en résidence à l’Académie:
Boglarka Brindas, soprano
Margarita Polonskaya, soprano
Martina Russomanno, soprano
Teona Todua, soprano
Marine Chagnon, mezzo-soprano
Seray Pinar, mezzo soprano
Laurence Kilsby, ténor
Thomas Ricart, ténor
Yiorgo Ioannou, baryton
Alejandro Balinas Vieites, basse
Adrien Mahonat, basse
Guillem Aubry, piano
Mariam Bombrun, piano
Carlos Sanchis Aguirre, piano
Ramon Theobald, piano
Extraits de Fidelio de Beethoven, d’Idoménée et de La Finta Giardiniera de Mozart, du Barbier de Séville et de L’Italienne à Alger de Rossini .
Amphithéâtre Olivier Messiaen, Opéra Bastille , Paris, concert du mercredi 21 septembre 2022.