Tandis que la présentation des Troyens en deux soirées attirait les foules, avec ou sans Sir John Eliot Gardiner, le festival Berlioz de la Côte-Saint-André, pour son édition intitulée « Mythique », proposait à nouveau un colloque à la fois musical et littéraire, organisé par Cécile Reynaud, directrice d’études en musicologie à l’École pratique des hautes études, et Gisèle Séginger, professeure de littérature française du XIXe siècle à l’université Gustave Eiffel.
Deux sommités internationales des études berlioziennes étaient présentes : le Britannique David Cairns, 97 ans, connu pour sa biographie du compositeur, qui a évoqué ses souvenirs berlioziens, et Peter Bloom, professeur émérite de Smith College, Massachusetts, responsable de l’édition critique des Mémoires de Berlioz chez Vrin (2019), a abordé quelques projets shakespeariens vite abandonnés par Belioz (un Hamlet, un Antoine et Cléopâtre) et comparé les différentes traductions du Marchand de Venise dans lesquelles il a puisé pour écrire le duo de Didon et Enée, Les Troyens étant conçu comme « Virgile traité selon le système shakespearien »).
Sans prétendre résumer chacune des communications, on se contentera ici de signaler les principales interventions ayant un lien plus direct avec la musique. Remarquée pour son volume sur Donizetti et la France (Classiques Garnier, 2021), Stella Rollet retrace le parcours de l’opéra Les Martyrs – que Berlioz jugeait froid et ennuyeux –, version française du Poliuto qui aurait dû être créé à Naples. Lucas Berton, titulaire d’un doctorat sur les représentations de l’Antiquité dans les œuvres de Franz Liszt, s’intéresse aux chœurs écrits par Liszt pour le Prométhée libéré de Herder (1850-55).
Maîtresse de conférences HDR à la Sorbonne-Nouvelle, Marie-Cécile Leblanc propose une fascinante approche de l’épopée nationale dans l’opéra français de la deuxième moitié du XIXe siècle, à travers des personnages comme Roland et Vercingétorix, en passant par Sigurd et Fervaal. Elle montre comment les Francs, d’abord glorifiés comme ancêtres germaniques de la nation barbare, furent considérés après 1870 comme d’affreux barbares (voir Frédégonde de Guiraud terminé par Saint-Saëns ou Ghiselle de César Franck), vite supplantés par les Celtes comme héros positifs.
Céline Carenco, maîtresse de conférences à l’université Lumière Lyon 2, consacre sa communication à La Révolution grecque (1825-26), l’une des toutes premières compositions de Berlioz (et longtemps considérée comme la première avant la redécouverte de sa Messe solennelle), « scène héroïque » conçue sous l’influence de Gluck et de Spontini. Eric Bordas, professeur à l’ENS de Lyon, s’attache aux rapports entre épique et ironie dans les écrits de Berlioz, et Cécile Reynaud à l’image de Napoléon dans le parcours du compositeur.
Une parution est prévue aux éditions Le Passage, qui ont publié l’an dernier les actes du colloque organisé en 2021 à la Côte-Saint-André (Berlioz, Flaubert et l’Orient).
Mardi 22 et mercredi 23 août, Musée Hector Berlioz, La Côte-Saint-André