Peut-on retrouver l’esprit des concerts de la Loge Olympique au milieu des années 1780 ? C’est le pari audacieux que Julien Chauvin et son orchestre se sont donnés le vendredi 11 octobre 2019 au Grand Théâtre de Tours pour les concerts d’automne. L’intérêt de ce concert tient à la fois dans la connaissance d’une société maçonnique parisienne qui fit la promotion de compositeurs tels que Joseph Haydn. D’ailleurs, ses six symphonies parisiennes ont été commandées en 1785 par le comte Rigoley d’Ogny et le Chevalier de Saint George, deux administrateurs des concerts de la Loge Olympique.
Après une présentation claire et teintée d’humour de Julien Chauvin sur la musique et les concerts de La Loge Olympique, l’orchestre débute son programme par la symphonie n°84 en Mi b Majeur Hob. I : 84 de Joseph Haydn, une symphonie dont on peut apprécier la simplicité et la fraîcheur d’écriture. Cette œuvre, servant de fil conducteur au concert, ouvre les deux parties de celui-ci. L’organisation en miroir – symphonie, air d’opéra, concerto, air d’opéra – reflète une volonté de mélanger les pièces instrumentales et vocales comme le faisait autrefois les concerts de la Loge Olympique. Loin du pot-pourri, le programme se veut intéressant notamment dans sa manière de déconstruire nos habitudes auditives. Si nous éprouvons d’ordinaire des difficultés à ne pas entendre une œuvre entière, nous n’avons pas eu le même sentiment à l’issue du concert car l’ensemble est soigneusement élaboré, pensé et argumenté.
Le programme navigue entre quelques airs d’opéras de W.A Mozart, son concerto pour piano n°17 en Sol Majeur K. 453 et la symphonie en Mi b Majeur Hob. I : 84 de Joseph Haydn. L’art de mettre en scène la mélodie relie toutes les œuvres d’un fil discret et pourtant affirmé. Que ce soit lors du mouvement lent du concerto pour piano n°17 ou de l’air « L’amerò sarò costante » tiré du Re pastore (1775) de Mozart, la même gestion de la courbe mélodique et de l’expressivité transparaît. À chaque instant, la mélodie se dévoile avec élégance et subtilité grâce à l’orchestre et aux deux solistes de la soirée : Karina Gauvin et Justin Taylor. Ils incarnent à merveille les ressorts dramatiques de la musique mozartienne. Même si on peut regretter une certaine lourdeur dans les vocalises, la voix de Karina Gauvin montre un sens du théâtre et une émotion musicale exceptionnelle. Quant à Justin Taylor, il trouve en Mozart le compositeur parfait pour le servir et pour mettre en valeur son instrument : un pianoforte qui est une copie d’un instrument viennois de 1792. Enfin, l’orchestre Le concert de la Loge dirigé par Julien Chauvin se veut riche dans son timbre, la diversité de ses nuances et de ses accents. Malgré le caractère pathétique et mélancolique de certaines œuvres, la musique devient joie et humour sous les doigts de Julien Chauvin. On ne peut que saluer une initiative empreinte de tant d’intelligence musicale et humaine.
Le concert de la loge, dir. Julien Chauvin
Karina Gauvin, soprano
Justin Taylor, pianoforte
Concert du 11 octobre 2019.
Symphonie en Mi b Majeur Hob I : 84 de Joseph Haydn
« Voi avete un cor fedele » air K. 217 de Wolfgang Amadeus Mozart
« Deh, se piacer mi vuoi » air de Vitellia, La Clemenza di Tito K. 621 de Wolfgang Amadeus Mozart
Concerto pour pianoforte n°17 en Sol Majeur K. 453 de Wolfgang Amadeus Mozart
« E Susana non vien – Dove sono i bei momenti », récitatif et air de la Comtesse, Les Noces de Figaro K. 492 de Wolfgang Amadeus Mozart
« L’amerò sarò costante » air d’Aminta, Il Re pastore K. 208 de Wolfgang Amadeus Mozart
« Ch’io mi scordi di te – Non temer, amato bene » récitatif et air K. 505 de Wolfgang Amadeus Mozart