Même si Ernani a récemment fait son retour sur scène en France, grâce au Capitole de Toulouse (en 2017) et à l’Opéra de Marseille (en 2018), l’œuvre reste rarement montée, et c’est une excellente idée que de la proposer aux publics lyonnais, parisien et vichyssois.
L’œuvre requiert à la fois un quatuor vocal de premier plan et un chef capable de lui conférer le dramatisme aigu dont Verdi l’a doté, dans une esthétique qui est encore (en partie seulement) celle du bel canto des années 1830-1840. Si le concert du Théâtre des Champs-Élysées s’est révélé globalement être une belle réussite, la gageure, vocalement, n’a été que partiellement tenue…
Côté masculin, le triomphateur de la soirée est Amartuvshin Enkhbat, qui fait entendre un Don Carlo d’anthologie ! Le baryton d’origine mongole, qui avait déjà fait une très forte impression il y a exactement un an en remplaçant Leo Nucci, semble avoir accompli des progrès très perceptibles (à moins qu’il n’ait eu, tout simplement, plus de temps pour se préparer !) : les couleurs sont devenues plus variées, la diction plus incisive dans les moments dramatiques, la caractérisation convaincante. La voix est toujours d’une beauté stupéfiante (capable, notamment, d’une grande tendresse dans les moments élégiaques), le legato souverain, l’aigu triomphant. Il remporte un succès absolument mémorable !
Amartuvshin Enkhbat chante Verdi
En Ernani, Francesco Meli fait valoir une projection à l’aisance insolente et une énergie à toute épreuve. Mais le ténor semble avoir quelques difficultés à maîtriser l’intensité vocale : Ernani est certes « une force qui va », pour reprendre la célèbre formule hugolienne, mais en l’occurrence, qui va… trop fort ! D’autant que le forte a tendance à accentuer les points faibles du chant et de la voix du ténor italien, à savoir une couleur de timbre métallique et un vibrato un peu prononcé… Roberto Tagliavini, a contrario, propose un chant tout en noblesse : la ligne vocale est émaillée de mille nuances, tel le subtil diminuendo sur le « Ah…io l’amo » du second acte, annonçant l’introspection douloureuse du personnage. Le respect du style est par ailleurs absolu, et la voix, d’une grande malléabilité, permet de respecter aussi bien le cantabile de « Infelice !… e tuo credevi » que la fougue de la cabalette « Infin che un brando vindice … ». Le chanteur remporte lui aussi un très grand succès aux saluts finals.
Carmen Giannattasio s’est montrée peu à l’aise dans le rôle d’Elvira, ce qu’une partie du public lui a fait sentir avec une inélégance déplacée. La cavatine a été quelque peu douloureuse, avec des aigus à l’arraché et des imprécisions étonnantes pour une chanteuse rompue au répertoire belcantiste. Les choses s’améliorent aux actes suivants, et il faut porter au crédit de l’interprète une volonté de caractériser au mieux le personnage, avec notamment un « Non sono rea, come tu sei crudel ! » touchant au second acte.
Les chœurs et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon ont fait montre d’une homogénéité, d’une fougue, d’une précision remarquables, galvanisés par la direction d’un Daniele Rustioni comme toujours très à l’aise dans ce répertoire, dont il souligne le caractère urgent et la force dramatique en évitant toute faute de goût. On lui sait gré, notamment, d’avoir conservé toutes les reprises (ce qui n’avait pas été le cas dans le Guillaume Tell du début de la saison lyonnaise…), absolument indispensables dans ce type de répertoire !
Rendez-vous est pris (nous l’espérons en tout cas !) pour de prochaines aventures avec le jeune Verdi et les forces lyonnaises lors de la saison 2020/2021.
Ernani Francesco Meli
Elvira Carmen Giannattasio
Don Carlo Amartuvshin Enkhbat
Don Ruy Gomez de Silva Roberto Tagliavini
Giovanna Margot Genet
Don Riccardo Kaëlig Boché
Jago Matthew Buswell
Direction Daniele Rustioni
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Lyon
Théâtre des Champs-Élysées, concert du vendredi 08 novembre 2019