Crédit Photo : Vincent Pontet
Anna et Erwin, puis Anna et Yusif ; Roberto et Leontina, puis Roberto et Angela, Roberto et Aleksandra, , … : le public semble devenu friand du concept « couples de chanteurs », (lesquels couples, parfois, le sont également « à la ville »), et les théâtres et agents ont rapidement compris l’intérêt qu’il y avait à programmer systématiquement ensemble deux chanteurs, à l’opéra comme en récital. Au-delà de l’aspect marketing, il faut avouer qu’un récital « à deux » offre la possibilité d’une plus grande variété de plaisirs, surtout lorsque, comme mardi soir, le programme aligne tube sur tube et ne sort guère de sentiers un peu trop battus… Par ailleurs, lorsque la complicité artistique est évidente, (et tel semble être le cas entre Vannina Santoni et Saimir Pirgu) la formule du duo est évidemment on ne peut plus plaisante… Bref, après leur Traviata extrêmement bien accueillie l’an dernier, les deux chanteurs ne pouvaient que se retrouver tôt ou tard sur une scène lyrique… C’est maintenant chose faite, grâce au cycle des « Grandes voix » qui permet au couple de se reformer sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, déjà témoin des amours passionnées d’Alfredo et Violetta l’an dernier.
Ce sont peut-être les duos qui ont apporté le plus d’émotion et de satisfactions, notamment celui de Roméo et Juliette ou encore le « O soave fanciulla » de La Bohème : timbres veloutés, projection aisée, implication dramatique, tout concourt à susciter l’émotion… et les applaudissements !
Les airs sont un peu plus inégalement servis, mais avec un programme assez hétéroclite sollicitant des styles très différents (sont convoqués aussi bien le classicisme de Mozart que le bel canto ou le vérisme), pouvait-il en être autrement ? D’une manière générale, la seconde partie du programme a présenté les artistes sous un meilleur jour, ceci étant peut-être dû à une prise de confiance progressive, mais aussi à une meilleure adéquation des pages chantées à leurs moyens vocaux. Quoi qu’il en soit, en dépit d’une ligne manquant légèrement de souplesse en Ottavio ou d’aigus un peu trop souvent forte côté ténor, ou encore d’une intonation parfois un peu fluctuante côté soprano, lesdits moyens sont tout à fait appréciables. Le timbre de Saimir Pirgu est d’une réelle beauté, sa maîtrise du souffle et du chant legato appréciable, sa facilité à incarner les personnages également. Vannina Santoni fait valoir quant elle une capacité à faire surgir l’émotion comme spontanément, par un chant intense et habité, ainsi qu’une technique suffisamment habile pour rendre justice aux vocalises de Juliette comme au slancio de Mimi. Les deux artistes sont accompagnés par un orchestre de l’opéra Royal de Wallonie-Liège en grande forme, dirigé par un Paolo Arrivabeni plein de vivacité et de précision – et qui connaît bien ces musiciens pour avoir été leur chef officiel jusqu’en 2017.
Le public réserve un accueil très chaleureux aux artistes, qui offrent en bis l’un peu trop attendu « Libiamo » de La Traviata…
Prochain rendez-vous proposé par la saison 2019-2020 des Grandes Voix : un récital de Jonas Kauffmann entièrement viennois, toujours au T.C.E., le 20 janvier !
Théâtre des Champs-Élysées, concert du lundi 7 janvier 2020
Vannina Santoni soprano
Saimir Pirgu ténor
Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège
Paolo Arrivabeni direction
Mozart, Cosi fan tutte : Ouverture
Mozart, Don Giovanni : « Il mio tesoro »
Mozart, Cosi fan tutte : « Fra gli amplessi »
Verdi, La Traviata : « È strano… Ah! fors’è lui… Sempre libera… »
Donizetti, Roberto Devereux : Ouverture
Donizetti, L’Elisir d’amore : « Una furtiva lagrima », « Prendi per me sei libero », « Caro elisir! Sei mio!… Esulti pur la barbara »
Gounod, Roméo et Juliette : « Je veux vivre »
Massenet, Werther : « Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ? »
Gounod, Roméo et Juliette : « Va! je t’ai pardonné… Nuit d’hyménée… »
Cilea, L’Arlesiana : Prélude ; « È la solita storia del pastore »
Leoncavallo, I Pagliacci : Intermezzo
Puccini, La Bohème : « Che gelida manina », « Si, mi chiamano Mimi», « O soave fanciulla»