À La Seine Musicale, Mozart rayonne à nouveau sur les parvis
Mozart était à l’honneur de ce premier concert post-déconfinement de l’Insula orchestra et de Laurence Equilbey à la Seine Musicale. Un Gala Mozart, brillant succédané au spectacle initialement prévu avec la Cie 14:20, pionnière de la magie nouvelle, et reporté en novembre prochain. Pas de lévitation donc, ni de balles enchantées ou autres ectoplasmes mais des mesures d’hygiènes optimum, des règles de distanciation physiques sur scène comme dans la salle, réduite à une jauge de seulement 200 personnes, et surtout, un concert retransmis en direct et gratuitement sur le parvis de La Seine Musicale.
Après un émouvant hommage à Patrick Devedjian, compagnon de la première heure de l’aventure artistique de Laurence Equilbey à La Seine Musicale, on retrouve sans surprise au programme de ce concert des extraits du disque « Magic Mozart » qui sort le 18 septembre prochain chez Warner-Erato. Plus précisément, quelques un des plus beaux airs d’opéras que le petit génie ait pu composer : de La Flûte enchantée, en allant jusqu’aux Noces de Figaro et en passant par Don Giovanni. Quelques pages plus rares également avec un réjouissant duel à l’épée tiré de La finta semplice et les brèves et inspirées musiques pour la pantomime Pantalon et Colombine.
Côté chanteurs, les solistes du disque ont tous signé présent et c’est un plaisir que d’entendre Sandrine Piau nous offrir les deux airs de la Comtesse des Noces de Figaro avec ce frémissement, cette projection lumineuse et ces longueurs de souffle qui ne sont propres qu’à elle. La soprano excelle également dans le registre plus léger de Papagena dans La Flûte enchantée. Une variété de talents qui est la marque des grandes artistes. A ses côtés, nous retrouvons des chanteurs qui, disons-le au risque de paraître goujat, sont d’une autre génération mais qui peinent parfois à atteindre les cimes sur lesquelles nous mènent la soprano. Léa Désandre déploie des trésors de musicalité, de couleurs et d’intentions au texte mais son Chérubin peine à passer la rampe. Un léger manque de projection que n’aura pas sa Barberine dans son air de l’aiguille. Peut-être est-ce là une question de tessiture…
Florian Sempey souffre des mêmes réserves. Truculent Papageno, pétillant Don Giovanni, Colas de Bastien et Bastienne et son écriture plus grave l’oblige à un parlando et à quelques interpolations musicales surprenantes quoiqu’efficaces. Pour ces deux artistes, le disque devrait permettre de faire valoir d’autres qualités que la salle n’aura pas su entendre.
Jodie Devos hérite des airs les plus acrobatiques du programme. L’artiste est touchante par la simplicité (qu’on imagine éminemment travaillée) avec laquelle elle aborde le deuxième et célèbre air de la Reine de la nuit dans La Flûte enchantée. On admire la précision des suraiguës piquées, la souplesse des vocalises et l’implication dramatique que quelques pailles d’intonation viennent parfois troubler mais qui rajoutent à la touchante sensibilité de la soprano. L’air de concert « Vorrei spiegarvi » n’appelle quant à lui que des éloges avec une amplitude de la tessiture crânement assumée, des aigus amples et cristallins et un sens dramatique certain.
Les ténors ne sont pas en reste au cours de cette soirée et, si les qualités des Monostatos et Pedrillo de Loïc Félix sont largement connues, c’est Stanislas de Barbeyrac qui semblent avoir hérité des qualités du ténor idéal pour les œuvres du Mozart de la maturité. Cette voix splendide, chaleureuse, capable de joindre la douceur à l’éclat et osant les nuances les plus extrêmes dessine un portait de Tamino proche de l’idéal. Un seul et énorme regret cependant, celui de ne pas l’avoir plus entendu chanter au cours de ce gala.
Quel plaisir également que d’entendre à nouveau l’Insula orchestra en salle. On imagine aisément l’émotion et la joie qui ont dû étreindre les musiciens à l’idée de se retrouver enfin sur scène après plus de trois mois d’inactivité forcée. Si l’implantation « éclatée » version coronavirus de l’orchestre ne favorise pas toujours la précision des attaques et la fusion des pupitres, elle donne cependant une belle profondeur et un éclat tout particulier à la formation de Laurence Equilbey. Mentions spéciales au hautbois bien-chantant de Jean-Marc Philippe et au pianoforte virevoltant de Benoît Hartoin.
Ce Gala se termine par un bis participatif avec un public préparé en quelques minutes par la voix experte de Christophe Grapperon. Ce soir, Laurence Equilbey aura su encore une fois faire rayonner Mozart en salle mais aussi sur le Parvis de la Seine Musicale.
Découvrez un extrait du disque « Magic Mozart » de l’Insula orchestra et de Laurence Équilbey (sortie le 18 septembre prochain chez Warner-Erato) :
https://youtu.be/D1-CbocY21E
D’autres extraits ici : https://www.warnerclassics.com/fr/release/magic-mozart
Sandrine Piau, soprano
Jodie Devos, soprano
Lea Desandre, mezzo-soprano
Stanislas de Barbeyrac, ténor
Loïc Félix, ténor
Florian Sempey, baryton
Insula orchestra
Laurence Equilbey, direction
La Seine Musicale, concert du vendredi 26 juin 2020