Le premier grand rendez-vous vespéral de l’édition 2021 des Rencontres musicales de Vézelay est placé sous le signe du grand motet versaillais, illustré par deux de ses plus remarquables représentants au siècle des Lumières, Rameau et Mondonville. C’est avec Quam dilecta, un opus du premier sur le Psaume 83, que Gaétan Jarry ouvre le programme qu’il donne en la Basilique Sainte Marie-Madeleine avec son ensemble Marguerite Louise. Dès le récit liminaire du dessus, après un bref prélude, Maïlys de Villoutreys séduit par un équilibre entre des couleurs discrètement fruitées du timbre et une souplesse dans l’intonation qui évite toute raideur dans la netteté de l’émission, conforme aux canons du style français. La soprano française se distinguera dans le trio Altaria tua Domine, sur des collègues à la personnalité vocale plus banale. On sera plus réservé sur les mélismes de Mathias Vidal dans Eternim passer, qui, pour souligner les intentions expressives, fragilisent l’intégrité du matériau, en particulier aux extrémités de la tessiture. David Witczak se révèle robuste mais non monolithique dans le recueillement du Domine Deus virtutum, quand les interventions du chœur ne faillissent pas à la noblesse de l’inspiration et à la puissance architecturée de l’écriture.
Le rôle des ensembles se révèle encore plus important dans le Dominus regnavit de Mondonville, sur le Psaume 92, livré avec un certain sens du pittoresque, au demeurant croissant au fil de la soirée. La trame du continuo est variée avec un intéressant instinct expressif. Le chœur augural fait chanter un canevas rythmique où dominent les graves des violoncelles, contrebasses et clavecin, tandis que les numéros suivants, à la facture orchestrale plus décantée, privilégient les assonances avec l’orgue positif. Si le duo de sopranos, Parata sedes, ne néglige pas la complémentarité des interprètes, c’est bien l’air solo Testimonia tua qui profite de la finesse de la ligne de Maïlys de Villoutreys, après les effets imitatifs de choeur Elevarerunt flumina, soulignés avec une indéniable gourmandise. Le finale Gloria Patri ne contredira pas cette approche généreuse du grand motet versaillais.
Poursuivant cet élan, le second Mondonville du programme, In exitu Israël, accentue les effets, sensibles dès le choix de tempi pour le moins allants, donnant ainsi une animation certaine à la description de la fuite d’Égypte. Plus encore que le premier chœur, le Mare vidit surligne la picturalité du verset. Dans le quatrième, Montes exsultaverunt, Mathias Vidal semble trouver un meilleur compromis entre le chant et la suggestion descriptive que dans le Rameau. Le kaléidoscope de sensations et d’images n’oublie pas cependant une destination spirituelle significativement théâtralisée, ainsi qu’en témoignent les contrastes des deux derniers versets, entre l’évocation des morts et la louange de l’Éternel.
Le spicilège de ce jeudi soir se referme sur In convertendo de Rameau, et confirme l’intensification de la dramatisation, jusque dans une gestuelle du chef qui peut finir par lasser. Les solistes ne déméritent aucunement, tant le premier récit du haute-contre, confié à un Mathias Vidal qui compense par la couleur et le sens du verbe certaines délicatesses dans l’ambitus, que dans le duo de dessus et basse, Magnificat, le Converte, Domine, confié au solide David Witczak, ou encore le Laudate nomen Dei pour dessus et chœur, où l’on retrouve la sensibilité de Maïlys de Villoutreys. Le trio en forme de canon Qui seminant amorce l’ultime lancée vers une jubilation un rien ostentatoire que couronne la fugue du final, Euntes ibant. Plus que le raffinement de l’invention et du dessin harmonique, Gaétan Jarry privilégie, au risque parfois de quelques excès, l’efficacité du royal croisement entre liturgie et théâtralité.
Ensemble Marguerite Louise, dir. Gaétan Jarry
Maïlys de Villoutreys : dessus
Mathias Vidal : haute-contre
David Witczak : basse-taille
Œuvres de Rameau et de Mondonville.
Rencontres musicales de Vézelay, concert du 19 août 2021, Basilique Sainte Marie-Madeleine.