Superbe florilège d’opéra français à l’Académie de l’Opéra national de Paris
Crédit photos : © J’adore ce que vous faites
Un très beau concert d’ouverture de la saison 2021/2022
Donné dans le cadre de l’Amphithéâtre Olivier Messiaen., plein comme un œuf, le concert d’ouverture du 29 septembre dernier présente le travail de jeunes chanteurs, pianistes, chefs de chant, musiciens ou metteurs en scène plus que prometteurs.
Créée en 2015, l’Académie de l’Opéra national de Paris s’est donné pour mission de transmettre, former et accompagner l’émergence des talents de demain dans le domaine de la musique, la scène ou des métiers d’art, en accueillant en résidence des artistes du monde entier pour achever leur formation aux côtés de professionnels reconnus. Donné dans le cadre de l’Amphithéâtre Olivier Messiaen., plein comme un œuf, le concert d’ouverture du 29 septembre dernier présentait le travail des chanteurs, pianistes, chefs de chant, musiciens ou metteurs en scène plus que prometteurs.
Le concert se déroulait en deux parties, chant et piano d’abord puis les mêmes avec les cordes de l’Académie. L’accent était mis sur l’opéra français de XIXe siècle, avec un florilège d’extraits d’opéra, airs ou duos, de Bizet, Gounod, Massenet, Meyerbeer et Ambroise Thomas, et une mélodie extraite des Nuits d’été de Berlioz. Pour ces jeunes chanteurs, l’exercice est périlleux car la proximité avec le public peut augmenter le trac et demande une plus grande concentration. Il s’agit en quelques secondes de créer un personnage et un climat sans le concours d’un costume (ici des costumes de ville pour la plus part) avec le seul soutien d’un pianiste dont la redoutable mission est de rendre toutes les subtilités de timbres et de dynamiques d’un orchestre, réduit ici à un clavier. On est plus dans le domaine du récital que de l’opéra et il faut saluer ici le travail des quatre pianistes, Hugo Mathieu, Félix Ramos, Carlos Sanchis Aguirre et Ramon Theobald pour soutenir leurs camarades et évoquer les sonorités de l’orchestre.
Difficulté supplémentaire pour les chanteurs, la langue française, avec ses nasales, sa variété de sons « e » et son « e » dit muet, sauf en musique, et pour ces artistes en majorité étrangers, cette diction que même leur camarades français ne maîtrisent pas toujours. Enfin, au-delà de la maîtrise des aspects techniques du chant, il y a l’expression d’une personnalité et d’un tempérament qui peut jouer sur la performance vocale. Il est remarquable que certains artistes aient vraiment révélé leurs talents lorsqu’ils ont retrouvés un ou une partenaire au cours de nombreux duos ou quand leurs capacités de jouer ont été engagées grâce à la mise en espace astucieuse du spectacle élaborée par Victoria Sitjà.
Ne comptez pas sur moi pour distribuer les palmes ou les verges. Je me permettrais simplement d’indiquer, dans cette excellente promotion qui présentait toutes les tessitures du chant lyrique, les artistes qui m’ont le plus marqué.
Niall Anderson
Chez les messieurs, les basses Alejandro Baliñas Vieites, Niall Anderson et Aaron Pendelton, au volume sonore et au timbre impressionnant de noirceur, et les barytons Alexander Ivanov et Yiorgo Ioannou. Niall Anderson et Aaron Pendelton, notamment, ont su assouplir leur grosse voix pour donner au duo final du Don Quichotte de Massenet une émotion réelle, à la mesure de celle que le violoncelle de Johann Causse avait créé et que celui de Rune Hitsumoto, la soliste de l’Élégie pour cordes de Massenet, a su prolonger.
Le timbre du ténor Kiup Lee, aux jolis aigus, manque encore un peu de chaleur. Je ne suis pas sûr que la mélodie de Berlioz, qui sollicite le medium et les graves du chanteur et date d’une époque où les contre-ténors avaient pratiquement disparus, ait été le meilleur vecteur pour faire la démonstration des talents de Fernando Escalona.
Kiup Lee
Chez les mezzos (Lise Nougier et Marine Chagnon), Marine Chagnon a fait preuve d’un abattage et de véritables talents d’actrice dans l’air d’Urbain des Huguenots de Meyerbeer, ce que le personnage du Prince dans le Cendrillon de Massenet ne permettait pas à Lise Nougier.
Martina Russomanno
Kseniia Proshina
Chez les sopranos (Ilanah Lobel-Torres, Kseniia Proshina et Martina Russomano), Kseniia Proshina m’a semblé plus convaincante dans le rôle de la Cendrillon de Massenet que dans celui d’Ophélie dans l’Hamlet d’Ambroise Thomas. Quant à Martina Russomano, elle a su donner à son air de l’extase de La Vierge de Massenet une ferveur et une grandeur qui faisait oublier la sensualité de l’écriture du compositeur de Manon.
Le concert se terminait par deux ensembles, sous la direction de Felix Ramos. Le Quintette des contrebandiers de la Carmen de Bizet réunissait Marine Chagnon, Martina Russomano, Lise Nougier, Yiorgo Ioannou et Kiup Lee, dans un des ensembles les plus spirituels de tout l’opéra-comique français où Bizet donne libre cours à sa verve et où nos chanteurs nous ont communiqué leur plaisir immense de se retrouver pour ce partenariat. Dommage alors que le quintette ait été suivi par le quatuor final du Tobie de Gounod où Kseniia Proshina, Marine Chagnon, Kiup Lee et Alejandro Baliñas Vieites ont vaillamment défendu une partition qui ne contribue guère à la gloire de Gounod et qui contrastait fortement avec celle de Bizet. Mais cela n’a pas amoindri notre plaisir de participer à un très beau concert.
- Sopranos
Kseniia Proshina, Ilanah Lobel-Tores, Martina Russomanno - Mezzo-sopranos
Lise Nougier, Marine Chagnon - Contre-ténor
Fernando Escalona - Ténor
Kiup Lee - Barytons
Alexander Ivanov, Yiorgo Ioannou, Niall Anderson - Basses
Alejandro Baliñas Vieites, Aaron Pendleton - Piano :
Hugo Mathieu, Carlos Sanchis Aguirre, Felix Ramos, Ramon Theobald - Violon :
Julius Bernad, Yoan Brakha, Sue-Anne Lee, Roxanne Rabatti - Violoncelle :
Johann Causse, Rune Hitsumoto - Contrebasse :
Zi An Wu
Hector BERLIOZ
Les Nuits d’été
Georges BIZET
La Jolie Fille de Perth, Les Pêcheurs de perles, Carmen
Charles GOUNOD
Tobie
Jules MASSENET
Cendrillon, Don Quichotte, la Vierge
Giacomo MEYERBEER
Les Huguenots
Ambroise THOMAS
Hamlet