Concerts d’automne (3/3) – Lieder : Le Chant du Cygne de… Haydn !
Crédit photos : © Pauline Pénicaud
Abendlied : trios et quatuors vocaux de Haydn par François Bazola, Marie Perbost, Sébastien Droy, Alienor Feix et Mathieu Dupouy
Les lieder de l’époque classique sont encore assez largement méconnus, notamment ceux de Haydn qui ont rarement eu les honneurs du concert ou du disque (à la notable exception du CD reprenant le programme de ce concert, avec les mêmes artistes, un CD paru chez Hérisson en avril dernier). Aussi le choix d’une après-midi consacrée à des lieder du compositeur autrichien pour clôturer l’édition 2021 des Concerts d’automne était-il à la fois original et courageux.
Devant la rareté des pièces interprétées, le choix a été fait d’adopter une démarche pédagogique, mais dépourvue de toute lourdeur et de tout didactisme pesant : les pièces chantées sont ainsi entrecoupées non seulement de pièces pour pianoforte (superbement interprétées par Mathieu Dupouy) mais aussi de textes (fort bien) lus par Didier Girauldon, portant à notre connaissance des extraits de lettres d’un Haydn vieillissant, de même que le contenu des textes des lieder (par ailleurs également disponibles en traduction dans le programme). Toutes les conditions sont ainsi réunies pour que le public puisse savourer ces « trios et quatuors vocaux avec pianoforte », œuvres de la maturité publiées en 1803 dont la dimension testamentaire transparaît plus d’une fois dans la musique et les poèmes, notamment le Chant de reconnaissance à Dieu, le Vieillard, la Contemplation de la mort ou encore le Chant du soir adressé à Dieu.
Dans l’une des lettres lues par Didier Girauldon, le compositeur dit souhaiter retrouver dans sa musique la simplicité de la conversation humaine. De fait, c’est très souvent une impression de grande simplicité qui se dégage de ces pièces, comme si le compositeur, au terme de sa carrière et de sa vie, choisissait de recentrer son propos sur l’essentiel. Un focus qui, s’il permet certaines considérations sur la vanité de l’existence, la sérénité du vieillard devant l’approche de la mort, la nécessaire reconnaissance du mortel devant la miséricorde divine, n’empêche nullement certaines pirouettes pleines de légèreté ou d’humour (L’Éloquence et sa clausule abrupte évoquant le fait que l’eau rend muet, L’Instant, où le poète explique en quoi les stratégies déployées par un amoureux pour séduire sa bien-aimée ne mènent à rien si elles n’ont pas lieu au « moment favorable »,…).
C’est François Bazola, fondateur de l’Ensemble Consonance, qui dirige le concert tout en chantant la partie de basse : son timbre chaleureux se marie harmonieusement à ceux de Marie Perbsot, soprano lumineux qui plie efficacement ses (grands) moyens au cadre intime du programme, Aliénor Feix, dont le mezzo cuivré lance superbement le lied final : « Herr ! der Du mir das Leben… », et Sébastien Droy, au timbre comme toujours très doux et extrêmement touchant… Qu’il s’agisse de mêler leurs voix pour chanter ensemble, d’intervenir à tour de rôle ou de dialoguer (amusante joute verbale à coup de « er » et de « sie » dans L’Harmonie dans le mariage !), la complicité entre les artistes saute aux oreilles du public qui, ravi, obtient un bis : le délicat et touchant Benedictus de la Messe de Saint-Nicolas.
Grand succès pour cette édition 2021 des Concerts d’automne : en ces temps où la reprise des manifestations culturelles s’effectue de façon encore un peu timide, le public a répondu présent – nouvelle preuve, s’il en était besoin, que ce festival musical est désormais devenu un rendez-vous incontournable pour les mélomanes de France… et d’ailleurs !
Marie Perbost soprano
Aliénor Feix mezzo-soprano
Sébastien Droy ténor
Mathieu Dupouy pianoforte
François Bazola basse & dir.
Ensemble Consonance
Didier Girauldon récitant
Joseph Haydn • Abendlied. Trios et Quatuors vocaux avec pianoforte
Opéra de Tours, concert du 17 octobre 2021