Theodora au Théâtre des Champs-Élysées – Martyre de première classe
La Theodora de Haendel posait ses valises au Théâtre des Champs-Élysées. Richement doté vocalement, le pénultième oratorio du Caro Sassone brille par l’incroyable prestation de Joyce DiDonato et l’incarnation tout en émotion de Paul-Antoine Bénos-Djian.
Les concerts se suivent et se ressemblent. Comme nous en rendait compte notre confrère Antonio Samson (à lire ici), l’interprétation de Theodora à la Scala de Milan a été un moment exceptionnel d’émotions et de splendeurs vocales. Il en aura été de même ce lundi soir au Théâtre des Champs-Élysées.
Chef-d’œuvre sous-estimé écrit en 1749, Haendel, alors au crépuscule de sa carrière, considérait cet oratorio comme l’une des créations favorites. Riche en intensité dramatique, la scène a su donner vie à la martyre chrétienne, deux fois notamment sous la direction de William Christie, en 1996 à Glyndebourne (à voir ici) dans une mise en scène de Peter Sellars avec Dawn Upshaw et David Daniel, et en 2015 avec Katherin Watson et Philippe Jaroussky (à voir ici) déjà au Théâtre des Champs-Élysées.
Même lieu mais sans mise en scène cette fois-ci. L’affiche de rêve aura suffi à nous plonger au cœur de ce drame à la musique inventive touchant souvent au sublime.
Il faut des chanteurs à la technique aguerrie pour servir le Caro Sassone et réussir à faire naître l’émotion derrière l’exploit vocal. Le rôle-titre est endossé par la talentueuse Lisette Oropesa. La soprano à la voix claire et à l’interprétation tout en retenue sait à merveille rendre poignants les affres de ce personnage partagé entre amour et religion. Michael Spyres, dans le rôle de Septime, est le fin interprète qu’on connait et la technique, toujours souveraine, lui permet de survoler avec brio les mesures de vocalises écrites par Haendel. John Chest est un Valens, plus baryton que basse, à la projection ferme, à la vaillance sans faille et à l’autorité affirmée.
Paul-Antoine Bénos-Djian est un Dydime admirable. Rinaldo magnifique il y a peu à l’Opéra de Rennes, le contre-ténor apporte au rôle du jeune converti par amour un surplus d’émotions qui touche immédiatement. La technique et la projection sont incomparables et la musicalité infaillible est en permanence mise au service du drame. Paul-Antoine Bénos-Djian ajoute ainsi une nouvelle réussite à sa galerie de portraits de héros haendelien.
Last but not least, cette représentation en version concert est surtout l’occasion pour Joyce DiDonato de briller, encore une fois, de mille feux dans le rôle d’Irene. La technique est superlative et la mezzo-soprano en use toujours à bon escient. Même si le portait vocal est infiniment travaillé, rien ne semble gratuit. Si on devait chercher un modèle pour savoir comment chanter et interpréter Haendel aujourd’hui, nous citerions sans hésitation possible le nom de Joyce DiDonato.
Il Pomo d’Oro, dans son interprétation historiquement informée, sous la direction de Maxim Emelyanychev, s’est montré à la hauteur de cette distribution de première classe même si parfois un peu avare de couleurs et sacrifiant par moment l’expression à l’agitation. Le choeur, à l’implication de tous les instants, n’est pas à oublier dans le succès de cette soirée.
Nul doute que le disque issu de cette production de Theodora, enregistrée par Erato/Warner Classics et dont la sortie est prévue à l’automne 2022, sera l’occasion de revivre l’intensité musicale et émotionnelle de ce concert.
En attendant, ne manquez pas la diffusion de ce concert sur medici.tv.
Lisette Oropesa Theodora
Joyce DiDonato Irene
Michael Spyres Septimius
John Chest Valens
Paul-Antoine Bénos-Djian Didymus
Massimo Lombardi Le Messager
Orchestre et chœur Il Pomo d’Oro
Maxim Emelyanychev direction
Theodora (1750)
Georg Friedrich Händel
Oratorio en trois actes pour solistes, choeur et orchestre
Théâtre des Champs-Élysées, version de concert du lundi 22 novembre 2021, 19h30