Le Stabat Mater de Pergolèse en grâce au Théâtre des Champs-Elysées
Le chef-d’œuvre du maître italien est honoré avec justesse par le Concert de la Loge de Julien Chauvin, accompagné des voix solistes de Jodis Devos et Adèle Charvet.
La série de concert des « Grandes voix » continue au Théâtre des Champs-Elysées avec ce programme mettant à l’honneur le célébrissime Stabat Mater de Pergolèse avec deux étoiles montantes du chant lyrique : Jodie Devos et Adèle Charvet. En première partie de concert, chacune d’entre elles investit le devant de la scène pour les Salve Regina du maître italien et de Haendel, dans un dialogue des écritures et des tessitures.
Adèle Charvet assure un Salve Regina de Pergolèse tout en grâce, malgré un déséquilibre sonore persistant avec l’ensemble. La tessiture d’alto pour laquelle l’ouvrage est écrit et impliquant un effort d’émission supplémentaire pour la voix, associée à l’enthousiasme sonore du Concert de la Loge, participent d’une même impression d’un engloutissement relatif du vocal par l’instrumental. La voix maintient toutefois un sens du phrasé remarquable, qui rappelle la mélodiste, enrobé d’un vibrato large et mesuré, et une technicité vocale qui lui permet d’évoluer dans la tessiture d’altiste tout en gardant une homogénéité de timbre. Relevons également des graves bien ancrés et des médiums chatoyants, pleinement appréciés dans le « Et Jesum », à l’heure où l’accompagnement se fait minimaliste (quatuor et clavecin). Jodie Devos crée le contraste avec un Salve Regina de Haendel portée d’une voix puissante, gazouillant dans les aigus avec un vibrato léger. Le caractère incandescent de la voix enflamme l’« Eia ergo », pour retrouver toutefois une grande quiétude avec un « Ad te clamamus » d’une belle rondeur.
Le Stabat Mater vient unir les deux voix jusqu’alors séparées. L’heure est à une sobriété d’exécution qui a le mérite de la justesse sans tomber dans une extravagance hors de propos. Dès le célébrissime « Stabat Mater dolorosa » introductif, les deux solistes forment un duo particulièrement réussi, avec une heureuse complémentarité de timbre et d’énergie. Surtout, la voix d’Adèle Charvet vient se révéler. La timidité vocale des premiers airs laisse la place à une puissance et une palette expressive nouvelle, avec par exemple un « Fac ut portem Christi mortem » pleinement investi. Jodie Devos poursuit une ligne emportée, dont l’esprit vient donner aux phrases vocales un caractère toujours très affirmé et direct, lequel jure parfois avec le ton de l’ensemble, dévoué à une expressivité dictée par une mesure alliée à la grâce.
Avec Le Concert de la Loge, Julien Chauvin continue de viser juste avec une vision musicale où opèrent précision du geste, rigueur rythmique, sens accompli des nuances, et écoute entre les différents interprètes de l’ensemble. Ce « style Concert de la Loge » alliant une grande sobriété d’exécution à une pureté sonore se retrouve aussi bien dans les parties verticales et harmoniques que dans les parties plus horizontales, où les voix s’entrecroisent avec une grande minutie. On regrettera cependant le déséquilibre sonore manifesté en première partie vis-à-vis d’Adèle Charvet, qu’un souci supplémentaire de balance aurait pu corriger.
Le Stabat Mater de Pergolèse par le Concert de la Loge, Adèle Charvet et Jodie Devos est à retrouver dans la procha,ine parution CD de l’ensemble chez Alpha Classics, à partir de ce 4 février. Pour cet enregistrement, la Maîtrise de Radio France rejoint l’équipage artistique, et la Symphonie n° 49 La Passione le chef-d’œuvre atemporel de Pergolèse.
Jodie Devos, soprano
Adèle Charvet, mezzo-soprano
Le Concert de la Loge
Julien Chauvin, direction
Durante
Concerto grosso en fa (poco andante – allegro)
Pergolese
Salve Regina
Haendel
Judas Maccabaeus HWV 63 (ouverture)
Salve Regina
Pergolese
Stabat Mater
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Concert du mardi 25 janvier 2022, 20h