C’est bien plus, bien mieux qu’un récital Véronique Gens qu’a proposé ce vendredi le Théâtre des Champs-Élysées (en collaboration avec le Centre de musique baroque de Versailles, le Festival Sinfonia en Périgord et l’ensemble Les Surprises) : un concert intelligemment pensé, dont le concept et l’architecture se sont avérés particulièrement réussis. La soirée se compose de cinq parties de 15 minutes chacune environ, toutes construites autour d’un thème porté par un air. Alternent ainsi pages instrumentales, pages chorales, airs, airs avec chœur, le tout donnant une très belle impression de cohérence et de fluidité grâce notamment à d’habiles et séduisantes transitions.
L’ensemble Les Surprises (dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas) séduit par sa précision, sa rigueur stylistique, mais aussi et surtout par l’excellent équilibre qu’il donne à entendre avec la voix de Véronique Gens. Mention spéciale aux choristes, fort bien mis en valeur dans le magnifique Chœur du sommeil de Desmarest (extrait de La Dame de Fontainebleau).
Véronique Gens, dans ce répertoire, est quant à elle tout simplement idéale. La chanteuse, souvent, a besoin d’un peu de temps pour se mettre en voix et prendre ses marques ; mais ce n’est pas le cas en cette soirée du 18 février, où elle se montre immédiatement pleinement convaincante, avec une voix pleine, ronde, un timbre aux couleurs chaudes et variées, et bien sûr le sens des nuances et les incroyables qualités de diction qu’on lui connaît. Une performance encore plus séduisante que celles (pourtant remarquables !) léguées au disque dans l’excellente série des Tragédiennes parue il y a quelque temps chez Erato : l’art de Véronique Gens a absolument besoin du concert et de la scène pour délivrer tous ses sortilèges ! Si tout fut admirable au cours de ce récital, deux sommets absolus d’expressivité et d’émotion furent atteints avec les splendides extraits d’Atys et d’Armide…
Signe de la qualité exceptionnelle du concert : le public, extrêmement respectueux et concentré, ne tousse pas, ne chuchote pas, ne laisse tomber ni programme ni lunettes, mais retient son souffle… avant de réserver un véritable triomphe final aux artistes ! En bis est proposée l’irrésistible passacaille finale d’Acis et Galatée de Lully : on quitte la salle à regret, surpris que le temps ait passé si vite, et en se disant qu’on aurait très volontiers prolongé le plaisir de ce concert…
BACK TO LULLY
Véronique Gens, soprano
Ensemble Les Surprises
Louis-Noël Bestion de Camboulas, direction
Acte I : Malheureuse mère
Ouverture – Persée (Lully)
Air « Désirs, transports » Circée (Desmarets)
Deuxième air Proserpine (Lully)
Entrée des Bretons, passepied, Ballet du Temple de la Paix (Lully)
Air et chœur « Ô malheureuse mère… » Proserpine (Lully)
Air et chœur « Que tout se ressente de la fureur que je sens » Proserpine (Lully)
Acte II : Armide abandonnée
Air « Enfin il est en ma puissance » Armide (Lully)
Air pour les néréides – Air pour les divinités – Les Éléments (Destouches)
Air « Espoir si cher et si doux » Atys (Lully)
Sarabande Dieux des Enfers – Ballet de la naissance de Vénus (Lully)
Canaries – Le Bourgeois Gentilhomme (Lully)
Acte III : L’appel des enfers
Air « Toi qui dans ce tombeau… » – Amadis (Lully)
Prélude – Amadis (Lully)
Air « Calme tes déplaisirs » – Achille et Polyxène (Collasse)
Tempête – Thétis et Pélée (Collasse)
Acte IV : Tranquille Sommeil, funeste mort
Air de La Nuit : « Voici le favorable temps… » – Le Triomphe de l’Amour (Lully)
Chœur du Sommeil – La Diane de Fontainebleau (Desmarets)
Pompe Funèbre – Alceste (Lully)
Air et chœur « La mort, la mort barbare… » – Alceste (Lully)
Acte V : Médée furieuse
Air pour les heures – Les Éléments (Destouches)
Musette et Sarabande – Le Ballet de la Paix (Rebel et Francœur)
Air « Quel prix de mon amour » Médée (Charpentier)
Air et chœur « Noires filles du styx » Médée (Charpentier)
Air pour esprits malfaisants – Le Ballet de la Paix – (Rebel et Francœur)
Bis : Acis et Galatée de Lully (passacaille)
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Concert du vendredi 18 février 2022, 20h