Sous les voutes gothiques de la cathédrale Saint-Pierre, la réunion des ensembles Les éléments et Les Ombres magnifie la Renaissance et le baroque britanniques. De Tallis à Purcell, cet âge d’or procure un rafraichissement bienvenu en cette période caniculaire. Rafraichissement devenant jubilatoire dans la luxuriance italienne de Haendel.
De Tallis et Byrd jusqu’à Purcell
Après les polyphonies vocales a cappella des King’s Singers en début de semaine, cette programmation complète avec bonheur le panorama du premier âge d’or anglais. L’excellence de tous les pupitres vocaux du chœur de chambre toulousain, Les éléments, jaillit du fond de la cathédrale, fleurissant sous le somptueux buffet d’orgue. C’était aussi le cas lorsque Le Poème harmonique faisait surgir l’œuvre de Guillaume Bouzignac lors de l’édition 2021 du FROM.
La souplesse de If Ye Love Me de Thomas Tallis précède celle du Laudibus in Sanctus (5 voix), signé par son disciple, William Byrd. Les configurations variées – chœur mixte avec instruments, chœur a cappella – tamisent cette musique anglicane, sobrement expressive. Dans la sélection des pièces d’Henry Purcell, la belle Ode à Sainte-Cécile, “Welcome to All the Pleasures” (1683), fleurit dans cette idéale acoustique. Si les deux volets de son ouverture instrumentale captivent déjà l’attention (excellent continuo et orgue positif de l’ensemble Les Ombres), les chœurs et soli résonnent avec bonheur dans l’emplacement « stéréophonique » des chanteurs-chanteuses entre jardin et cour, conduits par Joël Suhubiette, chef et fondateur des Eléments (1997). Parmi les solistes, signalons le talent du ténor François-Olivier Jean, du contreténor Gabriel Jubelin (dont les noms ne figurent hélas pas sur le succinct programme), s’adaptant aux tempi de danse (Mask) ou brodant sur le ground (basse contrainte) du continuo.
La luxuriance du Dixit Dominus d’Haendel
Contrastant avec le style anglais, la luxuriance romaine de G. F. Haendel fait des étincelles en dernière partie de ce concert sans entracte (un exploit pour les musiciens !). Avant son installation londonienne, le séjour du compositeur luthérien à Rome, adopté comme Caro Sassone (1707), l’a initié aux splendeurs de l’oratorio latin – théâtralisation dans la répartition de masses ou des soli – ainsi qu’à l’influence du contrepoint « à la Corelli » (ses concerti grossi contemporains). Dans l’auditoire, un spectateur érudit nous signale également l’influence déterminante du maître romain de la Cappella Giulia, Pietro P. Bencini.
Les qualités natives du chœur de chambre Les éléments explosent ici, plus que celles des Ombres (orchestre parfois délaissé par le chef de chœur). Elles transmettent la réjouissance des paroles latines du Psaume 110, notamment dans le Gloria Patri et Filio. Signalons l’émouvante musicalité des soprani solistes – Julia Wischnewsky, Cécile Dubon – dans le sublime duo De torrente in via bibet.
Avant que cette édition So british du FROM ne se termine, nous rêvons déjà aux surprises que réserve sa future édition, au vu du changement annoncé de gouvernance et de direction : la nomination de Michel Orier (directeur de la musique de Radio-France).
Ensemble vocal Les éléments
Ensemble Les Ombres, direction Joël Suhubiette
John Eccles : The Mad Lover
Thomas Tallis : If Ye Love Me
William Byrd : Laudibus in Sanctus
Henry Purcell : anthems, Ode à Sainte-Cécile “Welcome to All the Pleasures”
G. F. Haendel : Dixit Dominus HWV 232