CONCERT DU 29 JUIN
Les moyens de Kyeyoung Kim sont importants et la chanteuse mérite qu’on suive son parcours. Son français reste cependant perfectible, et il n’est pas sûr que la folie d’Ophélie soit une page qui mette réellement en valeur ses qualités, en raison d’un suraigu et d’une virtuosité un peu limités. Alexander York et Andrea Cueva Molnar sont bien connus de ceux qui suivent les concerts de l’Académie de l’Opéra de Paris. Si la ligne de chant de l’air de Zurga, teintée de dramatisme, pose quelques problèmes d’intonation au baryton – avec notamment quelques aigus qui plafonnent –, la romance à l’étoile de Wolfram est phrasée avec sensibilité et poésie. La soprano quant à elle convainc davantage en Micaëla qu’en Pamina, dont l’interprétation d’ « Ach, ich fühl’s » reste un peu froide, un peu trop égale d’expression. Marie Lombard chante avec poésie le « Cantique » de Nadia Boulanger, mais semble moins à l’aise en Marie de La Fille du régiment qu’en Sophie du Rosenkavalier, où elle fait entendre une émission vocale bien assurée même si les aigus de « Ich bin Euer Liebden », joliment soutenus, ne possèdent pas le caractère diaphane requis par la page… On admire la technique et le suraigu de Larisa Stefan (qui affronte les clochettes de Lakmé), mais son français est assez cotonneux – et l’émission reste souvent trop nasale. L’air d’Urbain convient idéalement aux moyens de Laura Jarrell, qui en délivre une interprétation précise et espiègle. L’air de Händel (Ariodante) convainc un peu moins, l’émission peinant à conserver son caractère égal sur l’ensemble de la tessiture. Le ténor Rémy Burnens dispose d’une voix fraîche qui semble idéalement adaptée au répertoire de l’opéra-comique, et l’on admire sa facilité à vocaliser dans l’air de La Scala di seta. Malheureusement, la voix à tendance à se resserrer dans l’aigu, qui se délivre avec moins de facilité que le grave ou le médium. Clara Guillon et Floriane Derthe font valoir un beau tempérament comique, respectivement dans Les Mamelles de Tirésias de Poulenc et Candide de Bernstein. Lindsey Coppens chante dans un français mieux que correct, avec des accents qui rappellent parfois l’art de Felicity Lott, surtout dans « L’amour captif » de Cécile Chaminade. L’importance des moyens vocaux n’empêche nullement la chanteuse de nuancer son interprétation et d’accorder une appréciable attention aux mots. Apolline Raï-Westphal dispose de réelles qualités, vocales et interprétatives : le « Songe ! » de Juliette Folville est délicatement phrasé et doté d’une poésie dénuée de mièvrerie. Et surtout, Apolline Raï-Westphal est la seule candidate à oser une cantilène bellinienne, où la moindre erreur de souffle ou d’intonation se trouve comme surexposée. Elle propose une scène d’entrée de Giulietta très pure, où la relative ténuité du timbre est compensée par une très belle variété d’accents.
En cette deuxième soirée, enfin, nous avons particulièrement apprécié les prestations du ténor Léo Vermot-Desroches, du baryton-basse Oleg Volkov, des sopranos Héloïse Poulet et Lucie Peyramaure et de la mezzo Lotte Vertsaen. Comme lors du concert du Centre Français de Promotion Lyrique donné au Studio bastille en novembre 2021, Léo Vermot-Desroches interprète la « légende de Kleinzach » dont il négocie bien le passage de la truculence au lyrisme de « Ah, sa figure était charmante », même si dans cette section, un tempo un peu trop rapide retire à la page quelque peu de sa poésie. Si, dans le medium, l’émission est parfois un peu trop placée « en arrière », la voix se libère dans des aigus bien assurés, et le timbre possède de chaudes couleurs barytonnantes (qui n’excluent nullement de belles nuances, notamment dans le poétique « Lamento » de Viardot). On sait gré à Oleg Volkov de nous faire entendre la seule page russe (!) programmée dans ces demi-finales (Aleko de Rachmaninov). Le timbre du baryton-basse est immédiatement prenant, avec ce mélange de rugosité et de tendresse typique de certaines voix slaves. Le chanteur se lance courageusement dans les couplets d’Escamillo, pas si faciles à maîtriser sans le support de l’orchestre, avec ses difficiles descentes vers le grave (souvent peu audibles, ici très assurées) et ses non moins difficiles aigus (qui, ici, « plafonnent » un peu). À noter : un français compréhensible, visiblement bien travaillé ! Lucie Peyramaure dispose d’une voix de soprano lyrique longue, large et puissante, conservant sa densité aux deux extrêmes de la tessiture. Elle confère un réel dramatisme à « Der Sturm » de Marie Jaëll, et une belle nostalgie au second air de Mimi. Héloïse Poulet nous a fait une forte impression, avec une belle assurance vocale et scénique, un réel abattage dans la scène de Thérèse (Les Mamelles de Tirésias), et une Musette pleine de sensualité. Enfin, Lotte Verstaen, au chant noble et probe, convainc en Dorabella, séduit dans le « Laue Sommernacht » d’Alma Mahler, et impressionne dans l’air des lettres de Charlotte, dont elle délivre une interprétation pleine de sensibilité, portée par un timbre d’une belle densité, richement coloré, qui n’est pas sans évoquer celui d’une Rita Gorr…
Un mot enfin pour féliciter les pianistes qui ont vaillamment accompagné les demi-finalistes pendant ces quelque huit heures de concert, toujours soucieux de les soutenir, de les accompagner, et de mettre leurs interprétations en valeur.
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VOTE DU JURY
À l’issue des délibérations, le jury a finalement retenu les dix candidats suivants :
© Génération Opéra / Voix nouvelles
COPPENS Linsey – mezzo-soprano Belgique
DUFY Lila – soprano France
GAZEILLES Emy – soprano France
LOUIS-JOSEPH-DOGUE Livia – soprano France Outre-mer
MEY Juliette – mezzo-soprano France
OLIVA Lauranne – soprano France
POULET Heloïse – soprano France
THILL Valentin – ténor France
VERMOT-DESROCHES Leo – tenor France
VERSTAEN Lotte – mezzo-soprano Belgique
Nous les retrouverons avec plaisir lors de la finale, qui aura lieu le dimanche 8 octobre à l’Opéra Comique.
CHANTEURS
Sopranos
Kyeyoung Kim, Clélia Moreau, Daria Lupu, Marie Lombard, Héloïse Poulet, Larisa Stefan, Clara Guillon, Andrea Cueva Molnar, Lucie Peyramaure, Apolline Raï-Westphal, Floriane Derthe
Mezzo-sopranos
Laura Jarrell, Lotte Verstaen, Linsey Coppens
Contre-ténor
Théo Imart
Ténors
Léo Vermot-Desroches, Rémy Burnens
Baryton
Alexander York
Baryton-basse
Oleg Volkov
PIANISTES
Rodolphe Lospied, Ayaka Niwano, Juliette Journaux, Paul Coispeau, Benjamin Brunet, Elisa Bellanger, Hugo Mathieu, Charlotte Bonneu
Demi-finale du concours Voix Nouvelles 2023 (2/2)
Opéra de Massy, jeudi 29 juin 2023