La collaboration intergénérationnelle marque cette journée du 7 octobre à Ambronay. Le duo constitué par William Christie et le jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte constitue le premier opus. Le programme Viva Napoli de l’orchestre Pulcinella, dirigé par Ophélie Gaillard, en est le second, en compagnie de la jeune mezzo-soprano Eva Zaïcik.
Le duo issu des Arts Florissants
Le récital de William Christie et Théotime Langlois de Swarte est à la croisée des écoles françaises, allemandes et italiennes du baroque tardif. D’un côté, les sonates de Jean-Marie Leclair et de Jean-Baptiste Senaillé, compositeur révélé par les artistes depuis les fonds de la Bibliothèque nationale de France. De l’autre, Georg Friedrich Haendel. Après l’enregistrement de l’album Générations Leclair Senaillé (Harmonia Mundi, 2021), leur plaisir de jouer ensemble demeure. En direct de l’Abbatiale, ce programme généreux magnifie tant la souplesse que l’énergie de danses dynamiques (la Gavotte de Senaillé) ou de mouvements virtuoses. L’aisance raffinée des préludes, sarabandes (celle poignante de la Sonate en sol m de J-B. Senaillé) et autres pages modérées séduit par une expressivité sans pathos (et si peu de vibrato au violon). Selon le contraste cher au baroque, la virtuosité fuse de quelques corrente fluides et anime la gigue endiablée de la Sonate en la majeur de J-M. Leclair, si irish avec d’audacieux interprètes. Leur complicité devient surenchère lors de La Follia d’Arcangelo Corelli qui clôture ce marathon olympique de huit sonates. Les double cordes et bariolages surgissent sous l’archet du fougueux prodige du violon, les basses galopent sur le clavecin. Et la surenchère se métamorphose en duel humoristique lors des bis qui s’enchainent, dont le Coucou de Senaillé. Si quelques omissions se sont furtivement glissées pendant ce parcours, le public enthousiaste exprime son bonheur d’écoute en se levant pour un vibrant hommage aux artistes. Leur duo personnifie le geste de transmission dans le foyer incubateur d’Ambronay où le jeune Théotime confie avoir joué dès l’âge de 14 ans !
Napoli avec Ophélie Gaillard et Eva Zaïcik
Grâce au remplacement de la mezzo Eva Zaïcik (le contreténor C. Dumaux étant souffrant), la programmation Viva Napoli de l’ensemble Pulcinella est maintenue ce 7 octobre. Conséquence des changements de dernière minute, une coloration vénitienne s’ajoute avec la présence de Vivaldi, sans omettre celle européenne avec il Caro Sassone (G. F. Haendel). Véritable manteau d’Arlecchino, le concert assemble des pièces orchestrales, deux concerti pour violoncelle et trois airs d’opera seria, dont ceux du maître incontesté de l’école napolitaine, Nicola Porpora. Dans la première catégorie, l’entrée pulsée de La Trattado de Glosas de Diego Ortiz (espagnol installé à Naples sous domination ibérique) fait la promotion des cordes graves et de la guitare, plus loin suivie d’une Tarentelle (anonyme) qui procède par crescendo de l’instrumentarium. Au fil des pièces, le jeu du psaltérion ou d’autres percussions (castagnettes) fait aussi diversion.
Dans les concerti pour violoncelle, Ophélie Gaillard multiplie les prouesses, elle qui dirige l’ensemble Pulcinella depuis son archet fougueux. Cependant, la pauvreté harmonique du Concerto n° 2 de Leonardo Leo devient lassante, en dépit de cadenza inventive au violoncelle (avec harmoniques). Il faut attendre le Concerto n° 1 de Nicola Fiorenza pour goûter à quelques ritournelles expressives (justesse approximative chez les violons), dont la fameuse « sixte napolitaine » ! Enfin, l’auditeur savoure une écriture polyphonique (à 4 voix) dans le Concerto pour cordes de Francesco Durante, un aspect qui fait défaut aux autres pièces instrumentales sélectionnées. Si le bis du concert enchante le public – le Scaramuccia de la commedia dell’arte napolitaine sous la gestuelle de la percussionniste (Michèle Claude) –, les moments forts de la soirée sont dévolus au chant. Naples est bien le foyer du seria et du buffa dans l’Europe du Settecento. L’expressivité d’une aria extraite du Farnace de Vivaldi et celle issue du Meride e Selinunte de Nicola Porpora font valoir le legato suave d’Eva Zaïcik, conduit sur le souffle. Dans le balancement de mouvements lents, la jeune mezzo française (2e Prix du concours Reine Elisabeth 2018) imprime chaque affetto du da capo, l’un avec une tendre noblesse (Vivaldi), l’autre emplie de « la mia costanza » (Porpora). La mezzo réserve ses feux impérieux pour l’allegro de fureur qui conclut le concert. « Crude furie degli orridi abbisi » (Serse) d’Haendel fait vibrer l’Abbatiale avec l’aisance requise pour affronter l’ambitus vertigineux (du si grave jusqu’au contre-si) : molto brava !
Récital violon clavecin : William Christie, Théotime Langlois de Swarte.
Concert Viva Napoli : Ophélie Gaillard, Eva Zaïcik, Pulcinella Orchestra.
Récital violon clavecin
Sonate HWV 371 de G. F. Handel ; Sonates n° 5 et 6 (Livre I) de J.-B. Senaillé ; Sonates n° 2 et n° 5 (Livre I) de J.-M. Leclair ; Sonate op. 5 n° 12 La Follia d’A. Corelli.
Viva Napoli
La Trattado de Glosas de Diego Ortiz ; Suave melodia (Primo libro di canzone e sinfonie) d’Andrea Falconieri ; Concerto n° 2 pour cello de Leonardo Leo ; Concerto n° 1 pour cello de Nicola Fiorenzo ; Concerto pour cordes de Francesco Durante. « Gelido in ogni vena (Farnace) d’Antonio Vivaldi ; « Torbido intorno al core” (Meride e Selinunte) de Nicola Porpora; “Crude furie” (Serse) de G. F. Haendel.
Concerts du samedi 07 octobre 2023, Festival d’Ambronay.