Il ne sera peut-être pas facile de trouver une programmation musicale qui fasse écho à la grande exposition Van Gogh que présente le musée d’Orsay depuis quelques semaines. Aucune difficulté, en revanche, en ce qui concerne l’autre manifestation en cours, la rétrospective consacrée au curieux peintre symboliste lyonnais Louis Janmot. Après un premier concert donné par Les Métaboles sur le thème des anges, dont le bruissement d’ailes emplit les toiles de Janmot, c’est cette fois la compagnie Miroirs étendus qui propose un choix en forme de « réminiscence musicale » faisant écho aux œuvres picturales dont une reproduction est projetée sur le fond de scène. L’annonce de concert, il y a plusieurs semaines, indiquait qu’on y entendrait Les Nuits d’été de Berlioz, le reste étant laissé dans le vague. Finalement, c’est un programme bien plus original qui est offert aux spectateurs.
Comme l’explique d’abord le pianiste Romain Louveau, il connaît depuis longtemps l’œuvre de Janmot puisqu’il est lui-même originaire de Lyon. Néanmoins, ses toiles visibles au musée des beaux-arts de la capitale des Gaules lui causaient jadis plus d’émoi que de plaisir, et il lui a fallu apprivoiser l’artiste, apprendre à l’aimer, ce qui n’est certes pas la moins bonne manière d’aborder les œuvres d’art. Pour ce concert, il a réuni à la fois des mélodies sur des poèmes d’auteurs qui admiraient Janmot (Théophile Gautier, bien sûr, mais aussi Baudelaire) et des lieder dont le texte correspond à ce que dépeint Janmot : mère berçant son enfant et anges, aspirations à l’idéal, affliction liée à la perte de la bien-aimée, mais aussi cette sensualité que le peintre évoque pour en dénoncer les effets, la dernière des œuvres de cinq Janmot retenues comme inspiration étant le Rêve de feu, vision de jeunes femmes qui dansent nues et répandent des fleurs… En réponse au versant purement musical, il a été décidé de confier au comédien Éric Challier le soin de lire des extraits du Poème de l’âme, cette épopée en vers que Janmot conçut en parallèle avec ses œuvres peintes et dessinées. Pour les lieder, une nouvelle traduction française a été commandée à « l’auteur et metteur en scène Antoine Thiollier » : on regrette que ces textes ignorent le genre (masculin) du mot « myrte », plante associée à Vénus et donc souvent mentionnée par les poètes tant français qu’allemand.
C’est à la soprano Marianne Croux que revient la tâche d’interpréter toutes ces mélodies, ce qu’elle fait avec une élégance souriante. Après le Brahms et le Schubert qui lui permettent de se chauffer la voix, la chanteuse donne la pleine mesure de l’expressivité dont elle est capable dans deux lieder de Mignon de Schumann.
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Le compositeur revient à plusieurs moments de la soirée, notamment pour une brillante exécution du Fantasiestücke pour clarinette et piano, Bertrand Laude ayant ouvert le concert avec Romain Louveau dans l’Andante et allegro d’Ernest Chausson. L’auteur du Roi Arthus est lui aussi très présent, notamment avec la belle « Oraison » sur un texte de Maeterlinck. Par rapport au programme de salle, on regrette néanmoins que n’ait finalement pas été chantés les Chansons de Shakespeare du même Chausson, ni l’extrait prévu de Myrthen de Schumann. On savoure malgré tout les deux versions du « Lamento » de Gautier, celle de Berlioz puis, juste après l’entracte, celle de Pauline Viardot, ainsi que la rare « Invitation au voyage » de Chabrier, pour laquelle Bertrand Laude revient en bassoniste.
- Éric Challier, comédien ;
- Marianne Croux, soprano ;
- Bertrand Laude, clarinette ;
- Romain Louveau, piano et direction artistique ;
- Compagnie Miroirs Étendus.
- Hector Berlioz, extraits des Nuits d’été H 81A ;
- Johannes Brahms, « In stiller Nacht » WoO. 33, Zwei Gesänge op. 91 n. 2 ;
- Emmanuel Chavrier, L’invitation au voyage D. 18 ;
- Ernest Chausson, Andante et allegro pour piano et clarinette, extraits des mélodies opus 13, opus 25 (« Serres chaudes ») et des Chansons de Shakespeare ;
- Franz Schubert, « Die Sternennächte » D. 670 ;
- Robert Schumann, Fantasiestücke opus 73, extrait des Lieder und Gesänge aus Goethes Willem Meister op. 98 et des Myrthen op. 25.